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Full text of "Etude sur les monuments de l'architecture militaire des croisés en Syrie et dans l'île de Chypre"

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COLLECTION 



DE 



DOCUMENTS INÉDITS 

SUR L'HISTOIRE DE FRANCE 

I PIIBLIÛ PAB I.RS SOINS 

DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE. 



PREMIÈRE SÉRIE. 



HISTOIRE POLITIQUE. 



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1 



ÉTUDE 

SIR 

LES MONUMENTS 

L'ARCHITECTURE MILITAIRE DES CROISÉS 

Ei\ SYRIE 

ET DA^S L'ILE DE CHYPKE, 

PAR (i. REY, 

lIEHtRE B^SIDAKT DK tl SOCIÉTÉ DES k>TIQUIinBR DE FRUM^R, ETC.. GTi:. 




PARIS. 

IMPRIMERIE NATIONALE. 



« DCCC LXXI. 



De 
3 

PA5 



ÉTUDE 

SUR LES MONUMENTS 



DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE DES CROISÉS 



EN SYRIE 



ET DANS L'ILE DE CHYPRE, 



INTRODUCTION. 



L 

Au moment où l'Europe était le plus vivement préoccupée des pro- 
grès des Arabes et sous le coup d'une nouvelle invasion musulmane, 
la voix de Pierre l'Hermite provoqua le grand mouvement des croi- 
sades. Ce fut au concile de Clermont que le pape Urbain H appela 
aux armes pour la guerre sainte la chrétienté entière. 

L'heure était bien choisie pour se faire écouler. La plus grande par- 
tie de l'Asie Mineure, la Syrie, l'Egypte, l'Afrique romaine, l'Espagne 
et la Sicile avaient déjà été subjuguées par Tislamisme, qui, sorti des 
sables brûlants de l'Arabie, venait menacer Rome même. 

Vainement paré du titre et d'un lambeau de la pourpre des Césars, 
Alexis Comnène, assis sur le trône chancelant de Byzance, appelait 
alors l'Occident chrétien à la défense de ce dernier débris de l'empii c 
romain. 

On vit affluer de toutes parts des hommes appartenant aux condi- 



^•t 4 / . ^ f i.. X / 



2 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

tions les plus diverses, animés du désir de s'associer à la conquête 
de la Syrie et à la délivrance des Lieux saints. 

L'expédition s'étant mise en marche en Tannée 1096, les croisés 

r 

étaient, avant la fin du xi* siècle, déjà maîtres d'Edesse, d'Antioche et 
de Jérusalem, et, dès le commencement du xn^, ils avaient occupé 
presque toute la Syrie, où Tislamisme ne possédait plus que Damas, 
Bosra, Homs, Hamah et Alep. 

Une fois la conquête accomplie, les Francs procédèrent successive- 
ment à l'organisation des diverses parties du pays. 



IL 

Je vais tenter d'esquisser sommairement un aperçu géographique des 
principautés chrétiennes de Syrie et indiquer en même temps les posi- 
tions des forteresses occupées à cette époque par les Francs. Au nord, 
entre le Taurus et la mer, les populations arméniennes venaient de se 
rendre maîtresses de la Cilicie. Ce nouvel état, fortifié par l'arrivée 
des croisés, assurait aux chrétiens comme frontière naturelle vers le 
nord la chaîne du Taurus. 

Edesse, devenue, sous Baudoin du Bourg, principauté française, 
mettait au pouvoir des chrétiens la Mésopotamie jusqu'au Tigre. 

Elle fermait de ce côté la route aux armées que les princes maho- 
métans de Mossoul et de Bagdad pouvaient envoyer au secours des 
émirs musulmans de Syrie. 

Cette province entièrement conquise , ainsi qu'une partie de l'Arabie 
Pétrée jusqu'à Etzion-Gaber, serait devenue entre les mains des Francs 
une colonie de premier ordre. 

Les événements, la configuration du pays et la nécessité de donner 
à certains princes occidentaux venus en Syrie des fiefs proportionnés 



DES CROISÉS EN SYRIE. 3 

à leur rang, décidèrent la formation des principautés d'Anlioche et 
de Tripoli. Le reste du pays subdivisé en fiefs secondaires, comme 
les comtés d'Ascalon, de Japhe, de Gésarée, la principauté de Gali- 
lée, etc., formait le domaine royal. 

Les possessions chrétiennes comprenaient cinq régions distinctes : sur 
le littoral, le royaume d'Arménie, les principautés d'Antioche, de Tri- 
poli et le royaume latin; vers l'intérieur, la principauté d'Edesse, qui 
bornait à l'est le royaume d'Arménie. 

La conquête n avait pas été complète, avons-nous dit plus haut, en 
ce que les soudans d'Alep, de Hamah et de Damas avaient conservé 
leurs états. On peut donc marquer comme limite orographique à l'est 
des possessions chrétiennes une ligne formée, au nord, parles monts 
des Ansariés qui séparaient les principautés d'Antioche et de Tripoli de 
leurs voisins musulmans de Hamah; vers le centre, par la chaîne du 
Liban, qui s'élevait entre les chrétiens et les sultans de Damas; au 
sud, par le Jourdain et la mer Morte. Les colonies françaises se pro- 
longeaient au sud-est par la situation encore plus méridionale des for- 
teresses de Karak, d'Ahamant^ et de Montréal, d'Ailat et de l'île de 
Graye^ sur la mer Rouge*, à l'extrémité nord du golfe Ëlanitique, ou 
les seigneurs de Karak paraissent même, un moment, avoir possédé 
une flotte; le territoire qui dépendait de ces châteaux portait le nom 
de terre d^oultre-Jourdain. 

Le midi de la Syrie formait le royaume proprement dit, s'étendant 
du sud au nord, avec Jérusalem pour capitale, et dont Nazareth, Ba- 



* TabuUe ordinis Teuionici, p. 3 et suiv. feda et Ibn el-Atyr, ainsi que par l'auteur 

* Lëon de Laborde, Voyage en Arabie des Deux jardins, qui, cependant, saccor- 
Pétrée, p. 48. dent b dii^e que cette place fut enlevée aux 

* Nous ne trouvons celte possession men- Francs par Salah ed-Din , dans le mois de 
tionnëe que par les historiens arabes Aboui- décembre 1 170 (de Thégire 566). 

1 . 



A MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

nias, Naplouse, Ibelin, Rame, Lydda, Hébron ou Saint-Abraham 
étaient à Tintérieur les principaux fiefs ecclésiastiques ou militaires. 

Le long de la mer existait une série de ports; c'étaient Ascalon, 
Japhe, Arsur, Césarée, Caïphas, Acre, Tyr, Sagette et Barut "habités 
particulièrement par des marchands italiens, en général originaires de 
Venise, de Gênes ou de Pise, auxquels de nombreux privilèges avaient 
été concédés dans ces villes maritimes sous Tinfluence de la part prise 
par les républiques italiennes à la première croisade. Le désert formait 
la limite sud du domaine royal, s'étendant de Test à Touest, de la mer 
Morte à la Méditerranée. Cette frontière méridionale était défendue 
par une série de forts ou postes fortifiés commençant à Zoueïra, près 
de l'extrémité sud du lac Asphaltite, et comprenant Semoa, Karmel, 
Beit-Gibelin et le Darum. 

En arrière de celte première ligne se trouvaient les châteaux d'Ibe- 
lin et de Blanche-Garde. 

Une vaste plaine, régnant le long de la mer depuis le Darum jus- 
qu'au mont Carmel, et qui de nos jours encore est d'une étonnante 
fertilité, formait environ le tiers de la superficie du royaume; le resle 
se composait de la région montueuse qui commence au-dessous d'Hé- 
bron et se prolonge entre la plaine dont je viens de parler et la vallée 
du Jourdain, formant alors la limite orientale des établissements chré- 
tiens jusqu'aux premières croupes du Liban. Entre l'extrémité sud de 
cette chaîne et le lac de Tibériade, de nombreuses vallées pouvaient 
donner passage à une armée d'invasion venant de la Syrie orientale. 

Aussi une ligne de châteaux en occupait-elle les points principaux; 
c'étaient les forteresses de Beaufort, de Château-Neuf, de Safad, du 
Castellet et, plus au sud du lac, celle de Beauvoir. 

Les Francs possédaient alors de ce côté comme place avancée, au 
delà du Jourdain , la ville et le château de Banias. 



• 4 



DES CROISÉS EN SYRIE. 5 

Les crêtes escarpées du Liban séparaient au nord-est le royaume 
latin des états du Soudan de Damas. Habitées par des populations 
chrétiennes, ces montagnes formaient une frontière naturelle à peu 
près inexpugnable et qui par conséquent n'avait pas besoin d'être 
gardée; aussi ne trouvons-nous aucune trace de forteresse de ce côté. 

Au nord, entre Barut et Giblet, l'antique Byblos des Phéniciens, la. 
profonde vallée du Nahar-Ibrahim , l'Adonis de l'antiquité, descendant 
des sommets les plus élevés du Liban jusqu'à la mer, formait la limite 
septentrionale du domaine royal K Au delà commençait le comté de 
Tripoli qui s'étendait sur les pentes de ces montagnes, au pied des- 
quelles se voient au bord de la mer les fiefs de Giblet, du Boutron et 
deNephin. 

Au delà de Tripoli, le massif libanais est prolongé par une ligne 
de montagnes formant avec lui un gigantesque quart de cercle. 

C'est le Djebel- Akkar, contre-fort septentrional du Liban, bornant 
vers l'est le comté de Tripoli et auquel est pour ainsi dire greffée , le 
continuant au nord, la chaîne des monts Ansariés qui, elle aussi, 
servait de barrière entre les colonies franques et les musulmans. 

La domination des comtes de Tripoli sur certains cantons de la 
rive gauche de l'Oronte ne fut qu'éphémère et se borna à la pos- 
session de Mons-Ferrandus ^, qui fut plutôt un posie avancé qu'un éta- 
blissement. 

Ici le travail de l'homme a suivi la nature; une série de forteresses 
fut établie pour défendre tous les passages de ces montagnes. 

Sur le Djebel-Akkar s'élève le château du même nom. Celui d'Ar- 
kas, maintenant ruiné, dominait la vallée de Nahar-el-Kebir, l'Eleuthe- 
rus de l'antiquité, et était occupé par les chevaliers du Temple. Dans 

* Familles d'outre-mer, p. A. — * Aujourd'hui Kalaat-Barin. 



G MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

les monts Ansariés, le Krak des chevaliers, aujourd'hui Kalaat-el- 
Hosn, commandait le col par où communique la vallée de TOronte avec 
la vaste plaine qui s'étend entre ces montagnes et la mer. C'était en 
même temps l'une des principales places d'armes de l'ordre de l'Hôpital. 

Plus au nord, les châteaux d'Areymeh, de Satita, du Sarc, de la 
(lolée, etc., gardaient les points stratégiques les plus importants et 
étaient reliés entre eux par une série de postes secondaires. 

La principauté d'Antioche comprenait l'extrémité nord de la chaîne 
des Ansariés et le bassin inférieur de l'Oronte. Elle comptait sur le 
littoral les villes maritimes d'Alexandrette , deBorbonnel ou Port-Bon- 
nel, de Soudin ou port Saint- Siméon, de Laodicée, de Zibel et de 
Valenie; dans la vallée de l'Oronte, les places de Schogr et de Femie; 
h l'est, les villes d'Albara, d'Artesie, de Gafaraca, de Rugia, etc. Ses 
principales forteresses étaient Dar-Bessak, Harrenc, Cursat, Saône, 
Berzieh, etc. Bien qu'ayant subsisté presque jusqu'à la Gn de la domi- 
nation franque en Orient, cette principauté avait été fort amoindrie 
après la chute d'Edesse. 

Elle était reliée au comté de Tripoli par le littoral. La partie dos 
montagnes des Ansariés, formant aujourd'hui les cantons de Kadmous, 
d'Aleïka et de Massiad, était alors entre les mains des Ismaéliens, qui, 
bien que tributaires des Francs, avaient conservé leur autonomie. La 
domination chrétienne proprement dite se bornait donc de ce côté au 
littoral et à la possession de quelques châteaux occupant des positions 
stratégiques dans ces montagnes et que les princes d'Antioche avaient 
cédés de bonne heure aux grands ordres militaires. 

Vers l'est, Alep, demeuré au pouvoir des musulmans et, au nord, le 
royaume chrétien d'Arménie limitèrent cette principauté pendant 
presque toute sa durée. 

r 

Quant à celle d'Edesse, nous savons seulement que ses villes prin- 



DES CROISÉS EN SYRIE. 7 

cipales furent Samosate, Turbessel, Rum-Kalah, Tulupe, Hatab, Ra- 
vendan, Melitène, Hazart, El-Bir et Sororgie. Mathieu d'Edesse * 
nous apprend que cette province conserva son administration mi-partie 
grecque et arménienne, à laquelle les Latins n'eurent que fort peu de 
part; elle demeura donc complètement en dehors du mouvement de 
colonisation occidentale. Les princes de la maison de Gourtenay rési- 
daient presque constamment à Turbessel, abandonnant le gouverne- 
ment du pays à des légats byzantins , qui , par leurs exactions , paraissent 
avoir promptement aliéné aux Francs l'esprit des habitants. Cette prin- 
cipauté ne subsista guère que cinquante ans et son territoire n a en- 
core été que fort peu exploré. Si j'ai eu le regret de laisser beaucoup 
à faire après moi, dans la principauté d'Antioche, je crois pouvoir aflir- 
mer que tout est à faire dans celle d'Ëdesse. 

Grâce aux nomenclatures que nous trouvons dans les chartes con- 
temporaines, il est aujourd'hui facile de reconnaître, sous les noms 
arabes modernes, ceux des villages possédés par les Francs et d'y voir 
des traces indubitables des désignations du moyen âge. 

Par l'étude des périples de la côte de Syrie, écrits durant cette pé- 
riode historique, j'ai relevé les noms que portaient alors presque toutes 
les pointes et les mouillages de ce littoral^. Les uns étaient demeurés 
arabes, les autres avaient été latinisés et même certains d'entre eux 
avaient reçu des appellations purement françaises. 



' Nouvelle bibliothèque arménienne, édition Sanato , el Fontes rerum Auitr, t. K , 1 869 ; 

Dulaurier. Georg Martin Thomas, Der Paraplus von 

* Laurent, Peregrinatores medii (pvi qua- Syrien und Palestina, etc. Munich, t864, 

tuor, Leipzig, i86/i;in-4*; in-4'. 



MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 



111. 

Quelques lignes sur Tétai intérieur de ces principautés vers le milieu 
du XII® siècle me semblent devoir trouver ici leur place. 

Les nouvelles conquêtes, divisées en fiefs, se couvrent bientôt de 
châteaux, d'églises et de fondations monastiques. Dans les chartes 
contemporaines, nous trouvons la mention d'abbayes ou de monastères 
des ordres de Cîteaux, de Prémonlré et autres s élevant dans les 
principaux lieux témoins de la vie terrestre du Christ. On vit alors aux 
environs de Jérusalem les abbayes ou les prieurés du Mont-Sion, du 
mont Olivet, de Josaphat, de Saint-Habacuc, de Saint-Samuel, de 
Cansie, desTrois-Ombres, etc.; en Galilée, celles du Mont-Thabor et 
de Palmarée et une fouie d'autres que nous ne saurions énumérer ici. 

L'organisation militaire fut réglée par les chapitres 371 et 272 
des Assises de la haute Cour. Le premier indique le nombre de chevaliers 
dus par chaque fief, et le second celui des sergents que les églises et 
les bourgeoisies devaient pour la défense du royaume. 

Les divisions rurales ou casaux avec leurs redevances sont indiqués 
très-nettement dans les chartes de donations ou d'échange remontant 
à cette époque. 

Chez les Latins, le nom de casai était donné à des villages ou à des 
fermes habitées par des Syriens chrétiens ou musulmans, des Grecs, 
des Turcs ou même des Bédouins. 

La population se divisait en hommes liges devant le service militaire 
et parmi lesquels il y en avait d'origine franque, et en vilains ou serfs 
ruraux. Le territoire du casai était partagé en gastines et en charrues': 

* Cod, Dipi 1. 1, et Fontes rerum Austriaeartm, t. II, iSSg, etc. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 9 

sur le nombre de celles-ci se fixaient généralement les redevances dues 
par le casai à la seigneurie dont ii dépendait. 

En Sicile Tinfluence arabe avait continué à prédominer, et, à la 
suite de la conquête normande, les compagnons de Robert Guiscard 
ayant été amenés à adopter un grand nombre de coutumes de la 
civilisation orientale, bientôt une civilisation moitié arabe et moitié 
byzantine régna à la cour de Palerme. Les artistes et les savants mu- 
sulmans y furent protégés; les diplômes se rédigèrent en grec comme 
en latin, et les monnaies, frappées avec des légendes grecques et 
arabes, portèrent des symboles chrétiens mêlés à des versets du Co- 
ran. Alors furent élevées les églises de Mont-Réal, des Ermites, de la 
Martorana, ainsi que la chapelle palatine de Palerme. 

11 se passa quelque chose d'analogue en Syrie, où Ton vit les princes 
et les chevaliers francs échanger fréquemment leurs pesantes armures 
contre le costume sarrasin et marcher à la tête de leurs troupes vêtus 
de longues robes et leurs casques recouverts de keffiehs, ce qui devait 
être un jour l'origine du lambrequin héraldique, cédant ainsi aux né- 
cessités du climat brûlant sous lequel ils se trouvaient transplantés. 
La cour d'un prince européen établi en Orient devait présenter alors 
un singulier mélange de mœurs syriennes et occidentales. 

Comme en Sicile, les artistes syriens et grecs décoraient les édifices 
élevés par les croisés, et nous savons qu'il régnait un grand luxe d'or- 
nementation à l'intérieur de certains châteaux. Vilbrand d'Olden- 
bourg, dans la relation de son pèlerinage en Terre Sainte, parle avec 
admiration des pavages en mosaïque exécutés au palais des Ibelins de 
Beyrouth par des ouvriers orientaux *. Il cite notamment une salle 
lambrissée de marbre, et au milieu de laquelle se voyait un dragon 

* Laurent, Peregrinatores medii œvi quatuor, p. 1G7. 



10 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

jetant de Teau, par les naseaux, dans une piscine, dont le fond était 
formé par une mosaïque représentant des fleurs aux couleurs éclatantes. 

Les monuments religieux ' construits alors en Syrie par les Francs 
appartiennent tous à Técole romane, qui, à cette époque, élevait en 
France les églises de Cluny, de Vezelay, de la Charité-sur-Loire, etc.; 
mais, transportée en Orient, tout en conservant son caractère primitif, 
elle fit, sous Tinfluence byzantine, surtout quant à l'ornementation, 
de fréquents emprunts à l'antiquité et à l'art arabe. 

11 y avait à la solde des chrétiens de Palestine et combattant dans 
leurs rangs sous le nom de Turcoples un grand nombre d'Arabes mu- 
sulmans, et la charge de grand Turcoplier ou chef des Turcoples de- 
vint un des grands offices de la cour. 

Dans les monts Ansariés habitaient alors les Assassins ou Bathéniens 
de Syrie et leur chef désigné dans les chroniques sous le nom de 
Vietuv de la Montagne. Durant le xif siècle et le commencement du xui* 
ils furent tributaires des Templiers. 

Dans les casaux, les rapports des races différentes étaient pacifiques. 
Les historiens arabes eux-mêmes reconnaissent assez souvent dans 
leurs écrits la bonne entente qui y régnait entre les populations chré- 
tiennes et musulmanes^. 

Nous trouvons, dans les inventaires des archives de familles arabes 
de Syrie, la mention de permissions de chasse accordées alors récipro- 
quement sur certains cantons par les princes francs et les émirs'. 

Enfin, une dernière preuve nous reste de cette harmonie habile- 
ment ménagée entre les indigènes et les nouveaux venus, c'est la créa- 



' M. de Vogue, Les églises de Terre ^ C'est à M. le baron de Siane que je 

Sainte, p. 3g6 et suiv. suis redevable de ces curieux renseigne- 



* Les Deux jardins j extrait des historiens ments. 
arabes des croisades, par Reinaud, p. 591. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 11 

tion d'une monnaie spéciale et pour ainsi dire internationale^ pour 
servir les intérêts unis des deux peuples et la fusion de leurs affaires. 
Ces monnaies, frappées au même titre que les dinars sarrasins, por- 
taient d'un côté nne croix, avec devise en caractères arabes, et de 
l'autre le monogramme du prince qui les avait fait frapper. 

Ce fut vers le milieu du xii^ siècle que les établissements chrétiens 
de Terre Sainte furent le plus prospères. 

Le passage suivant de Foucher de Chartres nous trace un tableau 
des plus intéressants de l'esprit qui animait alors les colonies franques. 

ff Considérez et réfléchissez en vous-même de quelle manière, en 
(T notre temps. Dieu a transformé l'Occident en Orient. Nous qui avons 
crété des Occidentaux, celui qui était Romain ou Franc est devenu ici 
ffun Galiléen ou un habitant de la Palestine; celui qui habitait Reims 
trou Chartres se voit citoyen de Tyr ou d'Antioche. Nous avons déjà 
rr oublié les lieux de notre naissance, déjà ils sont inconnus à plusieurs 
<T d'entre nous, ou du moins ils n'en entendent plus parier; tels d'entre 
(rnous possèdent déjà en ce pays des maisons et des serviteurs qui 
ffleur appartiennent comme par droit héréditaire; tel autre a épousé 
crune femme qui n'est pas sa compatriote, une Syrienne, une Armé- 
crnienne ou même une Sarrasine qui a reçu la grâce du baptême; tel 
r autre a chez lui, ou son gendre, ou sa bru, ou son beau-fils; celui-ci 
(test entouré de ses neveux, ou même de ses petits-neveux; l'un cultive 
rdes vignes, l'autre des champs; ils parlent diverses langues et sont 
(T déjà parvenus tous à s'entendre. Les idiomes les plus différents sont 
vT maintenant communs à l'une et à l'autre nation et la confiance rap- 
(T proche les races les plus éloignées. Il a été écrit en effet : Le lion et le 
(tbœuf mangent au même râtelier. Celui qui est étranger est mainte- 

' Ces monnaies, marquées à la croix et M. Henry Lavoix le sujet d'un intéressant 
portant des inscriptions arabes , ont fourni à mémoire. 

9. 



i2 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

(rnant indigène, le pèlerin est devenu habitant; de jour en jour nos 
r parents et nos proches nous viennent rejoindre ici; ceux qui étaient 
(T pauvres dans leurs pays, ici Dieu les a faits riches; ceux qui n'avaient 
r qu'une métairie, Dieu leur a donné ici une ville. Pourquoi relour- 
rrnerait-il en Occident celui qui trouve l'Orient si favorable ??> Ce 
fragment doit remonter, à peu près, au règne de Baudouin II. 

Ce fut durant le cours de cette période ou dans les premières an- 
nées du siècle suivant que furent élevés la plupart des châteaux dont 
Tétude fait l'objet de ce livre. 



IV. 

Au milieu des guerres perpétuelles dont la Syrie fut le théâtre à cette 
époque, l'art de l'ingénieur fit des progrès rapides; on sent que les 
Francs ont adopté tout ce qu'ils ont trouvé à prendre dans l'architec- 
ture militaire byzantine, représentantlestraditionsde l'antiquité grecque 
et romaine, et je crois devoir exposer ici en peu de mots ce que Pro- 
cope nous en apprend. 

La fortification byzantine comprenait plusieurs genres d'ouvrages, 
correspondant au vallunij agget* et mœnium de la fortification romaine; 
c'était d'abord le xéiytos^ ou la courtine, reliant les tours que précédait 
un premier retranchement, vfpoTei^i(T(jLOL ou avant-mur. La distance 
qui séparait cet ouvrage de la courtine équivalait au quart de la hau- 
teur totale de cette dernière. En avant de cet ouvrage était creusé le 
fossé, ri^posy dont les terres soutenues par un mur, quelquefois 
flanqué de tours, formaient YdvTiTeixjKTfioL. 

Le péribole ou chemin de ronde régnait entre le fossé et Tagger, 

* Procope, De œdijicih, I. Il, chap. m. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 13 

dont les tours correspondaient généralement aux intervalles de celles 
du rempart. 

Un des caractères les plus frappants des fortifications byzantines 
est, autant que le permet le terrain, d'avoir des tours assez rappro- 
chées les unes des autres. Le diamètre d'une tour n'excède jamais dix 
ou douze mètres. 

La première ligne de défense était moins élevée que le rempart 
proprement dit, afin de ne pas gêner le jeu des machines établies sur 
les plates-formes des tours. 

Le couronnement du mœnium élait crénelé et présentait même 
parfois deux étages de défenses. Le plus remarquable exemple de ce 
genre se voit aux murailles de Dara , décrites en ces termes par M. Texier 
qui visita cette ville en i84o ^ 

(rLe mur avait à sa base trente pieds d'épaisseur; à une certaine 
(T élévation, il portait dans toute sa longueur un chemin de ronde 
(T voûté, qui diminuait d'autant l'épaisseur et par conséquent le poids 
trdu mur. La voûte du chemin de ronde formait terrasse crénelée, ce 
(T qui donnait au rempart l'aspect d'une muraille à double couronne- 
X ment. Les tours avaient trois étages et portaient en outre une balus- 
:ftrade circulaire couronnée par des créneaux, ii 

Toutes les villes byzantines avaient aussi des maîtresses tours [(ppovpà) 
où demeuraient les chefs d'escouade chargés de veiller sur les rem- 
paris. On leur donnait également le nom de tour du centenier [vfvpyos 
xevTêvcLpioxi) ; elles subsistent encore à Gonstantinople et à Nicée. A 
Ëdesse on la nommait la tour des Perses. 

Ces tours ou donjons étaient généralement placés sous le vocable 
de quelque saint. 

* Texier, Architecture byzantine, p. 57 el suiv. 



n MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Dans la construction des forteresses qu'ils élevèrent alors en Syrie, 
les croisés prirent aux Grecs la double enceinte flanquée de tours, ainsi 
que le système de couronnement décrit en parlant des murs de Dara. 
Puis nous les voyons établir, sur le modèle des maîtresses tours byzan- 
tines, aux angles faibles des places ou près des portes et commandant 
les barbacanes qui les précèdent S des ouvrages importants dont 
nous trouvons encore des restes très-reconnaissables dans les enceintes 
d'Âscalon et de Tortose et qui paraissent avoir été l'origine des bas- 
tilles que nous verrons deux siècles plus tard s'élever en Europe. 

Les plans de plusieurs des forteresses qui vont faire l'objet de cette 
étude, notamment ceux de Margat, du Krak et de Tortose, ont été 
conçus sur des proportions gigantesques; caria longueur et la largeur 
de ces monuments sont le double de celles des châteaux de Coucy et 
de Pierrefonds, qui passent, à juste titre, pour les plus vastes de 
France. 

Les principales parmi les forteresses encore debout et datant des 
croisades appartiennent à deux écoles, dont l'existence et le dévelop- 
pement furent simultanés en Terre Sainte. 

La première paraît avoir eu pour prototype les châteaux construits 
en France, dans le cours des xi® et xn*^ siècles, sur les côtes de l'ouest, 
le long des bords de la Loire et de la Seine, dans lesquels se ren- 
contre partout un caractère particulier et uniforme. 

Ils sont élevés sur des collines escarpées, d'une défense facile, et le 
plus isolées qu'il est possible des hauteurs environnantes. La forme 
de l'enceinte est déterminée par la configuration du plateau. 

Le côté le plus vulnérable de la place est protégé par le principal 
ouvrage de défense. 

* Continuateur de Guillaume de Tyr, chap. m. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 15 

Quelques points essentiels distinguent cependant les châteaux de 
l'Hôpital qui appartiennent à la première école. Le donjon y est rem- 
placé par un ouvrage d'une grande importance commandant la partie 
faible de la place, mais dont les dispositions diffèrent entièrement du 
donjon franc. 

Les tours de Tenceinte sont presque toujours arrondies; elles ren- 
ferment un étage de défenses et leur couronnement, ainsi que celui 
des courtines, se compose d'un parapet crénelé avec meurtrières très- 
plongeantes, refendues dans les merlons et identiques à celles que 
nous voyons usitées en France dans le cours du xn^ siècle. 

11 nous faut encore signaler les principaux emprunts faits à l'Orient 
par cette école; ce sont d'abord la double enceinte byzantine, où la 
seconde ligne commande la première et en est assez rapprochée pour 
permettre à ses défenseurs de prendre part au combat, si lassaillant 
dirige une attaque trop vive contre le premier ouvrage; ensuite l'ap- 
plication des échauguettes en pierre que nous ne verrons apparaître 
en France qu'à la fin du xui^ siècle et qui étaient destinées en Syrie, où 
le bois de charpente est assez rare, à suppléer aux hourds qui, en 
Europe, formaient à cette époque le complément indispensable de 
toute fortification; enfin, Tadoption de ces énormes talus en maçon- 
nerie qui, triplant à la base l'épaisseur des murailles, trompaient le 
mineur sur l'axe des défenses qu'il attaquait en même temps qu'ils 
affermissaient l'édifice contre les tremblements de terre si fréquents 
dans ces contrées. 

Le passage suivant de M. Viollet-le-Duc * rend parfaitement l'idée 
dominante de ce système : 

(T Le château franc conserve longtemps les qualités d'une forteresse 

^ Vioiiet-le-Duc, Dictionnaire d'archiiectwre, t. Ili, p. 6(), 



16 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

rr combinée de façon à se défendre contre l'assaillant étranger; son as- 
ffsiette est choisie pour commander des passages, intercepter des com- 
crmunications, diviser des corps d'armée, protéger un territoire; ses 
ce dispositions intérieures sont comparativement larges et destinées à 
ff contenir des compagnies nombreuses, n 

Rien ne saurait mieux que ces quelques lignes rendre le type d'après 
lequel ont été élevés les principaux châteaux de Syrie, type qui, ayant 
été apporté en Orient par les Francs, s'y est maintenu par suite des 
exigences locales et du contact des peuples réunis en cette région. 

La seconde école est celle des Templiers. Ici le tracé de l'enceinte se 
rapproche beaucoup de celui des grandes forteresses arabes élevées 
d'aj)rès un système qui parait s'être inspiré de l'art byzantin. 

Cependant on remarque au premier coup d'œil quelques différences 
entre ces monuments et les édifices militaires bâtis par les chevaliers 
du Temple; d'abord le peu de saillie des tours, invariablement carrées 
ou barlongues, donne à penser que les ingénieurs francs se sont peu 
préoccupés de l'importance des flanquements; ce que nous remar- 
quons également dans les plus anciens châteaux arabes : Âlep, Kalaat 
Schoumaïmis, etc., tandis qu'à en juger par la profondeur des fossés 
creusés à grands frais dans le roc et remplis d'eau, comme à Tor- 
tose et à Athlit, ainsi que par la hauteur des murailles, ils ont cherché 
à se garantir des travaux des mineurs et des tentatives d'escalade. 

Ailleurs, comme à Safita et à Areymeh, les Templiers ont assis les 
bases de leurs murs au sommet de pentes escarpées, obviant par ce 
moyen aux mêmes inconvénients. 

Parmi les caractères distinctifs de cette seconde école, il faut encore 
citer les parements extérieurs des murailles généralement en très-grand 
appareil, taillés à bossage, et le peu de plongée des meurtrières qui 
présentent une grande analogie avec celles des forteresses arabes con- 



DES CROISÉS EN SYRIE. 17 

temporaines, toutes choses tendant à donner à ces édifices une appa- 
rence complètement orientale. Mais à défaut d'autres preuves, si elles 
nous manquaient, les signes d appareillage employés par les ouvriers, 
et consistant en lettres latines du xu^ siècle, ne sauraient nous laisser 
aucun doute sur leur construction par des Occidentaux. 

Le mode de clôture par des herses à coulisses est commun aux deux 
écoles et me semble être d'importation européenne, attendu que dans 
les châteaux arabes du même temps, que j'ai visités, je n'ai remarqué 
aucune trace de herse. 

H y a encore un troisième groupe de forteresses élevées sur des 
plans participant un peu de l'une et de l'autre de ces deux écoles, 
mais plus particulièrement de la seconde, et où le donjon est conservé. 
Je les appellerai châteaux féodaux, c'est-à-dire appartenant à de grands 
vassaux qui en portaient le nom, et je classerai parmi eux Saône, 
Giblet, Beaufort, Montréal, Karak, Blanche-Garde, etc. A leur suite je 
placerai mon étude sur la forteresse de Montfort ou Starkenberg, prin- 
cipal établissement militaire en Terre Sainte des chevaliers de l'ordre 
Teutonique; c'est un château des bords du Rhin transplanté en Syrie. 

Dans une quatrième partie, enfin, j'étudierai les enceintes d'An- 
tioche, de Césarée, d'Ascalon, de Tyr, de Giblet, et les châteaux ma- 
ritimes de Sagette et de Meraclée. 

11 semble, quant aux forteresses de l'île de Chypre, qu'on ait voulu 
suivre la règle qui existait dans l'antiquité de choisir, pour l'assiette et 
l'établissement des châteaux forts, les sites les plus escarpés et pré- 
sentant d'eux-mêmes des points d'une défense facile, où l'art n'a qu'à 
perfectionner l'œuvre de la nature. 

Les ingénieurs du moyen âge ont donc été amenés à suivre ce 

principe, à en juger par le choix qu'ils firent d'escarpements où, bien 

avant eux, on avait établi des postes fortifiés. 

3 



18 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

Le terrain a été le seul guide pour le plan de ces châteaux et ron 
ne peut qu'admirer le talent avec lequel les ingénieurs qui ont élevé 
Saint-Hilarion , Bull'avent et la Candare ont su mettre à profit toutes 
les défenses naturelles. 



MARGAT. 



(MARKAB.) 



Sur un promontoire, au sud de Lattakieh, s élèvent les restes du 
châleau de Margat, Tune des principales forteresses des Hospitaliers au 
temps des croisades. Le voyageur, qui veut visiter ces ruines appelées 
aujourd'hui Markab parles indigènes, suit le bord de la mer, et deux 
heures après avoir quitté Lattakieh, il atteint la petite ville de Djebleh, 
la Gabula des anciens. 

De son antique origine celle-ci a conservé quelques beaux vestiges 
et notamment un magnifique théâtre. Au moyen âge elle fut nommée 
Zibel et était le siège d'un évèché. Raimond Rupin, prince d'Antioche, 
la céda aux Hospitaliers le sâ mai de Tannée i â07^ et joignit à cette 
cession, au mois de septembre i m o, le castellum Vetulœ^ (château de la 
Vieille^) situé dans les montagnes; mais les Templiers se prévalant d'une 
cession antérieure de Bohémond IV revendiquèrent alors Djebleh. Pour 
mettre un terme au conflit, les deux ordres prirent pour arbitre le légat 
PélasgeS qui, le 12 octobre 1221, trancha le différend en partageant 
également cette ville et son territoire entre le Temple et l'Hôpital. 



' Cod, Dipl. t. I, n* 91, p. 95 et 96. tagaes h deux myriamètres au nord-est de 

^ La position de ce château semble pou- Djebleh. 
voir se retrouver dans les ruines du Ka- ^ Cod, DipL 1. 1, n* 98, p. 99 et suiv. 

laat-Mehelbeh, qui s'élèvent dans les mon- * Ihid. n* 107, p. 11 3. 

3. 



20 MONUMENTS DE LARCHITEGTURE MILITAIRE 

Quelques restes de remparts flanqués de saillants carrés et cons- 
truits en blocs d assez grand appareil, taillés à bossages, se voient çà 
et là au milieu des maisons modernes et sont les derniers débris de 
l'enceinte élevée par les croisés. 

A l'ouest de la ville se trouve un petit port creusé dans le rocher 
et aujourd'hui envahi par les sables; mais son exiguïté donne à penser 
(ju'il ne put jamais recevoir que des navires d'un faible tirant d'eau. 
Nous aurons du reste l'occasion de nous étendre 2)lus longuement sur 
ce port et sur ses défenses dans la suite de ce travail. 

A moitié chemin, entre Djebleh et Markab, on voit sur une pointe 
s'avançant dans la mer les restes d'un petit château du moyen ége, bâti 
avec des matériaux antiques. Le nom de ce promontoire est Ras-Baldy- 
el-Melek et il n'y a aucun doute possible sur l'identification de ce lieu 
avec le site où fut Pallos, cette ville étant indiquée par Ptolémée, les 
tables de Peutinger et les itinéraires publiés par M. de Fortia d'Urban, 
comme située entre Gabula et Balanée et à égale distance des deux 
points. Hiéroclès ^ cite Paltos comme étant dans la Syrie première. 

Au temps du Bas-Empire, Paltos fut érigée en évêché, el YOrims 
chrisiianxis - nous a conservé les noms de plusieurs évêques qui occu- 
pèrent ce siège entre les années 862 et 5oo. Durant le moyen âge, 
le nom de Paltos s'était changé en celui de Boldo, et nous trouvons 
dans l'ouvrage de Sébastien Paoli la mention du toron de Boldo et 
du casai de Saint-Gilles, voisin de Zibel, comme ayant été achetés de 
Rainald Mansoer par Bohémond d'Antioche et donnés par ce dernier à 
l'Hôpital en 1 167 '. 

L'identification de Boldo avec le Ras-Baldy me semble donc n'avoir 
rien de téméraire, et les restes du petit fort qu'on y voit encore pour- 

^ )\\éTQfA^.SynecdemosimperiiorientaU8. t. Il, p. 799. — ' Coi, DipL t. I, n* 43, 
* Orienuchnstianus, par Michel Lequien, p. 63. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 21 

raient bien n'être autres que ceux d'un poste avancé de la forteresse 
de Margat, élevé en ce point par les chevaliers de Saint-Jean. 

Depuis Djebleh , cinq heures d'une marche rapide suffisent à peine 
pour atteindre le pied des escarpements de la montagne au sommet de 
laquelle se dresse la forteresse de Markab. Avant d'y parvenir, le voya- 
geur passe au milieu des ruines de Valenie, ville épiscopale élevée au 
temps des croisades sur l'emplacement de Balanée et où se remarquent 
les restes de deux églises. Un torrent nommé aujourd'hui Nahar Banias, 
qui traverse ces ruines, formait alors la limite des principautés d'An- 
tioche et de Tripoli ^ 

L'assiette de Margat fut admirablement choisie pour en faire une 
grande place d'armes, commandant toute cette partie du littoral de la 
Syrie et pouvant offrir au besoin une citadelle de refuge, longtemps 
considérée comme imprenable. 

La montagne forme à peu près un triante; au nord et à l'ouest, 
elle est presque à pic, tandis qu'à Test une profonde vallée la sépare 
des monts Ansariés, auxquels elle se rattache, vers le midi, par une 
étroite crête, ce qui fait de ce sommet une sorte de presqu'île. 

La configuration du terrain a déterminé le plan du château composé 
d'une double enceinte avec réduit à l'extrémité sud. Une muraille, flan- 
quée de tourelles, pour la plupart rondes, constitue la première ligne; 
quant à la seconde, aujourd'hui ruinée, elle s'élevait au haut du terre- 
plein, qui occupe tout l'intérieur de la place et dont le pourtour est 
encore revêtu de talus de maçonnerie construits à la base de ce 
deuxième rempart. Vers la fin du xu*^ siècle une bourgade, où vinrent 
s'installer les habitants ainsi que l'évêquc de Valenie, s'était élevée sur 
cette esplanade, limitée au sud par le réduit formé d'un massif consi- 

' Jacques de Vilry, Hislor. HieroêoL XXX, xxiv. 



a MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

(lî'i-able de Mlimente et de i'énorme tour, ouvrage capital des défenses 

(le )a forteresse. 

Des bords du ruisseau, un élroit seutiei- sei'pentant au milieu des 
rocliei's aniètie le visiteur au pied des murs du château. Là un escalier 
en penle assez douce pour que les clievaux puissent aisément le gravîi', 
el ((ue préc<Mait autrefois une barrière dont on voit encore les traces, 
le conduit à l'entr^^e de la forteresse. Elle s'ouvre en A (pi. III) dans 




une tour carrée, et était défendue, ainsi qu'on le voit dans la coupe 
(lig. i), par une écbauguette, un mâchicoulis, une lierse et des vantaux. 
Dès que le voyageur a franchi cette porte, il trouve un grand vesti- 
bule (lig. a) dont la voûte s'appuie sur des nervures prismatiques re- 
tombant sur des consoles. A droite et à gauche, deux larges arcades 
en segment d'ogive donnent accès dans la première enceinte. Cette 
pièce n'a aucune communication directe avec la partie supérieure de 
la tour, formée d'une vaste salle située au niveau du terre-plein de la 
seconde enceinte, et dont je donne ici le plan (fig. 3). Elle est éclairée 



DES CROISÉS EN SYRIE. 



23 



par une belle fenêtre, s ouvrant au sud, avec bancs ménagés dans 
l'embrasure. 

Dans cette pièce étaient disposées les manœuvres de la herse; au- 
dessus de la coulisse, on voit encore dans le mur des entailles qui 
recevaient le système de poulies destinées au jeu des contre-poids et 
des chaînes s'enroulant sur le treuil. C'est encore de là que, par un 
étroit passage, on arrive à la chambre de tir des meurtrières et des 
mâchicoulis défendant les approches de la porte. 



Fig. 3. 



P'fi 3- 



^"""^^^ 





-j — I — I — I I I I I 



19 -m. 



Dans l'épaisseur de Ja muraille orientale de cette tour est ménagé 
un escalier conduisant à la plate-forme crénelée qui couronne cette 
défense. 

A en juger par la forme des baies et par celle des arcs ogives qui 
supportent les voûtes, cet ouvrage semble devoir être attribué aux 
premières années du xni* siècle. 

J'ai déjà dit qu'ici la première enceinte consiste en une muraille 
flanquée de tourelles rondes; elles sont d'un faible diamètre et ne 
présentent qu'un étage de défenses, disposition généralement adoptée 
en France pendant tout le x\f siècle; car ce n'est que dans le cours 



sa MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

(tu siècle suivant que nous voyons apparaître les premièi'es tours 
munies àc défenses jusqu'à la base. Par suite de leur position, celles 
dont nous nous occupons n'avaient guère à craindre que la sape; la 
salle qui se trouve à l'intérieur est percée de meurtrières dont le 
nombre varie de trois à six, suivant le diamètre de la tour (fig. h). Un 
escalier extérieur conduit à la plate-forme, et son parapet, dans le- 
quel s'ouvrent quatre créneaux, présente une épaisseur de 7a centi- 
mètres. Une meurtrière est refendue dans chaque merlon, mais ces 



Fig. 4. 




\, 



'^ 



merlons sont trop dégradés pour qu'il soit possible de savoir s'il y eut 
ici des volets pouvant s'abaisser afin de couvrir le défenseur, suivant 
la méthode appliquée, en Europe, à l'époque où fut élevé Margat. 

La tour B, qui se voit à l'angle nord-ouest, parait avoir été entière- 
ment reconstruite depuis la prise du château par les musulmans. 

Au nord, l'escarpement du rocher taillé à pic tient lieu de muraille 
sur une assez grande longueur. 

Vers l'est, comme le flanc de la montagne est moins abrupte, un 
fossé a été creusé au pied du rempart. Sur une grande partie de son 



DES CROISÉS EN SYRIE. 25 

étendue il est revêtu d'une contrescarpe en maçonnerie, en avant de 
laquelle le terrain a été disposé en glacis. 

Au sud de la forteresse, en face de la langue de terre qui réunit son 
assiette aux hauteurs voisines, a été construite en C la défense la plus 
sérieuse de cette première enceinte. C'est un gros saillant arrondi, d'un 
relief considérable , fondé sur le roc et massif dans toute sa hauteur. 
Son couronnement, composé d'une ligne d'échauguettes surmontée 
d'un parapet crénelé, fut l'objet de réparations importantes à la suite 
de la prise du château par Kelaoun , à l'époque où ce prince fit placer 
l'inscription arabe qui se lit sur le pourtour'. 

En avant, on avait creusé en D un réservoir, aujourd'hui à sec, 
occupant dans toute sa largeur l'espèce d'isthme qui relie Margat aux 
montagnes de la Kadmousieh. 

Les ruines d'une petite barbacane E, coupant le chemin qui vient 
du sud, se voient en contre-bas du saiHant C. 

Les ingénieurs qui ont bâti le réduit du château, dont je vais don- 
ner la description, ont été amenés par la configuration du terrain à 
placer à l'extrémité sud l'ouvrage le plus important : c'est la tour L qu'on 
voit en arrière du saillant C et qui, par sa hauteur et ses nombreuses 
défenses, commande, au loin, de ce côté les approches de la place. 

Cet ensemble de constructions, composant la portion la plus remar- 
quable de la forteresse, fut élevé à une époque que l'on ne peut fixer 
d'une manière positive, mais nous devons probablement l'attribuer à 
la fin du xu* siècle. 

Nous savons par les historiens arabes que toutes les villes du nord 

* G est une bande de marbre blanc in- de penser que la partie supérieure de cet 
crustëe dans la muraille et sur laquelle les ouvrage eut beaucoup à souffrir, et qu'a- 
caractères se détachent en relief. Gomme c est près la capitulation de Margat il fallut la re- 
de ce côté que doit avoir porté la principale construire en grande partie, 
attaque durant le dernier siège, il y a lieu 



26 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

de la Syrie eurent fort à souffrir d'effroyables tremblements de terre 
dans les années 1 167 et 1 165. Il y a donc lieu de penser que Margat 
ne fut pas plus épargnée que les autres points du littoral, et ce dé- 
sastre dut y nécessiter de grandes réparations, peut-^tre même une 
reconstruction complète, selon toute apparence, effectuée postérieu- 
rement au 1*' février 1186', date de la cession du château à l'ordre 
de l'Hôpital. 

Le voyageur qui visite ces ruines franchit en F (pi. III) la porte du 
réduit; cette entrée était jadis défendue par une herse et des vantaux 
ferrés avec barres. Bientôt à sa droite s'ouvre un large vestibule voûté 
en ogive, par lequel il pénètre en G dans la cour du château proprement 
dit. Arrivé en ce lieu, la première chose qui attire son regard est une 
petite chapelle H maintenant transformée en mosquée* Elle fut cons- 
truite par des artistes appartenant à cette école française transplantée en 
Palestine, et qui dans ce milieu oriental demeura toujours fidèle au 
système de construction et au plan des églises élevées en France sur 
les bords de la Loire et en Bourgogne pendant le cours du nf siècle. 
Bien que dans des proportions plus restreintes, cet édifice est indubi* 
tablement contemporain des églises de Tortose, d'El-Bireh, de Djebaïl 
et de Lydda. Sa longueur est de 9 3™,6/i dans œuvre, sur Q^go de 
large ; c'est une nef comprenant deux travées et terminée par une 
abside arrondie, voûtée en niche de four. Primitivement six fenêtres 
lancettes devaient éclairer ce vaisseau. Mais, comme on le voit par 
le plan, trois de ces baies furent murées à une époque postérieure, 
quand 9 par suite de quelque modification survenue dans le plan pri- 
mitif de cette partie du château, on éleva les bâtiments qui se voient 
au nord et au sud. 



' Se reporter h Tocte de cession que nous donnons en noie à la (in du volume. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 27 

Les voûtes de la chapelle sont à arêtes vives et appuyées au milieu 
sur un arcdoubleau qui sépare les deux travées. Cet arc, sans ornement 
d'aucune espèce, repose sur deux colonnes engagées dans des pilastres 
appliqués aux murs de Téglise; même disposition se trouve dans les 
piliers qui soutiennent les bas-cAtés de Notre-Dame de Tortose et 
autres églises de la même époque *. 

L'abside est plus élevée que le reste de la chapelle d'environ /io cen- 

Fi|ï. 5. 




10 



timètres ; on y accède par deux marclies ; à droite et à gauche s'ouvrent 
des portes basses conduisant à deux petites pièces situées de chaque 
côlé, et éclairées par des meurtrières. L'ornementation de cette église 
est d'une très-grande simplicité, les bases des colonnes sont romanes, 
ainsi que les chapiteaux; un portail s'ouvrant dans la façade est la seule 
partie du monument présentant encore quelques sculptures. 11 est 
précédé d'un perron de trois marches et était orné de quatre colon- 

' M. de V^ogùf^, Les églises de ferre Sainte, p. a 5 7. 

à. 



28 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

nettes en marbre, dont les fAts manquent aujourd'hui et qui servaient 
de supports è, deux arcs biisés se surmarchant. La largeur de ce por- 
tail est de 3™,75; une seconde porte, présentant en plus petit les 
mêmes dispositions, est percée sur la cour vers le nord et n'a pu être 
lifrui-ée dans le plan, se trouvant juste au-dessous de la première fe- 




nêtre. A la partie supérieure de l'édifice se voient encore les restes 
d'un petit campanile presque entièrement détruit. En I des bâtiments 
fort dégradés ot ti-ansforniés en étables paraissent avoir été des écuries 
nu des magasins au temps de l'occupation chrétienne. 

A droite de la cour sont les débris d'une grand'salle qui compre- 
nait quatre travées, dont deux sont encore debout. Ce sont celles qui 
sont représentées dans la vue que je donne ici (fig. 6). Le mode de 



DES CROISÉS EN SYRIE. 29 

construction des voûtes me porte encore à attribuer cette portion du 
château aux premières années du xuf siècle. Les arcs ogives s'appuient 
sur des consoles, et la retombée des voûtes semble avoir dû être sup- 
portée par un pilier central dont il ne subsiste plus aucun vestige. Les 
murs de cette salle étaient revêtus d'un enduit dont on voit encore 
des restes et qui paraît avoir été orné de peintures à fresque. 

Une maison nioderne, de chétive apparence, couvre en partie ces 
ruines, aujourd'hui silencieuses, et théâtre probable de cette dernière 
assemblée des chevaliers où, le 57 mai 1286, fut décidée la reddition 
de Margat, une plus longue résistance ayant été reconnue impossible. 
De cette salle on passe dans une pièce éclairée par une large baie s'ou- 
vrant au-dessus de la porte de la seconde enceinte et qui devait com- 
poser l'appartement du châtelain ou celui réservé à des hôtes de dis- 
tinction , ainsi que nous le prouve son nom de Divan-el-Melek (chambre 
du roi), conservé jusqu'à nous. ^ 

N'y aurait-il pas lieu de se demander si ce nom n'aurait pas eu 
pour origine la détention, dans ce château, d'Isaac Comnène, qui y 
fut confié à la garde des Hospitaliers par Richard d'Angleterre, après 
la conquête de Chypre? Les chroniqueurs racontent que dans sa prison 
ce prince portait des chaînes d'or et d'argent; il y mourut en 1 iqS, 
inconsolable de la perte de son royaume \ A son retour en Europe, 
Richard ayant été livré par le duc d'Autriche à l'empereur Henri VI, 
il fut question de mettre pour condition à la délivrance de Richard 
celle d'Isaac Comnène, encore vivant à Margat, et celle de sa fille, 
venue en France avec Bérengère de Navarre^. 

* Mas-Latrie, Hist, de Chypre, t. I , la répudier; s'ëlant retirée h Marseille, elle 
|). i3. s'y maria, vers 19 os, avec un chevalier 

* La destinée de cette princesse fut des flamand inconnu , partant pour la croisade, 
plus étranges; elle épousa Raymond VI, et qui, par cette union, crut se créer des 
comte de Saint-Gilles, qui ne tarda pas à droits au trône de Chypre. 



30 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Au sud de la chapelle et y attenant en K, on trouve un grand bâti- 
ment à denx étages éclairé par des fenêtres ogivales. Chaque étage 
renferme une vaste salle et communique directement avec la grande 
tour L, dont les proportions colossales ne sauraient être comparées 
qu'au donjon de Coucy (fig. 7). Elle mesure 39 mètres de diamètre; 
ses deux étages sont disposés pour la défense et percés de meurtrières 
se rhevaucliant de manière à ne pas laisser de points morts à sa cir- 
conférence. Les vofltes sont percées de porte-voix communiquant de- 



^3? 



puis le rez-de-chaussée jusqu'à la plate-forme qui la couronne, et dont 
le parapet, presque entièrement ruiné aujourd'hui, présentait un relief 
coiisidérahle vers les dehors de la place. Il était composé d'une galerie 
j)ercée de meurtrières, au-dessus de laquelle régnait un chemin de 
ronde crénelé, et à chaque extrémité sont des escaliers par lesquels 
on y accédait '. La plate-forme de cette tour est de plain-pied avec celle 
du bâtiment K, et elles sont assex vastes poui' avoir pu servir d'aire à 
l'établissement de grands engins. En M et en N, h droite de la petite 

' l.oraqiie je visitai pour la première ToM qui in'onl |>erniis île te restituer dans la 
Mnrkab, en i8âi), il subsistait encore des coupe lî^. 3. Depuis celle époque, elles ont 
|Hirlions rnnsid^rnbles de ce coiironneinenl presque enli^ifmenl dia|>oru. 



DES CROISÉS EN SYRIE. M 

cour triangulaire, se voient des constructions qui semblent avoir été 
des casernes, sous lesquelles régnent de vastes caves. 

Les édifices qui au nord bordaient le terre-plein ont été tellement 
bouleversés qu'il est absolument impossible de rien retrouver de leurs 
anciennes dispositions intérieures. On reconnaît à grand'peine la 




porte 0, qui s'ouvrait sur l'esplanade de la seconde enceinte, et un 
fossé dont on voit encore les traces en P la séparait du réduit. 

En Q est la seule partie qui, de ce côté, ait conservé sa voAte. La 
présence d'un vaste four, probablement contemporain du reste du châ- 
teau, autorise à penser que là furent les cuisines et la paneterie. 

A l'angle nord-est, la tour R défend la poterne, qui s'ouvre sur le 
chemin de ronde de la première enceinte et met en communication 
avec lui la longue galerie S, qui fait corps avec les bâtiments I. 



32 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

A en juger par la largeur des fenêtres qui l'éclairent, cette pièce dut 
être un des logis de la garnison ; au-dessous existent deux étages de 
magasins voûtés. 

Les constructions que je viens de décrire ne possèdent qu'un rez-de- 
chaussée, et toutes se terminent ainsi que la tour par des terrasses. Elles 
étaient munies à Test d'un parapet à deux étages de défenses. 

Comme cette partie du château était bâtie en pierres d'assez petit 
appareil, non-seulement le temps et les événements, mais encore la 
main des hommes, ont concouru à en accélérer la ruine; car les masures 
qui occupent le terre-plein central de la seconde enceinte ont été 
élevées avec ses débris. 

Deux fois, à quatre ans de distance, j'ai visité Margat, et j'ai pu cons- 
tater avec quelle désolante rapidité on voit diminuer chaque jour ce 
qui subsiste encore de cette forteresse. 

Nous ne savons rien de bien positif sur l'origine de Margat, quoi- 
qu'on ait lieu de supposer que cette place fut fondée par les Byzantins. 
Elle parait être tombée entre les mains du prince Roger d'Antioche 
dans le cours du x\f siècle, et devint alors un des fiefs les plus consi- 
dérables de la principauté ^ Possédée par la famille Mansoer, qui en 
prit le nom, cette forteresse, ainsi que la ville de Valenie, fut conservée 
par elle jusqu'à l'année 1186. C'est alors que Bertrand de Margat, 
avec l'approbation de Bohémond d'Antioche, céda ces deux posses- 
sions et toutes leurs dépendances à l'ordre de l'Hôpital. L'acte qui 
établit cette cession est daté du i**^ février 1 186 et a été publié par 
Paoli 2. 

A la suite de la remise de cette forteresse à l'Hôpital, elle fut gou- 
vernée par des châtelains appartenant à l'ordre. 

' Famlles d'outre-mer, p. 891. — * Cod, Dipl. n' Sa, p. 77. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 33 

Les noms de quelques-uns d'entre eux sont parvenus jusqu'à nous; 
les voici : 

Frère Henry i" février 1186'. 

Pierre Scotaï 1198-1199^. 

Anfred i 2 1 '. 

Raimond de Mandago 1 23& ^. 

Guillaume de Fores 1 2&1 ^. 

Pierre ia/i8^ 

Nicolas Lorgue 1 a5o ''. 

Jean de Bubie la53^ 

Jean de Bomb laS/i. 



A la suite de la désastreuse bataille de Hattin, la plupart des villes 
et des châteaux possédés en Terre Sainte par les Francs s'étant trouvés 
privés de défenseurs, ils tombèrent rapidement au pouvoir de Salah ed- 
Din, qui se présenta alors devant Margat, sans oser toutefois en entre- 
prendre le siège. Il se borna à faire passer son armée sous les murs de 
celte place, malgré les efforts de Margarit, amiral de la flotte envoyée 
par Guillaume II, roi de Sicile, au secours des chrétiens de Syrie. 
C'est au point où la route de Tortose à Laodicée contourne le pro- 
montoire au sommet duquel s'élève Margat et se trouve resserrée entre 
les rochers et la mer que les Siciliens tentèrent, en vain, d'arrêter les 
troupes musulmanes. 

Ibn el-Atir nous apprend, en ces termes, par quel stratagème ce 
passage difiicile fut efl'ectué * : 

(T Salah ed-Din ravagea le territoire de Tortose, puis alla à Mera- 



* Cod, Dipl. n* 77, p. 79, 

* Ibid, n* 911, p. 95a. 
^ Ibid, n* 96, p. 100. 

* Ibid, n" 117, p. 198. 

* Ibid.n' 118, p. i39 et i33. 



* Cod. Dipl, n* 319, p. 960. 
' Ibid, n" 5i, p. 97. 

' Ibid, n* 191, p. 1 38. 

* Extrait des Historiens arabes des croi- 
sades, publiés par M. Reîoaud, p. &80. 

5 



34 MONUMEiNTS DE LARCHITECTURE MILITAIRE 

rrkieh que les habitants avaient abandonné; il vint ensuite à Markab, 
(T forteresse appartenant aux Hospitaliers. La route de Djiblet passe au 
trpied de la montagne où est situé ce château, qui est à droite, et la 
r mer est à gauche. Le sentier conduisant à la forteresse est si étroit 
tr que deux hommes ne peuvent y passer de front. 

crMargarit, amiral de la flotte que le roi de Sicile avait envoyée au 
(T secours des Francs de Palestine, ayant eu connaissance de la marche 
rr de Salah ed-Din, vint mouiller à la hauteur de Markab pour s'oppo- 
(Tser à son passage; ce que voyant, le soultan Gt préparer de vastes 
(T mantelets garnis de laine et de cuir et les fit disposer au bord de la 
ffmer sur toute la longueur du défdé, de telle sorte que les musul- 
(T mans purent le franchir à l'abri des flèches de la flotte chrétienne. 
«rCeci se passa le 1 1 du mois de djoumadi premier 58/i (i i88).-n 

Nous savons qu en 1192 Richard, roi d'An^eterre, confia à la garde 
des Hospitaliers deMargat son prisonnier IsaacGomnène,quine tarda 
pas à y mourir K 

L'année i2o4 vit échouer contre Margat une tentative dirigée par 
Malek ed-Daher, prince d'Alep. 

Vilbrand d'Oldenbourg nous a laissé dans la relation de son pèle- 
rinage en Terre Sainte, qui eut lieu en 1 2 1 1, une description de Mar- 
gat qui ne sera pas sans intérêt par les détails qu'elle donne sur ce 
château ^. 

crDe là nous montâmes à Margat, château vaste et bien fortifié, pos- 
er sédant double enceinte, muni de nombreuses tours qui semblent 
rr plutôt faites pour soutenir le ciel que pour augmenter la défense de 
frce lieu, car la montagne que domine le château est extrêmement 
(relevée et semble comme Atlas soutenir le firmament. Les pentes de la 

' Conl, de Guillaume de Tyr, liv. XXV, * Laurent, Peregrinatoi^en medii tpoi qua- 

ch. xwi, p. 16g. tuor, p. 170. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 35 

(T montagne sont bien cultivées et chaque année la récolte de ces terres 
(( forme plus de cinq cents charges; souvent les ennemis tentèrent de 
ff dévaster ces riches moissons, mais ce fut toujours en vain. 

(T Ce château appartient aux Hospitaliers et forme la principale dé- 
fffense du pays. 11 tient en échec le Vieux de la Montagne et le sou- 
ffdan d'Alep, à tel point que, malgré les nombreux châteaux qu'ils 
cr possèdent, ils ont été contraints, pour conserver la paix, à payer un 
tr tribut annuel de deux mille marcs. Chaque nuit, pour parer à tout 
r événement et de crainte de quelque trahison, le château est gardé par 
ff quatre chevaliers et vingt-huit soldats. En temps de paix , outre les 
(T habitants ordinaires de la forteresse, les Hospitaliers y entretiennent 
(rune garnison de mille hommes, et la place est approvisionnée de 
(r toutes les choses nécessaires pour cinq ans. -n 

Makrizi dit qu'en l'an 1267 les Hospitaliers conclurent avec By- 
bars une trêve de dix ans, dix mois, dix jours et dix heures pour le 
château des Gurdes et pour Margat; ils renoncèrent, à la même époque, 
aux tributs que leur payaient les Ismaéliens, les villes de Hamah, de 
Scheizar et d'Apamée. 

En 11270, après la prise du Krak, les Hospitaliers furent contraints 
à renoncer à tous les territoires possédés en commun avec les musul- 
mans et durent consentir à ce que les impôts de Markab et de son ter- 
ritoire fussent répartis entre le sultan et le grand maître des Hospi- 
taliers. Déplus, aucune réparation ne pouvait être faite au château. 

En l'année 1280, l'émir Seif ed-Din-BalbanS qui commandait le 
château des Curdes, vint assiéger Margat à la tête de hordes de Tur- 
comans; mais il fut obligé de se retirer après une tentative infruc- 
tueuse. 

' Extrait des Historiens arabes des croisades, publiés par M. Reinaud. — Histoire des 
croisades, par Michaud, t. VII, p. 758. 

5. 



1 



36 MONUMENTS DE L ARCHITECTURE MILITAIRE 

Le sultan Keiaoun ayant fait de grands préparatifs pour attaquer 
Margat, durant les premiers mois de Tannée isSB, arriva sous les 
murs de cette place le mercredi 17 avril, et le texte des historiens 
arabes nous apprend qu'il établit son camp sur la colline reliant 
Markab aux montagnes des Ansariés et que ce fut de là qu'il dirigea 
ses attaques contre la pointe sud de la forteresse. Il avait fait monter 
à dos d'hommes six grandes machines qui commencèrent à couvrir 
d'une grêle de pierres et de traits les premières défenses du château; 
mais, comme elles étaient trop rapprochés de la place, elles ne tar- 
dèrent pas à être mises en pièces par les machines des Francs. 

Quelques jours plus tard, il arriva que l'un des engins des Hospi- 
taliers en ayant brisé accidentellement un autre, les musulmans en 
profitèrent aussitôt pour recommencer leurs travaux de siège, et ils 
parvinrent à remettre en batterie une nouvelle chirobaliste. Cepen- 
dant les assiégés ayant rétabli leurs moyens de défense réussirent à 
la briser à l'aide de nombreux projectiles qui tuèrent, au dire des 
chroniqueurs arabes eux-mêmes, un grand nombre de musulmans. 

Par suite des attaques incessantes des Arabes, les défenseurs se 
virent contraints à abandonner les ouvrages avancés, ce qui permit 
aux mineurs égyptiens de pénétrer dans les fossés et de s'attacher aux 
murailles du château, à la base desquelles on peut facilement re- 
connaître les traces de leurs travaux. Ils parvinrent donc à percer 
plusieurs galeries de mines, et ayant mis le feu aux étais de l'une 
d'elles, une partie de la tour qui forme l'extrémité de la forteresse 
s'écroula. 

Les musulmans tentèrent alors vainement l'assaut, et, après un com- 
bat long et meurtrier, ils furent repoussés avec perte. 

Le premier moment de stupeur passé, les assiégeants reprirent cou- 
rage et apportèrent tant d'activité à leurs travaux que huit jours plus 



DES CROISÉS EN SYRIE. 37 

tard le mercredi, 17 du mois de Rabi premier, les mitieurs étaient arri- 
vés jusque sous la grande tour et avaient réussi à en saper la base, de 
telle sorte qu elle était pour ainsi dire suspendue sur les étais. 

Le sultan , qui désirait vivement se rendre maître du château avant 
qu il fût ébranlé au point d'être irréparable , adressa une sommation 
au gouverneur de Margat et fit conduire dans les mines les parlemen- 
taires que ce dernier lui envoya, afin de leur prouver que la résis- 
tance en se prolongeant ne pouvait que les amener à une destruction 
certaine. Les Hospitaliers, jugeant impossible une plus longue défense, 
acceptèrent la capitulation qu'il leur proposa en même temps. 

En conséquence, il fut stipulé que tous les défenseurs de Margat 
sortiraient librement avec ce qu'ils pourraient emporter, en emmenant 
avec eux 55 chevaux ou mulets tout équipés et chaque chevalier gar- 
dant, en outre, 2,000 pièces d'or au coin de Tyr ^ Le châtelain et ses 
compagnons rendirent la forteresse à l'émir Phareddin , délégué par le 
sultan, le 27 mai 1285, et se retirèrent à Acre. 

Dans leur amour du merveilleux, les auteurs arabes contemporains 
attribuèrent la chute de cette place, jusque-là réputée imprenable, à 
l'assistance des anges Mokarabins, Gabriel, Mikael, Âzrael et Israfil, 
qui, suivant eux, furent envoyés par Dieu pour assister le sultan dans 
cette glorieuse entreprise. 

Le Soudan de Hamah, dans la lettre où il annonce à son visir la 
prise de Markab , décrit cette forteresse dans des termes d'un tel en- 
thousiasme que je crois qu'il sera curieux d'en extraire le passage 
suivant : (rLe diable lui-même, dit-il, avait pris plaisir à consolider sa 
(t bâtisse. Combien de fois les musulmans avaient essayé de parvenir 
«f à ses tours et étaient tombés dans les précipices! Markab est comme 

' Extraits manuscrits dlbn-Ferat, par Jourdain. 



38 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

Tune ville unique, placée en observation au haut d'un rocher; elle 
T est accessible aux secours et inaccessible aux attaques. L'aigle et te 

ff vautour seuls peuvent voler à ses remparts n 

Kelaoun, ayant donc pris possession de Margat, en fit le chef-lieu 
d'un gouvernement comprenant Kafartab, Antioche, Laodicée, le ter- 
ritoire de Markab, etc Il fit réparer les machines qui avaient 

été brisées pendant le siège, ainsi que les murailles du château, et, 
après avoir approvisionné la place de tout ce qui est nécessaire à une 
citadelle, il y laissa une nombreuse garnison et cent cinquante ma- 
melouks. 



LE KRAK DES CHEVALIERS. 



(KALAAT-EL-HOSN.) 



Pendant presque tout le temps de la domination française en Sy- 
rie, la frontière orientale des colonies chrétiennes fut formée par la 
chaîne de montagnes qui s'étend de Tripoli à Ântioche. Aussi chaque 
passage ou chaque point stratégique était-il gardé par une forteresse. 
C'est là que nous retrouvons presque intacts ces grands châteaux des 
ordres militaires de l'Hôpital et du Temple, semblant, au milieu de 
ces régions peu visitées, vouloir témoigner encore de cette glorieuse 
époque de notre histoire nationale. 

Sur l'un des sommets dominant le col qui met en communication 
la vallée de TOronte avec le bassin de la Méditerranée , se dresse le 
Kalaat-el-Hosn. Tel est le nom moderne de la forteresse que nous 
trouvons désignée par les chroniqueurs des croisades sous celui de 
Krak ou Crat des Chevaliers, et appelée chez les historiens arabes châ- 
teau des Curdes. 

Position militaire de premier ordre en ce qu'elle commande le dé- 
filé par lequel passent les routes de Homs et de Haniah à Tripoli et à 
Tortose, cette place était encore merveilleusement située pour servir 
de base d'opérations à une armée agissant contre les états des sou- 
dans de Hamah. 

Le Krak formait, en même temps, avec les châteaux d'Akkar, d'Ar* 



/jO monuments de L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

cas, du Sarc, de la Colée, de Chastel-Blanc, d'Areyineli, de Yam- 
mour (Chastel-Rouge) , Tortose et Markab , ainsi qu'avec les tours et les 
postes secondaires reliant entre elles ces diverses places , une ligne de 
défense destinée à protéger le comté de Tripoli contre les incursions 
des musulmans, restés maîtres de la plus grande partie de la Syrie 
orientale. 

Du haut de ses murs, la vue embrasse, vers Test, le lac de Homs 
et une partie du cours de TOronte. Au delà se déroulent, au loin, les 
immenses plaines du désert de Palmyre. Vers le nord, les montagnes 
des Ansariés arrêtent le regard, qui, vers Touest, s'étend par la vallée 
Sabbatique, aujourd'hui Nahar-es-Sabte , sur la riche et fertile vallée 
où furent les villes phéniciennes de Symira, de Carné, d'Amrit, et 
découvre à l'horizon les flots étincelants de la Méditerranée. 

Au sud, les deux chaînes du Liban et de l'Anti-Liban esquissent leurs 
grands sommets aux fronts couverts de neiges. 

Plus près à l'est, comme un tapis de verdure, s'étend, au pied du 
château, la plaine de la Boukeiah-el-Hosn, la Bochée des chroniqueurs, 
théâtre d'un combat célèbre dont nous aurons à nous occuper dans 
le cours de cette étude. 

Vers le sud-est, et à environ trois quarts d'heure de distance, sont 
le village moderne et les ruines de la tour d'Anaz, prise par Malek 
el-Adel, frère de Salah ed-Din, lors de sa tentative contre le Krak en 
Tannée 1206 ^ 

Le village de Ël-Hosn, situé au pied du château, formait, au moyen 
âge, un bourg assez considérable entouré de murailles percées de 
deux portes flanquées de tours; l'une de ces portes s'ouvre à loccident 
et l'autre vers l'est. 

* Extrait des Historiens arabes des croisades, publiés par M. Reinaud. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 41 

On y voit encore trois mosquées. 

A la plus grande , élevée par Melik en-Naser, était réuni un hôpital 
pour les musulmans de Ouady-Radin, fondé en 719 de Thégire par 
le gouverneur du Hosn, Bekoum-Ibn-Âbdallah el-Ascherafieh. Là aussi 
se trouvent deux tombeaux, celui de l'émir Sarem ed-Din el-Kafrouri 
ed-Dhahiri es-Saidi, premier gouverneur du château après sa prise par 
les musulmans, mort au mois de zilcaade 690 de Thégire, et celui d'Ali- 
Kamar ed-Din , mort dans les premières années du wif siècle de Thégire. 

A peu de distance, sur un tertre, est situé le cimetière, oix Ton re- 
marque les tombeaux à coupoles de deux officiers de Bybars : les émirs 
Nour ed-Din et Boh ed-Din, qui périrent pendant le siège. Un peu 
plus loin est celui de Scheik-Osman , qui, selon la tradition, était pa^ 
lefrenier de ce sultan, et qui fut tué à côté de lui durant Tune des at- 
taques dirigées contre le château. 

Le village se divise en deux quartiers : l'un se nomme Harel el- 
Turkman, l'autre Haret es-Seraïeh, à cause du palais occupé en der- 
nier lieu par les émirs turcomans de la famille Seifa. 

Le relief de la montagne sur laquelle s'élève la forteresse est d'en- 
viron 3 00 mètres au-dessus du fond des vallées, qui, de trois côtés, 
risolant des hauteurs voisines, en forment une espèce de promontoire. 

On reconnaît ici le même principe déjà signalé à Margat, et que 
nous aurons fréquemment, par la suite, l'occasion d'observer sur 
d'autres points. 

Le Kalaat el-Hosn n'est pas une grande habitation féodale fortifiée 
et destinée à dominer le pays d'alentour, soumis au châtelain, et dont 
relevaient les fiefs environnants. C'est une place de guerre des plus 
importantes, possédée par l'un des deux grands ordres militaires, créée 
ou du moins reconstruite par lui, pour en faire un de ses principaux 
établissements sur la frontière orientale des provinces chrétiennes. 

6 



à2 MONUMENTS DE LARCHITECTURE MILITAIRE 

Nous y trouvons les Hospitaliers, devenus si formidables qu'ils im- 
posaient des tributs aux princes musulmans de Hamah et de Massiad, 
et promenaient leurs armes victorieuses sur les bords de l'Oronte*. 

Le Krak esl encore à peu près dans Tétat où le laissèrent les che- 
valiers au mois d'avril i 271. A peine quelques créneaux manquent-ils 
au couronnement de ses murailles et quelques voûtes se sont-elles ef- 
fondrées; aussi tout ce vaste ensemble a-t-il conservé un aspect impo- 
sant qui donne au voyageur une bien grande idée du génie militaire 
et de la richesse de Tordre qui l'a élevé. 

Cette forteresse comprend deux enceintes que sépare un large fossé 
en partie rempli d'eau. La seconde forme réduit et domine la pre- 
mière, dont elle commande tous les ouvrages (pi. VI); elle renferme 
les dépendances du château : grand'salle, chapelle, logis, magasins, etc. 
Un long passage voûté, d'une défense facile, est la seule entrée de la 
place. Les remparts et les tours sont formidables sur tous les points 
où des escarpements ne viennent pas apporter un puissant obstacle h 
l'assaillant. 

Au nord et à l'ouest, la première ligne se compose de courtines 
reliant des tourelles arrondies et couronnées d'une galerie munie d'é- 
chauguettes, portées sur des consoles, formant, sur la plus grande 
partie du pourtour de la forteresse, un véritable hourdage de pierre. Ge 
couronnement présente une grande analogie avec les premiers parapets 
munis d'échauguetles qui aient existé en France, où nous les voyons 
apparaître dans les murailles d'Aigu es-Mortes et au château de Mont- 
bard en Bourgogne, sous le règne de Philippe le Hardi ^. Mais au Ka- 
laat el-Hosn,il est impossible de ne pas leur assigner une daie antérieure, 
le château étant tombé entre les mains des musulmans en l'an 1271. 

* Continuât, de Guillaume de Tyr,].Wll[, * VioiieHe-Duc, Dictionnaire d'architec- 

ch. xxxviii. itire, t. VI, p. aoa. 



J 



DES CROISÉS EN SYRIE. A3 

Au-dessus de ce premier rang de défenses s'étend une banquette 
bordée d'un parapet crénelé avec meurtrières au centre de chaque 
merlon. Ici nous retrouvons un usage généralement suivi en Europe 
dans les constructions militaires durant le xii^ et le xni'' siècle : les tou- 
relles dominent la courtine, et des escaliers de quelques marches con- 
duisent des chemins de ronde sur les plates-formes. 

Chaque tour renferme une salle éclairée par des meurtrières, et 
dans les courtines s'ouvrent à des intervalles réguliers de grandes niches 
voûtées en tiers-point, au fond desquelles sont percées de hautes ar- 
chères destinées à recevoir des arbalètes à treuils ou d'autres engins de 




E.CJLlf.L-JtUT . 



t I I I I f i i — f-S— I 
S «I 



guerre du même genre (fig. 9). En France, dès le commencement 
du xni*^ siècle, ces défenses, peu élevées au-dessus du niveau du sol, 
n'étaient déjà plus en usage, ayant l'inconvénient de signaler aux as- 
saillants les points les plus faibles de la muraille; mais, au Krak, nous 
ne les trouvons employées que sur les faces de la forteresse couron- 
nant des escarpes, et, par suite, à l'abri du jeu des machines, tandis 
que vers le sud les murs sont massifs dans toute leur longueur. 

La tourelle a, qui se trouve à l'angle nord-ouest de la première en- 
ceinte, est surmontée d'une construction arrondie d'environ 4 mètres 
de hauteur. Ce fut, selon toute apparence, la base d'un moulin à vent, 
si nous en jugeons par le nom moderne, Bordj et-Tahouneh (la tour 
du moulin) , ainsi que par les corbeaux sur lesquels s'appuyaient les 

6. 



àh MONLMEMS DE LARCHITECTLRE MILITAIRE 

polefets et les liens supportant cet ouvrage qui devait être en char 
pente, roninie on pourra le voir par la planche VU, où nous l'avons 
restitué sur les indications de M. \iollet-Ie-Duc. 

Le sud étant !e point le plus vulnérable de la place, c'est là qu'ont 
été élevés les principaui ouvrages, et c'est surtout dans les tours 
d'angles et à la tour carrée placée dans l'aie du château en A qu'on 
s'est efforcé de disposer les défenses les plus importantes. Aussi ces 
tours sont-elles bâties sur des proportions beaucoup plus considérables 




que les autres, el tous les movens de résistance s'v trouvent-ils accu- 
mulés. Bien que séparée de la seconde enceinte par le fossé B. rem- 
pli d'eau, cette première ligne e|i est assez rapprochée pour être S4ius 
la protection des ouvrages IJK. qui la dominent, de telle sorte qu'au 
moment de l'attaque les défenseurs du réduit pouvaient prendre part 
Hu combat. 

Je vais maintenant décrire sommairement la lour A, dont je donne 
ici le plan (fig. t o). 

Du chemin de ronde de la courtine, un escalier conduit à une vaste 
salle dont les voûtes s'appuient au centre sur un massif carré de 6 mètres 



DES CROISÉS EN SYRIE. A& 

de côté, ce qui donne à cette pièce un aspect de solidité vraiment éton- 
nant. On sent que l'ingénieur qui éleva ce premier retranchement , au- 
quel devait se heurter un ennemi entreprenant le siège du château, a 
voulu épuiser toutes les ressources de l'art pour mettre son œuvre à 
même de résister aux attaques dont elle pourrait être l'objet. Huit 
meurtrières éclairent cette salle (fig. 1 1). 




Au-dessus règne une plate-forme bordée d'un parapet crénelé avec 
hourds en pierre, semblables à ceux des courtines et des tours de 
cette partie de la forteresse. Toute la partie supérieure et le couronne- 
ment de cet ouvrage paraissent avoir été refaits après la prise du châ- 
teau par Bybars, qui a fait graver sur les murs des trois tours défendant 
cette partie de la première enceinte des inscriptions relatant leur res- 
tauration par ses ordres '. On avait d'ailleurs multiplié les obstacles de 

' Je donne le teite de ces trois inscriptions dans les notes placées à ia fin de ce vo- 
lume. 



/j6 monuments de L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

ce côté, car outre le fossé B, aujourd'hui comblé, nous trouvons encore 
en C les traces d'un ouvrage avancé, probablement un palis qui fut lui- 
même entouré d'un fossé jadis rempli d'eau, à en juger par l'existence 
d'un barrage vers l'extrémité est, là où commence la déclivité de la 
montagne. L'eau devait être amenée dans ces fossés par l'aqueduc qui 
alimente l'abreuvoir qu'on trouve entre les deux enceintes du château. 

La partie orientale des remparts est moins bien conservée; les para- 
pets sont dérasés dans plus de la moitié de leur hauteur; cependant 
les échauguettes sont encore en place : elles sont plus petites ici que 
sur les autres faces de la forteresse et ne sont supportées que par deux 
consoles. Trois saillants carrés d'un relief assez faible flanquent cette 
muraille, qui est d'ailleurs mise à l'abri de toute attaque sérieuse par 
l'escarpement de la montagne. 

C'est de ce côté que s'ouvre en C l'entrée du château, dans lequel 
on pénètre par une porte ogivale au-dessus de laquelle se lit l'inscrip- 
tion, aujourd'hui mutilée, qu'y fit graver le sultan Malek ed-Daher- 
Bybars après le siège qui mit le Krak en son pouvoir : 

^jji^ ^1 ^1 ^^jji3 lûjjt ^jy^Àii yiai (Js?^i) k,i;ii j^Ltfji ^^\Mi\ 

^J^ ^^3 CJV^^I j^^l (<N*^ 

Au nom du Dieu clëment et misëricordieux. 

La restauration de ce château fort béni a été ordonnée sous le règ^ne de notre maître le 
sultan, le roi puissant, le victorieux, le juste, le défenseur de la foi, le guerrier assisté de 
Dieu, le conquérant favorisé de la victoire, la pierre angulaire du monde et de la religion, 
le père de la victoire, Bybars Tassocié de Témir des croyants, et cela à la date du jour de 
mercredi 

^ A droite et k gauche de la seconde ligne de cette inscription se voient sculptés deux lions 
marchant à droite (armoiries de Bybars). 



DES CROISÉS EN SYRIE. 47 

Une rampe voûtée, formant galerie en pente assez douce pour être 
facilement accessible aux cavaliers, commence au vestibule qui occupe 
la base du saillant C et conduit dans les deux enceintes. Cette galerie 
se divise en deux parties : l'une amène de l'entrée de la forteresse au 
niveau des défenses inférieures de la première enceinte, et la seconde 
met cette partie de la place en communication avec le réduit. Elle 
présente un système d'obslacles successifs accumulés avec un soin mi- 




nutieux, qui me paraît en faire l'un des plus intéressants spécimens de 
l'art militaire franco-oriental au xin' siècle. Le plan ci-joint en rendra 
la description plus claire (fig. 12). 

En A existaient deux portes successives, en avant de chacune des- 
quelles se voit un regard circulaire percé dans la voûte et destiné tout 
à la fois à donner du jour et à permettre aux assiégés d'accabler de 
projectiles un ennemi, qui, ayant réussi à forcer l'entrée du château, 
aurait pénétré dans la galerie. 



48 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

En B , cette rampe franchit à ciel ouvert le terre-plein de la pre- 
mière enceinte avec laquelle elle communique sous le commandement 
de la tour I; puis, tournant alors brusquement sur elle-même, elle 
s'engage dans une seconde galerie ménagée sous l'ouvrage C. Une troi- 
sième porte D, également munie d'un mâchicoulis, ferme l'entrée de 
cette galerie, qui, de la sorte, se trouve comprise dans la seconde en- 
ceinte et se prolonge jusqu'à la partie supérieure du château dont l'en- 
trée s'ouvre à gauche en E. Une herse et des vantaux fermaient jadis cette 
dernière porte, en avant de laquelle se trouve un grand mâchicoulis 
carré, semblable à celui qu'on voit à la porte narbonnaise de la cité de 
Carcassonne, et qui, par ses dimensions extraordinaires, permettait aux 
assiégés de lancer des projectiles non-seulement au milieu, mais en- 
core contre les parois du passage s'étendant jusqu'à la galerie. 

Quand le visiteur a franchi le seuil, il est frappé de l'aspect imposant 
d'ailleurs, mais d'une majesté triste , que présente l'intérieur désert de la 
forteresse. Un morne silence y a remplacé l'animation et le tumulte 
des gens de guerre, et au milieu de ces grands restes d'un passé glo- 
rieux, l'œil rencontre partout des décombres. 

A droite , en D (pi. IV) , se trouve d'abord un vestibule voûté commu- 
niquant avec la chapelle, qui parait dater de la fin du xn^ siècle. C'est une 
nef terminée par une abside arrondie percée d'une petite baie ogivale. Les 
proportions de cet édifice sont moins grandes qu'à Margat. Il mesure 
dans œuvre 21 mètres de long sur 8"*,4o de large, et sa voûte en ber- 
ceau est divisée en quatre travées par des arcs doubleaux chanfreinés 
retombant sur des pilastres engagés. On reconnaît encore ici une pro- 
duction de ces mêmes artistes formés à l'école d'où sortaient les archi- 
tectes qui élevèrent les églises de Cluny, de Vezelay et la cathédrale 
d'Autun. 

A l'intérieur, une moulure fort simple règne à la naissance des 



*m 



DES CROISÉS ËlS SYRIE. A» 

voûtes et détermine le sommet des pilastres. Le portail est ogival, son 
ornementation est des plus sobres et consiste en une double ligne de 
billetles et de bâtons rompus; il est condamné par un escalier d'une 
conslruclion évidemment postérieure, bien qu'encore de l'époque fran- 
çaise 




Sur les murs du vestibule dans lequel s'ouvre la porte latérale de 
la chapelle se voient plusieurs graj^li dont l'écriture accuse la fm du 
xn^ siècle ou les premières années du im". 

Un d'eux, espèce de logogiiplie que je me borne à transcrire, me 
paraît pouvoir trouver ici sa place. 

Ultima sit prima 
Sît prima secunda 
Sit una in mcdio posila 
Nomen habebit ila. 



50 MONUME^iTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

l)e l'autre cdté de la cour et presque en Tace de la chapelle e^t 
la graiid'saiie, élégante construction paraissant dater du milieu du 
xiir siècle. Sur toute la longueur règne une galerie en forme de cloitre, 
composée de six petites travées; quatre sont fermées par des arca- 
tures à meneaux d'un fort beau stjle (fig. i3). Les archivoltes des 
deux petites portes qui font communiquer la grand'salle aver cette 
galerie sont ornées de riches moulures, retomhant de chaque côté sur 
deux colonnettes, et dans les linteaux monolithes qui les soutiennent se 
voient des restes d'écussons malheureusement mutilés aujourd'hui. 




Quant à la salle proprement dite, elle comprend Ivois grandes' 
travées et mesure en œuvre aâ mètres de long sur une largeur de 
7 mètres. Les arcs doubleaux et ogives, dont je donne les profils 
figure 1 4, retomhent sur des consoles ornées de feuillages el de ligures 
fantastiques, et l'on pourra y remarquer déjà le petit filet saillant sur 
les boudins que l'on observe en France vers cette même époque. 

Un étage, maintenant détruit, semble avoir complété cet édifice et 
a été remplacé par des maisons arabes élevées sur les voûtes. 

Une grande fenêtre surmontée de roses au nord, une semblable an 
sud, ainsi que deux fenêtres ogivales s'ouvrant dans la face orientale 
de l'édifice, éclairaient l'intérieur de ce vaisseau. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 51 

Tout cet ensemble, très-soigné dans tous les détails de la construc- 
tion, permet par son ornementation d'attribuer une date à son érec- 
tion. 

On remarque également dans les contre-forts de l'édifice les en- 
tailles des descentes destinées à conduire les eaux pluviales dans une 
citerne qui existe sous la cour. 

Sur le côté de l'un des contre-forts du porche se lisent les vers sui- 
vants gravés en beaux caractères , que leur forme me porte à attribuer 
au milieu du xui* siècle : 

SIB BIBI COPIA 
SIB SAPlëCIA 
FORmAa : D6B : 

inânAB dîR solr 
svPBiA SI comi ... 

Sit tibi copia , sit sapientia , formaque detur ; 
Inquinat omnia sola superbia, si comitetur. 

Cette inscription, placée de la sorte à l'entrée de la grand'salle où 
se tenaient les chapitres de l'ordre, parait avoir été destinée à rap- 
peler à tous ses membres les sentiments d'humilité et d'obéissance 
qui leur étaient imposés par leurs vœux monastiques. 

Dans les chartes de cession des fiefs de Margat et du Krak, l'ordre, 
déjà si puissant alors, est simplement désigné sous la modeste appel- 
lation de Maison des pauvres de Jérusalem . 

Au nord des deux édifices que je viens de décrire, de vastes ma- 
gasins ou des écuries obstrués aujourd'hui de débris de toutes sortes 
régnent sous les remparts; on y entrait par plusieurs grandes arcades 
qui se voient dans la coupe planche V. 

Un escalier à pente très-douce amène au niveau de la cour supé- 
rieure E, sous laquelle s'étendent de grandes caves, également remplies 



52 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

cl'inimondices de manière à en rendre la reconnaissance à peu près 
impossible au delà d'un certain point. 

Le visiteur trouve à sa droite dans cette cour une plate-forme en 
pierre de taille F s'élevant d'un pied environ et qui semble avoir été 
une aire à battre le grain. A gauche sont des bâtiments G paraissant 




avoir servi de casernement pour la garnison, et au milieu desquels se 
voient encore, au-dessus de l'entrée de la seconde enceinte, en G', 
les arrachements d'une tour carrt^o, aujourd'hui presque entièrement 
ruinée, mais qui, jadis, flanquait cette face du rt^duit. Son tracé est 
indiqué au pointillé (pi. IV), et nous avons cru devoir la rétablir dans 
la restauration vue à vol d'oiseau que nous donnons du Krak pi. VU. 
En H, le long de la courline occidentale, se voit une galerie crénelée 



DES CROISÉS EN SVRIE. 53 

sur laquelle règne le chemin de ronde. Au pied sont des ruines que je 
crois avoir été des écuries ou qui du moins présentent une grande 
analogie avec celles qui existent encore au château de Garcassonne. 
A l'extrémité méridionale de cette esplanade se voient les tours, dont 
il me reste à parler. Ce sont les plus élevées de toutes les défenses du 
château dont elles commandent les approches (fig. i&). Elles ren- 
ferment chacune plusieurs étages de salles disposées pour servir les 
unes de magasins, tes autres d'appartements ou de logis pour les dé- 

Fig. i6. 




fenseurs. De leurs plates-formes crénelées les sentinelles découvraient 
au loin la pi'ésence de l'ennemi. Entre la première et la seconde tour, 
un épais massif tient lieu de courtine; il est large de 18 mètres et 
forme une place d'armes sur laquelle pouvaient aisément être installés 
plusieurs engins. Sur cette terrasse, munie vers les dehors de la forte- 
resse d'un parapet crénelé dont le relief est considérable, s'ouvre la 
porte du chemin de ronde e, ainsi que les entrées des étages supérieurs 
des deux tours qu'elle relie (tig. 16). 

A la tour de l'est se rattache l'ouvrage peiilagonal M, bâti posté- 
rieurement à la construction du château, peut-être même à l'époque 



5A MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

musulmane, et destiné à prendre d'écharpe le fossé B'. Cette tour est 
la seule qui possède trois étages, les autres n'en ayant que deux; 
mais, comme les diverses pièces composant les ouvrages qui nous -oc- 
cupent offrent beaucoup d'analogie dans leurs aménagements inté- 
rieurs, je ne décrirai que le premier étage de la tour du milieu, 
nommée, par les Arabes, Bordj el-Moufreth (fig. 17). Celte pièce est 
éclairée sur la cour par des fenêtres à doubles baies, séparées par un 




p— t i. 

meneau central supportant un linteau décoré d'arcatures avec fleu- 
rons au milieu du tympan et semblables à celles que nous trouvons eu 
France dans les constructions civiles du commencement du xm* siècle. 



' Cel ouvrage |iaratl avoir élé destiné à 
couvrir ]a rampe (Hg. 13) à md débouché 
sur le lerre-piein de la première enceinte. 
Il est construit en blocs de grand appareil, 
avec bossages tout ii fait indépendants des 
joints de la pierre ; ces derniers sont taillés 
avec soin et les joints sont chanfrciné». 

La partie inférieure de cette défense est 



occupée par un lai-ge vestibule percé de 
deux portes. La première. Jadis fermée par 
une herse et des vantaux , s'ouvrait vers 
l'ouest sur le fossé B (fig. la); elle est au- 
jourd'hui murée, et sa clef de voûte porte 
deux lions sculptés : la seconde s'ouvre sur 
la rampe au pied de la tour I. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 55 

L'escalier de la plate -forme a été réservé dans l'épaisseur du mur 
oriental. Une seule meurtrière, de grande proportion, est percée à 
chaque étage vers les dehors de la place. Des latrines sont ménagées 
dans répaisseur du mur. Par la porte aujourd'hui murée on passait dans 
un vaste logis N, maintenant ruiné, reliant la tour dont je viens de 
parler à celle de l'angle occidental, où l'on voit encore à l'étage supé- 
rieur une salle ronde éclairée par deux fenêtres ogivales et décorée 
avec élégance. Quatre colonnettes engagées supportent les nervures de 
la voûte, et une riche moulure forme corniche à la naissance de celle- 
ci. Cette pièce fut probablement la chambre du châtelain, ou l'appar- 
tement réservé au grand maître des Hospitaliers, qui résidait souvent 
au Krak. Nous possédons des diplômes et des chartes souscrites par 
plusieurs d'entre eux in castro Crati ^ Un escalier à vis conduit au 
sommet de cette tour, qui parait avoir été surmontée d'un mât de 
pavillon dont la base existe encore. Sur les murs de cette partie du 
château j'ai relevé les signes suivants , gravés à la pointe par les appa- 
reilleurs au moment de la construction : 



Le parapet de la muraille occidentale du réduit est dérasé sur pres- 
que toute sa longueur. La tour 0, qui s'élève en arrière de la grand - 
salle, est le seul ouvrage important de cette face du château: elle ren- 
ferme au niveau du chemin de ronde un étage disposé pour la défense 
et percé de trois grandes meurtrières; malheureusement la partie 
supérieure de cette tour est complètement démantelée. 

Au pied de ces défenses s'étendent de gigantesques talus en maçon- 

' Cod, DipL n* io3, p. io8. 



56 MO^UMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

iierie, ayant à la fois pour objet de les prémunir contre l'etFel des 
tremblements de terre, et, en cas de siège, d'arrêter ies travaux des 
mineurs. Dans sa relation du siège du Krak par Bybars, l'historien 
Ibti-Ferat désigne le réduit qui nous occupe en ce moment sous le 
nom de la colline, peignant ainsi son escarpement (fig. 18). 



Fig. 18. 




Vers l'extrémité nord-est de cette enceinte est placé l'ouvrage P, 
dont la description terminera cette élude. C'est une tour barlongue, 
présentant, sur deux de ses faces, des mâchicoulis formés d'arcs en 
tiers-point reposant sur des contre-forts, et par conséquent tout à fait 
semblables à ceux qui se voient encore en France, au palais des Papes 
et dans les murailles d'Avignon. Malheureusement la salle existant à 



DES CROISÉS EN SYRIE. 57 

l'intérieur de cet ouvrage, et qui se trouve au tiivoau du rhemiu de 
ronde des remparts . a été transformée en liabilation par une l'amille 
d'Ansariés, et tellement obstruée par des cloisons en pisé, qu'excepté 
l'escalier à vis conduisant à la plale-formcil est absolument impossible 
de rien reconnaître aux dispositions primitives. Je dois dire, du reste, 
que toute la partie supérieure paraît avoir été refaite depuis la con- 
quête musulmane, et les Arabes donnent aujourd'hui h cet ouvrage le 
nom de Bordj-bent-el-Melok (Tour delà fille du Roi). 

Ici, comme dans tous les châteaux oi^i la garnison avait à garder 
une double enceinte, il fallait rendre les communications entre les 

Fig. -H- 




deux parties assez faciles pour que, en cas de besoin, on pût se porter 
rapidement au secours du point menacé. C'est pourquoi deux poternes 
avaient été percées dans des angles rentrants du réduit oi'i elles étaient 
dissimulées. La première s'ouvre au bout de la grande rampe, à l'angle 
de l'ouvrage C, et de la courtine qui ie rattache à la chapelle et souk 
le commandement de la tour qui s'élevait en G'; la seconde, dans la 
base de la tour P, sous le mâchicoulis qui se voit à l'est. Un large contre- 
fort prolonge de ce câté la façade de l'ouvrage et ne parait pas avoir 
eu d'auti'c bot que celui de masquer cette poterne, dont aucun indice 
ne fait soupçonner l'existence à quiconque pénètre pour la première 
t'ois dans les murs du Krak (fig. 19). 



58 



MONUMENTS DE L ARCHITECTURE MILITAIRE 



Au-dessous de ce vaste ensemble de la seconde enceinte se trouveril 
de profondes citernes, qui servent encore aujourd'hui aux habitants de 
la forteresse. J'ai dû me borner à constater leur existence, n'ayant pu 
y pénétrer, attendu que, les. anciens orifices ayant disparu sous les dé- 
combres, les Arabes en tirent l'eau par un trou percé dans la voûte, 
non loin de la grand'salle. 

Selon toute apparence, elles doivent être alimentées par l'aqueduc 
qui amène l'eau dans le fossé B. 

Arrivé au terme de la description de cette forteresse , je vais tenter 
d'en es(|uisser l'histoire aussi brièvement que possible. 

Les divers auteurs, tant chrétiens qu'arabes, qui ont écrit l'histoire 
des croisades parlent fréquemment de ce château, nommé par les 
premiers le Krak et par les seconds Hosn-el-Akrad. Ce nom parait 
«assez identique à celui de l'appellation franque, qui pourrait bien 
n'être qu'une corruption du mot arabe Akrad ^L^t, Kurde ^ 

Quelques écrivains, entre autres Cari Rilter, ont cru retrouver ici 
le site de Mariamme. 

En l'année 1102, le comte de Saint-Gilles, après s'être emparé 
de Tortose, entreprit le siège du château des Kurdes. Le soudan 
de Hamah, Djenali'-ed-Dauleh, se préparait à marcher contre lui, 
lorsque, se rendant à la mosquée, il fut poignardé par un Ismaé- 
lien. Cette nouvelle inattendue détermina le comte de Saint-Gilles 
à profiter du trouble causé par cet événement, et il se porta sur 



' En Syrie plusieura forterasses portent 
le nom de Krak 011 Karak, ce sont le Krak 
(les Chevaliers , le Krok de Montrdal et le 
Krok.ou Petra deserû; ce nom est encore 
porte par plusieurs villages bâtis sur des 
tertres. D'après M. de Quatremère ■ ce nom 

* Traduction de Makriti, t. H, Appendice, p. «36. 
otieniale, p. n. — * ^411/1^. lib. II, p. io5. 



aurait eu pour ëtymologie le nom syriaque 
l^wa (forteresse). M. de Vogué* est du ménic 
avis en proposant pour origine de ce nom le 
mot hébraïque -^nr, signifiant lieu fermé ou 
fort, opinion que confirment d*ailleurs plu- 
sieurs passages de Denys d'Halicarnasse". 

— ^ Inêcriptioni araméennes de Palmyre et de la .SynV 



DES CROISES EN SYRIE. 59 

Hamah, dont il ravagea le teniloire sans pouvoir toutefois prendre 
la ville K 

Cet incident lui ayant fait lever sans retard le siège du Krak, nous 
ignorons h quelle époque les Francs occupèrent cette forteresse. Ce- 
pendant, d'après le texte d'Ibn-Ferat, nous avons tout lieu de penser 
que ce fut vers l'année 1 1 95. 

Voici ce que l'historien arabe Iakout nous apprend sur ce château 
ainsi que sur l'origine de son nom : 

crLa forteresse de Hosn-el-Akrad est un château d'une force remar- 
rrquable, s'élevant sur la montagne qui fait face à Homs vers l'occi- 
r dent. Cette montagne se nomme le Djebel-Halil et se rattache à la 
rr chaîne du mont Liban. 

«Dans l'origine, ce ne fut qu'une tourconstruile par un gouverneur 
frde Damas qui y établit une garnison de Kurdes, auxquels les terres 
ff environnantes furent abandonnées pour eux et leurs familles, à charge 
crde garder ce passage et de surveiller les mouvements des Francs. 
rr Pour se mettre à l'abri de leurs tentatives , on augmenta peu à peu 
ffk^s fortifications de cette place, qui devint de la sorte une forteresse 
ff très-importante. Elle enlrava beaucoup d'expéditions des Francs, 
frmais elle fut abandonné par les Kurdes, qui retournèrent dans leur 
ff pays. Les Francs s'en emparèrent alors, et tous les efl'orts du prince 
frde Homs ont été impuissants à la leur enlever. -n 

Depuis sa prise parles croisés, ce château parait avoir été un 
simple fief dont le nom était porté par ses possesseurs jusqu'à l'année 
1 1/4 5 ^ époque à laquelle Kaimond, comte de Tripoli, le concéda à 
l'Hôpital, ainsi que plusieurs autres châteaux. 

' Ahoulfeda^exiraildes Historiens arabes * Cod. Dipi n' 66, p. a3. — Voir le 

dei croisades, publia par M. Reinaud, texte de cette charte aux pièces jiistifiea- 
p. 97-1. lives. 



60 MONUMENTS DE L ARCHITECTURE MILITAIRE 

Qu'était le château à cette époque? C'est une question à laquelle il 
est impossible de répondre; nous savons seulement que cette forteresse 
eut beaucoup à souffrir de divers tremblements de terre, particulière- 
ment en 1 1 67 ^ 1 1 69 et 1 202. Il est donc à présumer que ce fut à la 
suite de celui de 1203 que le Kalaat-el-Hosn dut être reconstruit à 
peu près entièrement et tel que nous le voyons aujourd'hui. 

Après sa cession aux Hospitaliers, le gouvernement du Krak fut 
confié à des châtelains de Tordre. 

Voici la liste de ceux dont les noms sont parvenus jusqu'à nous : 

Ertnanus 11 85. 

Pierre de Vatlis 1 186 2. 

Pierre de Mirusande * * 98 '. 

Geoiïroi 1 ao4 *. 

Arnaut de Moiitbrun la&i. 

Hugues de Rêve! i*àU3^. 

Jean de Bubi 19&8. 

Aimar de la Roche 1 953 ^. 

Nous savons par le récit de Vilbrand d'Oldenbourg que la forte- 
resse qui nous occupe était habituellement gardée par 9,000 com- 
battants^. 

Durant l'année 558 de l'hégire, 1 163 de notre ère, Nour-ed-din, 
Soudan d'Alep et fils aîné d'Amad-ed-din-Zenghi, essuya sous les murs 
du Krak une sanglante défaite qui a pris dans l'histoire le nom de la 
journée de la Bokeiah. A ce sujet, l'historien arabe Ibn-el-Atyr nous 
apprend ce qui suit : 

Nour-ed-din ayant rassemblé une nombreuse armée , envahit les 

* Aboulfeda, extrait des Hisloriens arabes ^ Cod. DipL n* 87, p. 98. 
den croisades, publiés par M. Reinaud, * Ibid, n' lyg^p. sâo. 

p. 967-307; Les deux jardins , p. 576. * Ibid. n' 191, p. i38-i65. 

* Cod. DipL n* 77, p. 78-79. ' Laurent, Medii œvi peregrinatores quar 
^ Ibid. n"* 911, p. 959. tuor, p. 169. Leipsick, 1866. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 61 

terres des Francs et vint camper dans la plaine de la Bokeiah, au-des- 
sous du château des Kurdes, qu'il se proposait d'assiéger, comptant, 
dès qu'il s'en serait rendu maître , se porter sur Tripoli , dont il mé- 
ditait la conquête. Un jour, vers midi, tandis que les soldats accablés 
par la chaleur reposaient sous leurs tentes, on aperçut tout à coup la 
croix des Francs qui venait d'apparaître au sommet de la montagne 
sur laquelle s'élevait le château. Les Francs, ayant réuni toutes leurs 
forces, fondaient ainsi à l'improviste sur l'armée musulmane. Les avant- 
postes tentèrent vainement de résister et flrent prévenir Nour-ed-din. 
Avant même que le Soudan eût pu être prévenu de l'attaque, déjà ses 
avant-postes étaient rejetés sur le gros de l'armée et poursuivis l'épée 
dans les reins. Us arrivèrent ainsi au quartier de Nour-ed-din, dont les 
troupes, n'ayant eu le temps ni de prendre les armes, ni de monter 
à cheval, furent en partie massacrées, le reste fait prisonnier. Le sou- 
dan, à demi vêtu, s'échappa de sa tente et s'élança sur un cheval. Il 
ne dut son salut qu'au dévouement d'un Kurde qui se ût tuer en 
coupant l'entrave qui retenait sa monture. Le plus acharné à la pour- 
suite des musulmans fut le Grec Ducas, chef des Grecs auxiliaires au 
service des Francs. Nour-ed-din dirigea sa fuite vers les bords du lac 
de Homs, oii il s'arrêta à quatre parasanges^ du lieu où s'était livré le 
combat. Ce fut là que vinrent se grouper autour de lui les débris de 
son armée. 

La garnison chrétienne qui occupait la forteresse ne cessait de faire 
des courses sur le territoire voisin des princes musulmans. En 1169, 
le gouverneur du Krak périt durant une de ces incursions , dans un 
combat livré à l'émir Scheab-ed-din-Mohammed, près du village de 
Liboueh, situé aux environs de Baaibeck. Gomme ce fait n'est relaté 

' C'est-à-dire à sa kilomètres environ, si on adopte le parasange persan qui correspond 
à 5,565 mètres. 



6â MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

que par les historiens arabes, il m'a élé impossible de savoir le nom 
de ce chevalier. 

D'après Ibn-Moncad , Noiir-ed-din, loin de se sentir découragé par 
la défaite qu'il venait d'essuyer, n'aspirait qu'à s'emparer du château 
sous les murs duquel il avait éprouvé un aussi sanglant échec. Ne se 
fiant donc plus à la seule chance des armes , il eut recours à la tra- 
hison, et dans ce but séduisit un des turcoples de l'Hôpital; mais il 
échoua encore dans son entreprise, ses propres soldats ayant tué le 
traître dès la première attaque. 

A la suite du désastre de Hattin, qui amena la chute du royaume 
de Jérusalem, Salah-ed-din vint camper dans la Bochée et tint la for- 
teresse assiégée pendant qu'il ravageait le territoire du comté de Tri- 
poli et qu'il effectuait la reconnaissance de celte place, ce qui em- 
pêcha les Hospitaliers de secourir la forteresse d'Archas , défendue par 
les chevaliers du Temple. 

Lors delà croisade de Philippe-Auguste, la garnison du krak , de 
concert avec les troupes du comte de Tripoli , tenta une expédition 
contre Homs, mais elle demeura sans résultat, cette ville ayant été se- 
courue par le Soudan d'Alep. 

A la première nouvelle du péril, Seïf-ed-din-Aboubekr-Mohammed- 
Melek-el-Adel, frère de Salah-ed-din, à la tel e de dix mille hommes 
de cavalerie, vint camper au bord du lac de Homs et se prépara à 
se porter sur Tripoli. Il s'avança alors vers le Krak et échoua dans 
l'attaque qu'il dirigea contre ce château. H ne réussit qu'à s'em- 
parer d'une de ses dépendances, la tour d'Anaz, dont les ruines, qui 
se voient à deux kilomètres à Test du Kalaat-el-Hosn, portent encore 
aujourd'hui le nom de Bordj-Aiiaz. Il fit prisonniers cinq cents hommes 
environ formant la garnison de la tour et y trouva également une 
assez grande quantité d'armes et des munitions qui y avaient été 



DES CROISÉS EN SYRIE. 63 

réunies ^ Mais ie prince dut se contenter de ce faible avantage rem- 
porté pendant sa campagne, car le sort des armes lui fut encore 
défavorable devant Tripoli , dont il dut lever le siège. 

Tripoli^ le Krak , Chastel-Blanc , Tortose, Margat et Antioche furent 
exclus du traité signé entre l'empereur Frédéric II et Malek-el-Kamel. 
Aussi, dans une bulle adressée au roi de France Louis IX, le 18 juin 
1229, par le pape Grégoire IX, ce dernier se plaint-il de voir ces 
places à la merci des infidèles, par suite de leur exception de la trêve. 

Durant le xni*^ siècle, le château qui nous occupe fut appelé à jouer 
un rôle important dans les événements militaires qui s'accomplirent 
alors en Syrie. C'était le point de départ et la base d'opérations des 
Hospitaliers dans leurs expéditions contre les soudans de Hamah qu'ils 
rendirent tributaires. 

Cette ville, ainsi que plusieurs autres, avait été donnée par Salah- 
ed-din à son neveu Takied-din-Omar, et les descendants de ce dernier 
en étaient encore maîtres, lorsque Malek-Moudafer-Mahmoud, fils 
aîné de Malek-Mansour, qui venait d'être proclamé en i233, refusa 
de payer aux Hospitaliers un tribut dont il prétendait s'aiïranchir. Le 
Krak vit alors se préparer dans ses murs une expédition dont le conti- 
nuateur de Guillaume de Tyr^ nous a laissé une relation assez détaillée 
qui ne sera peut-être pas dépourvue d'intérêt et que nous allons es- 
sayer de résumer ici. 

La trêve ayant été rompue , les Hospitaliers réunirent au Krak 
toutes les forces dont ils purent disposer, tant en Syrie qu'à Chypre. 
On y voyait Armand de Périgord, maître du Temple, avec tout son 
couvent; Jean d'Ibelin, le sire de Baruth et cent chevaliers cypriotes; 
Gauthier, comte de Brienne, avec quatre-vingts chevaliers du royaume 

' Aboulfeda, extrait des Historiens arabes * Gont. de Guillaume de Tyr, 1. XXXIII, 

descroisades, publia par M. Reinaud, p. 3 A3. ch. xxxviii. 



64 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

de Jérusalem; Pierre d'A vallon, neveu d'Ode de Monlbéliard, et beau- 
coup d'autres chevaliers en renom. Toute cette armée vînt camper 
dans la Bochée, et après y être restée deux jours elle se porta sur 
Mont-Ferrand , abandonné par ses habitants, qui avaient fui à l'approche 
des Francs, laissant toutes les rues du bourg barricadées. Après l'avoir 
détruit, les troupes chrétiennes allèrent dresser leurs tentes à deux 
lieues delà à un casai nommé Merdjmin, et elles y demeurèrent du- 
rant deux jours , ce qui suffit pour porter aux environs le pillage et la 
dévastation. Etant revenues à Mont-Ferrand, elles furent camper à un 
autre casai du nom de Samaquie, et le lendemain elles revinrent se 
cantonner danslaBochée après huit jours de campagne. 

Une bulle du pape Alexandre IV, du 8 avril 1 3 55 , exempta les Hos- 
pitaliers des dîmes pour tous les biens qu'ils possédaient aux environs 
du Krak, et douze ans plus tard les dîmes des entrées dues à l'église 
de Tortose furent remises à l'ordre^ par Guillaume, évèque de cette 
ville, movennant une redevance de mille besants d'or^. 

Makrizi nous apprend que, dans le cours de cette même année 1267, 
les Hospitaliers conclurent avec le sultan Malek-Daher-Bybars, pour 
le Krak et pour Margat, une trêve de dix ans dix mois dix jours et 
dix heures; mais ils durent en même temps renoncer au tribut de 
quatre mille écus d'or que leur payait le prince de Hamah , à celui de 
huit cents écus imposés au prince de Bouktys, ainsi qu'aux douze cents 
écus d'or et aux cent mesures de blé et d'orge qu'ils recevaient de la 
terre des Assassins. 

Si l'ordre, naguère encore puissant, acceptait des conditions aussi 
dures, c'est que les revers nouvellement essuyés par les Francs de 
Syrie rendaient sa position chaque jour plus précaire. Durant les der- 

' Cod, DipL n* 145, p. i83, i84. — * io,5oo francs de notre monnaie. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 65 

nières années que les chevaliers demeurèrent eu possession du Krak 
ils paraissent y avoir été pour ainsi dire bloqués, à en juger du moins 
par le récit suivant, emprunté à l'historien arabe Makrizi. 

Il raconte en ces termes la reconnaissance du château, opérée par 
Malek-ed-Daher-Bybars-el-Bendoukdar : (r Le troisième jour du mois 
trde djoumazi-el-akkar, 668 de l'hégire (1270 de notre ère), le sul- 
crtan, à la têle de deux cents cavaliers, poussa jusqu'à Hosn-el-Akrad 
fret de la gravit, avec quarante hommes seulement, la montagne sur 
(T laquelle est situé le château. Une troupe de Francs qui se trouvait 
rrà l'intérieur sortit en armes, mais le sultan les chargea, en tua quel- 
ffques-uns, mit le reste en fuite, et les poursuivit jusqu'aux fossés de 
ffla place en les raillant sur leur retraite, a 

Les Francs, malgré tant d'événements désastreux, étaient encore 
soutenus par l'espérance du succès de la seconde expédition de saint 
Louis, quand l'année 1271 s'ouvrit pour eux sous les plus tristes 
auspices : ils apprirent à la fois l'échec de la croisade et la mort du 
roi de France sur la plage de Tunis. 

C'était la dernièi^e chance de salut qui venait de leur échapper, et 
les musulmans allaient pouvoir réunir toutes leurs forces pour accabler 
et anéantir les derniers débris de ces colonies chrétiennes de Syrie , 
qui, pendant une durée d'un peu moins de deux siècles, avaient sup- 
porté le choc de toutes les forces de TAsie. Maintenant elles succom- 
baient, malgré les efforts prodigieux, mais dépourvus d'ensemble, tentés 
par l'Europe pour soutenir les successeurs de Godefroy de Bouillon. 

Ce fut donc dans les premiers mois de 1271 que le Krak devait 
lomber entre les mains victorieuses du sultan d'Egypte. 

Voici, au sujet de ce siège, la relation (jue nous trouvons dans un 
auteur contemporain : rr Le deuxième jour du mois de djoumazi-el- 
rakkar, le sullan partit du (iaire accompagné de son fils le prince 

9 



G6 MONUMENTS DK lAARCHlTEGTURE MILITAIRE 

îrMelik-cs-Saïd.ll se dirigea vers la Syrie et entra à Damas le huitième 
frjour de redjeb, puis j1 marcha sur Tripoli et fit prisonniers tous les 
fr ennemis qu'il trouva sur sa route. Il étendit ses ravages jusqu'à Safita, 
crqui se rendit et fut évacué par les Francs. Il en sortit sept cents 
rr hommes, sans compter les femmes et les enfants. 

ff Les châteaux et les tours qui sont aux environs de Hosn-el-Akrad 
rrse rendirent aussi. ?î 

Nous lisons également dans Ibn-Ferat que le 9 de redjeb cr le sultan 
fr arriva devant Hosn-el-Akrad, le 20 les faubourgs du château furent 
fr|)ris et le Soudan de Hamah, Melik-el-Mansour, arriva avec son armée.- 
fr Le sultan alla à sa rencontre , mit pied à terre et marcha sous ses 
(T étendards. L'émir Seif-Eddin, prince de Sahyoun, et Nedjem-ed-din, 
f^chef des Ismaéliens, vinrent aussi les rejoindre. Dans les derniers 
rr jours de redjeb, les machines furent dressées. Le 7 de chaaban , le 
frbachourieh (ouvrage avancé) fut pris de vive force. On fit une place 
trpour le sultan, de laquelle il lançait des flèches. 11 distribua de Tar- 
er geni et des robes d'honneur. Le 1 6 de chaaban , une des tours fut rom- 
Tpue, les musulmans firent une attaque, montèrent au château et s'en 
cr emparèrent. Les Francs se retirèrent sur le sommet de la colline ou du 
r château; d'autres Francs et des chrétiens furent amenés en présence 
rrdu sultan, qui les mit en liberté par amour pour son fils. On amena 
ries machines dans la forteresse et on les dressa contre la collme. En 
rr même temps le sultan écrivit une lettre supposée au nom du comman- 
frdant des Francs à Tripoli, adressée à ceux qui étaient dans le châ- 
rrteau et par laquelle il leur ordonnait de le livrer. Ils demandèrent 
rr alors à capituler. On accorda la vie sauve à la garnison , sous condi- 
rr tion de retourner en Europe, -n 

Les Francs ayant évacué le Krak le 8 avril 1271, le même auteur 
nous apprend encore que le sultan en nomma gouverneur l'émir Sarim- 



DES CROISÉS EN SYRIE. 67 

ed-din-el-Kafrouri et donna des ordres pour réparer la forteresse. 
Durant le séjour qu'il y fit, il reçut une députaliou du seigneur de 
Tortose (c'était probablement le commandeur du Temple qui est dé- 
signé sous ce titre) venant lui demander la paix. Elle fut conclue pour 
Tortosfe seulement, mais Safita et son territoire, étant tombés au pou- 
voir du sultan, ne furent pas compris dans le traité. Il fut stipulé, en 
outre, qu'on restituerait tout ce qui avait été pillé pendant le règne 
de Malek-en-Naser, et que toute espèce de prétention sur les pays de 
l'islamisme serait abandonnée par les chrétiens. 

Il fut encore signifié que le pays et les revenus de Markab seraient 
également partagés entre le sultan et les Hospitalière, auxquels il con- 
cédait le droit de restaurer le château. Les Francs remirent plusieui-s 
autres châteaux au sultan , et c'est à ces conditions que la paix fut 
signée. 

Outre l'exagération dont sont empreints les passages que nous ve- 
nons de citer, il y a lieu de remarquer qu'il s'y est, selon toute appa- 
rence, glissé une erreur sur la durée du siège de la forteresse. 

D'après l'historien Marino Sanuto, il faudrait fixer au 1 8 février 1271 
l'arrivée de Bybars devant le château, qui aurait capitulé le 8 avril. 

Ceci viendrait corroborer l'opinion que j'exprime d'une erreur de 
date dans le texte de l'auteur arabe. 

Le second gouverneur musulman parait avoir été l'émir Seïf-ed-din- 
Balban, dont nous avons déjà parlé au sujet de sa tentative infructueuse 
contre Margat en l'an 1280. 

Le Krak semble avoir servi d'arsenal aux infidèles durant les der- 
nières années de la guerre contre les Francs. 



TORTOSE. 



On trouverait difficilement une région présentant, sur un espace 
restreint, autant de sujets d'études archéologiques que la plaine qui 
s'étend de Tripoli à Tortose, entre la mer et la montagne des An- 
sariés. 

Là s'élevaient, dans l'antiquité, ces villes, filles d'A'rvad : 

Marathus, Enhydra, Carné, Antaradus, qui bordaient la côte, vis- 
à-vis du rocher célèbre dont elles tiraient leur origine. 

Les montagnes limitant celte plaine, vers l'est, sont couronnées des 
châteaux de Gibel-Akkar, d'Archas, de Chastel-Blanc, de la Colée, du 
Krak des Chevaliers, d'Areymeh et d'une foule d'autres monuments 
du moyen âge chrétien. 

Plus au sud se voient les ruines d'Orthosia, que les chroniqueurs 
des croisades mentionnent encore sous le nom d'Artésie, comme une 
bourgade importante du comté de Tripoli ^ 

A l'époque romaine, Antaradus, dont Strabon ne parle pas, et qui 
apparaît pour la première fois dans la géographie de Ptolémée, éclipsa 
les villes voisines. 

Celles-ci ne sont plus que des monceaux de ruines ; leurs noms dé- 
figurés s'appliquent maintenant à de pauvres villages arabes, élevés 

» Guill. deTyr, liv. Xin,p. 558. 



70 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

au milieu des décomhres de ces cités, et la bourgade moderne de Tor- 
tose a remplacé, de nos jours, Tantique Antaradus. 

Ses environs immédiats portent actuellement le nom d'Isar de Tor- 
tose : c'est une plaine, jadis fertile, arrosée par de nombreux cours 
d'eau; malheureusement, par suite de l'incurie des Arabes, qui la 
laissent inculte, elle est peu à peu devenue marécageuse et est au- 
jourd'hui un des points les plus malsains de la côte de Syrie. 

A peu de distance, à l'est et au nord-est, le terrain s'élève gra- 
duellement en collines arrondies : ce sont les premiers contre-forts de 
la montagne des Ansariés. 

Dans le Synecdonws d'Hiéroclès, nous trouvons Antaradus cité avec 
le surnom de Gonstantia, après sa réédification, par l'empereur Cons- 
tantin; mais je ne veux point m'étendre ici sur son histoire durant les 
périodes grecque et romaine, M. Renan ayant traité à fond ce cha- 
pitre dans son grand ouvrage sur la Phénicien 

Les historiens des croisades désignent cette ville sous les noms 
d'Antaradus, d'Antarsous ou Antartous, dont le nom moderne de Tor- 
tose n'est qu'un déj'ivé. 

Ses murs et le château qui se trouve dans l'angle nord-ouest de 
cette enceinte présentent l'un des ensembles les plus intéressants de 
constructions militaires élevées en Syrie durant la domination française. 

La forteresse a été bâtie par les Templiers , qui y étaient installés 
dès l'année 1 183 ^ et en avaient fait leur principale place de guerre. 
Composée d'une double enceinte, munie de fossés taillés dans le roc 
et que remplissait alors la mer, elle possédait un donjon de propor- 
tions colossales, souvent mentionné par les écrivains du moyen âge et 
dont nous voyons encore les restes. 

' Mission de Phétn'cie, campagne d'Aradiis. — * Cod. Dipl. ri" «09, p. 35o. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 71 

Un premier rempart, flanqué de tours barlongues, ceignait de 
trois côtés remplacement de l'ancienne ville, limitée à l'ouest par la 
mer. Mais cette défense n'est à proprement parler qu'une muraille cré- 
nelée, précédée d'un fossé qui, bien que maintenant en grande partie 
comblé, est pourtant reconnaissable sur toute sa longueur. 

Cette enceinle, contenant aujourd'hui des jardins, affecte la forme 
d'un trapèze. C'est là qu'au milieu des palmiers s'élève majestueuse- 
ment la vieille cathédrale de Notre-Dame-de-Tortose, magnifique vais- 
seau du xii*^ siècle, qui, durant l'occupation chrétienne, fut un lieu de 
pèlerinage en grande vénération. Le sire de Joinville fut un de ceux 
qui s'y rendirent pendant la croisade de saint Louis, et nous trouvons 
dans ses mémoires la relation d'un miracle qui eut lieu de son temps : 

crJe demandé au roy qu'il melaissast aller en pèlerinage à Nostre- 
cr Dame-de-Tortouze , là où il avoit moult grant pèlerinage pour ce que 
ïr c'est le premier autel qui onques fust fait en l'onneur de la Mere- 
ffDieu sur terre, et y fesoit Nostre-Dame moult grant miracles. Entre 
ff autre un homme possédé du dyable. Là où ses amis qui l'avoient 
cr céans amené prioient la Mere-Dieu qu'elle lui donnast santé, l'en- 
(rnemi qui estoit dedans leurrépondi : cr Nostre-Dame n'est pas ci, est 
ff en Egypte pour aider au roy de France et aus crestiens qui aujour- 
crd'hui arriveront en la terre à pié contre la paycnté à cheval, ii Ce 
jour fut pris en écrit et apporté au légat [de qui le sénéchal tenait le 
récit] et se trouva être le jour même du débarquement de sainl 
Louis en Egypte. 

Une seule des' portes de la ville existe encore, assez bien conservée 
pour mériter d'être étudiée avec soin. Elle était fermée par des van- 
taux et munie d'une herse, ainsi que d'un mâchicoulis. J'aurai lieu 
plus loin de m'étendre sur ce sujet. 

Le château, ainsi qu'on le sait déjà, occupe un espace considérable 



7i MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

i^ Tangle nord-ouest de la ville et parait n'avoir eu aucune communi- 
cation directe avec elle, autant du moins quou en peut juger par ce 
que nous voyons encore. Un large fossé l'en sépare complètement et 
est lui-même traversé par une chaussée amenant à la seule entrée que 
possède la forteresse. Sur toute son étendue, ce chemin est en prise 
aux coups des défenseurs du château. Il était coupé en B par un pont 
à tiroir dont on reconnaît les traces et qui devait être couvert par une 
barbacane ou une palissade située en A (pi. Mil). 

La porte qui s'ouvre dans la grande tour C est voûtée en tiers- 
point. Sur la clef se voient les restes d'une croix fleuronnée se déta- 
chant au milieu d'un trèfle. Cette entrée était défendue par un mâchi- 
coulis, une herse et des vantaux de bois ferrés et renforcés de barres 
à coulisse. 

L'intérieur de cet ouvrage est occupé par un lai^e vestibule percé 
de meurtrières. La voûte forme deux travées supportées par des arcs 
ogives et un doubleau chanfreiné. 

Dans l'épaisseur du mur occidental de cette tour on a ménagé une 
chambre de tir communiquant avec le chemin de ronde du rempart, 
et à l'extrémité de laquelle s'ouvrent deux meurtrières, percées obli- 
<|uement, permettant de prendre en flanc un assaillant qui aurait tenté 
(le briser la hei*se ou d'incendier les portes (fig. 3o). 

A l'intérieur de la place, un escalier qui subsiste encore conduisait 
du chemin de ronde au couronnement de cet ouvrage, qui est mal- 
lieunMisement dérasé au niveau du sommet des voûtes, ce qui nous 
<îinpêche de nous rendre un compte exact de la manière dont étaient 
cliwpoHC'CH ici les manœuvres de la hei^se. 

Sur le pie(Udroit de Tembrasure de la porte que j'ai décrite plus 
liinil m» voit nrulptée une pièce héraldique que je considère comme 
MViiril été ({rovée après In conquête musulmane. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 73 

Après avoir franchi cette entrée, on se trouve dans la première en- 

Fig. .0. 




ceinte du château, que flanquent des saillants carrés. Cette première 
ligne de défense se compose, à )a base, d'un massif de rochers taillés 




et revêtus de maçonnerie vers les dehors de la place. Une muraille de 



74 MO^UMENTS DE LARCHITECTUBE MILITAIRE 

plus de trois mètres d'épaisseur, percée de grandes meurtrières pour 
les machines, au{jmentait son relief, et un chemin de ronde avec un 
parapet crénelé couronnait l'ouvrage (fig. si). 

Nulle part, à cette époque, on ne déploya un pareil luxe dans 
l'emploi des matériaux, et j'ai tout lieu de penser qu'outre l'exploita- 
tion des pierres tirées des fossés, oii la présence d'antiques excava- 

Fig. «.. 




tions sépulcrales facilitait l'extraction de gros blocs, les ruines phéni- 
ciennes d'Aradus. d'Amrit et de Carné durent être mises à contribution 
pour fournir les matériaux de ces gigantesques murailles. 

La forme générale de la forteresse est celle d'un quart de cercle 
appuyé à la mer. 

Ici encore un fossé, aujourd'hui à peu près comblé, régnait au ])ied 
des murs de la seconde enceinte, construits d'après le même système, 
mais d'une élévation assez considérable pour que la double ligne cré- 



DES CROISÉS EN SVRIE. 75 

nelée qui la couronnait pût commander tous tes ouvrages de la pre- 
mière enceinte et concourir à leur défense. Les figures 93 et a3 re- 
présentent sous ses deux aspects une partie de cette muraille qui 
conserve encore intacte sa double ligne de couronnement. 




Une brèche a remplacé la porte par laquelle on pénétrait jadis 
dans le réduit du château, au milieu duquel s'élevaient toutes les par- 
ties constitutives d'une importante forteresse du moyen âge : grand'- 
saJIe, chapelle, donjon, etc. 



76 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Vers la mer, une muraille à laquelle se butaient les diverses 
enceintes que je viens de décrire complétait de ce côté les défenses 
du château. Elle est revêtue à sa base de grands talus de maçon- 
nerie destinés, tout à la fois, à amortir le choc des vagues se brisant 
au pied de ces murs et à prévenir toute tentative venant du côté de 
la mer. 

En pénétrant dans la cour intérieure du château, le visiteur laisse à 
sa gauche un vaste bâtiment D en forme de galerie, dont une partie 
de la voûte subsiste encore. 

C'est la grand'salle, importation européenne en Orient et qui te- 
nait une place essentielle dans la vie et les habitudes du moyen âge. 
La France a conservé peu de spécimens de ce genre d'édifice, tandis 
qu'on en voit encore un grand nombre en Angleterre. 

La salle était le lieu où se tenaient les chapitres de l'ordre, décorée 
de panoplies, de trophées et d'étendards pris sur l'ennemi, ainsi que de 
riches tentures qui en complétaient l'ornementation ; elle servait à la 
réception des envoyés étrangers , à la réunion des conseils ou aux ban- 
quets. Celle que nous avons sous les yeux est à coup sûr la plus belle 
et la plus vaste dont les débris se voient en Syrie; malheureusement 
il ne subsiste plus guère que la moitié de cet édifice. 

Ce vaisseau mesure l^U mètres de longueur dans œuvre sur une lar- 
geur de 1 5 mètres. Une épine de cinq piliers rectangulaires le séparait 
en deux nefs de six travées chacune. Ces piliers ont aujourd'hui dis- 
paru; mais, autant que j'ai pu en juger par les fragments épars qui 
sont encastrés dans les maisons modernes, ils semblent avoir été, 
sur chacune de leurs faces, cantonnés de pilastres sur lesquels ve- 
naient s'appuyer les doubleaux et les arcs ogives des voûtes, dont les 
retombées le long des parois de la salle étaient supportées par des 
culs-de-lampe en forme de chapiteaux ornés de figures fantastiques et 



DES CROISÉS EN SYRIE. 77 

de feuiHages byzantins (lig. ai). Pour diminuer de ce côté la charge, 




ou t'avait répartie sur une plus grande hauteur; car ici, outre les 
ruis-de-lampe formés de trois assises posées en encorbellement, les 




Irois premiers sommiers des doubleaux et des arcs ogives sont pris 



78 MONUMENTS DE L'ARCHITECTUKE MILITAIRE 

dans des blocs de pierre de grande dimension profondément engagés 
dans la muraille. 

Vers la place, six grandes fenêtres en plein cintre, s'ouvrant irré- 
gulièrement dans les travées, éclairaient la salle. La décoration de ces 
fenêtres dut être très-élégante, à en juger par ce qu'il en reste; mal- 
heureusement elles ont été fort mutilées durant ces dernières années. 
Celle du milieu, seule, nous est parvenue presque intacte. L'arcade 
repose sur deux colonnettes de marbre à chapiteaux, ornés de feuilles 
crochetées, et l'archivolte était décorée d'arabesques entrelacées où 
Ton reconnaît au premier coup d'oeil l'influence de l'art byzantin. Au 
claveau un agneau portant un oriflamme à la croix, autrement dit 
l'agneau pascal, se voit encore parfaitement (fig. 2 5). 

Au-dessus de ces larges baies sont pratiquées de petites ouvertures 
carrées (une par travée) percées dans des embrasures ogivales. 

Deux portes précédées de perrons s'ouvrent aux deux extrémités 
de cette salle et y donnent entrée. Au-dessous, une série de petites 
pièces, aujourd'hui remplies d'immondices, paraissent avoir été des 
magasins ou des prisons. 

Au sud-est de la grand'salle s'élève en E la chapelle : c'est une nef 
régulièrement orientée, formée de quatre travées et terminée car- 
rément sans abside. Ses voûtes sont supportées par des doubleaux 
chanfreinés avec arcs ogives, et elle était éclairée par de hautes fe- 
nêtres en lancettes. Le style de ce monument se rapproche beaucoup 
de celui de la grand'salle; malheureusement l'intérieur est encombré 
de constructions modernes qui gênent beaucoup pour juger de l'effet 
qu'il devrait produire. 

Un petit porche, dont l'existence ne nous est révélée que par quatre 
corbeaux fixés dans le mur oii s'ouvre le portail, parait avoir précédé 
cet édifice. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 



79 



Au milieu de la place se trouve un grand puits F, dont la margelle 
présente encore quelques restes de moulures. 

Vers le sud s'étend la ville moderne, composée d'une centaine de 
maisons occupant l'espace où, selon toute apparence, s'élevaient les 
logements de la garnison, le palais du châtelain, etc. etc. 

Le long des remparts règne en G et en H une longue série de 
magasins voûtés, qu'éclairent des meurtrières percées à la base des 
murailles, vers les dehors du château. 

A l'ouest et au nord il en exiwste de semblables en 1 et en J. 

Jacques de Vitry désigne Tortose sous le nom de Turris Antaradi. 

Vilbrand d'Oldenbourg* parle avec admiration d'une tour élevée 
qu'il vit dans ce château et dont il attribue la construction à un roi de 
France. 

L'historien arabe Ibn-el-Atyr, en racontant l'attaque dirigée par 
Salah-ed-din contre Tortose, en i j88, nous apprend que le grand 
maître du Temple et ses chevaliers s'étaient retirés dans une tour très- 
forte qui résista victorieusement aux efforts des musulmans. Or, la 
bawse d'un énorme donjon, de forme barlongue, revêtue d'un talus de 
maçonnerie, se voit en K; il ne mesurait pas moins de trente-cinq 
mètres de côté, et vers l'ouest était flanqué de deux tours carrées. 
C'est évidemment là l'ouvrage dont il est question dans les deux textes 
que je viens de citer. 



' Je pense qne le texte de cet auteur 
peut trouver ici sa place : mincie venimus 
^Tortost. flec est civitas parva , non multum 
TOiunita, super mare sita, in capile habens 
T castra m fortissimum , optimo muro et un- 
rrdecim turribus sicut undecim [ireciosis la- 
** pidibus coronatuni. Nec mirum , si duode- 
frcima tuiris ei suhtrahatur, cum illa turris, 



-quam rex Francie ad subsidium terre edi- 
'rûcavit, sua pulcbra fortitudioe suppléât 
-'iilius defectum. Hoc castruro a Teniplariis. 

rrquia ipsorum est, optime custoditur ^ 

(^Laurent, Peregrinatorea medii œvi quatuor, 
p. 169 (Vilbrand d'Oldenbourg). Leipsick. 
186/i.) 



80 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

De vastes casemates existent encore sous ce massif et communiquent 
avec la mer par une poterne qui, s'ouvrant à fleur d'eau, permettait 
aux navires chrétiens de ravitailler les défenseurs de cette tour, isolée 
elle-même du reste du château par un profond fossé dont il subsiste 
encore quelques traces. 

Nous savons par l'historien Makrizi que c'était à Antarsous qu'était 
déposé le trésor des Templiers. 

D'après Page, ce serait seulement en 1102 que les Francs s'éta- 
blirent définitivement à Tortose. 

A la mort de Raymond de Saint-Gilles, comte de Tripoli, cette ville, 
ainsi que le mont Pèlerin, fut un moment attribuée à Guillaume 
Jourdain, comte de Cerdagne; mais après lui Tortose passa de nou- 
veau au comte de Tripoli. Elle fut alors érigée en évêché, et la liste 
des évoques qui en occupèrent le siège durant les croisades se trouve 
dans la Syrie Sainte de Du Gange '. 

Pendant la plus grande partie du xu* siècle, Tortose et son terri- 
toire formèrent un des grands fiefs de la principauté de Tripoli, et 
paraissent avoir été possédés par une branche de la famille de Mara- 
clée. Un acte du mois de juin 1 183 nous apprend qu'à cette date une 
commanderie de l'ordre du Temple existait déjà à Antarsous. 

Peu de mois après la bataille de Hattin, où les chevaliers du Temple 
avaient presque tous succombé, et à la suite de laquelle le grand 
maître lui-même était tombé entre les mains des musulmans '^ Salah- 
ed-din parut sous les murs de Tortose. Les Templiers, ne se trouvant 
pas assez nombreux pour défendre la ville et les divers ouvrages qui 
composaient le château, se retirèrent dans le 'donjon; là, sous les 
ordres de leur grand maître Gérard de Ridefort, qui venait d'être mis 

' Familles d' outre-mer, p. 809. — * Ibn-el-Atyr, extrait des HtJttortPM arabes, p. 48o. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 81 

en liberté en échange du château de Beit-Gihrïn \ ils opposèrent une 
telle résistance aux efforts de Salah-ed-din que ce prince se vit con- 
traint de lever le siège. 

Ce fut sous les murs de cette ville qu'au mois de septembre 1 188 
Salah-ed-din rendit la liberté au roi Guy de Lusignan, au prince 
Amaury, son frère, au grand maréchal du royaume, ainsi qu'à plu- 
sieurs autres chevaliers illustres. 

Selon toute apparence , par suite de la cession de Maraclée à l'Hô- 
pital , la seigneurie de Tortose et Ises dépendances passèrent à l'ordre 
du Temple. Il parait que ce territoire était considérable, puisque nous 
savons par le texte de la paix , dite de Tortose , signée en 138a, entre 
Guillaume de Beaujeu, grand maître du Temple, et le sultan égyptien 
Kélaoun, sdors que l'ordre avait déjà perdu Safita et Âreymeh, qu'il 
comprenait encore trente-sept cantons, tous nommés dans cet acte. 

Les noms de quelques-uns des châtelains de Tortose nous sont par- 
venus. Les voici : 

Frère Rainald de Ciamcourt i2Ù3 ^. 

Aimard 1 282 *. 

Adhémar de Peyru^za*. 

Celui-ci semble avoir été le dernier, et nous le trouvons cité dans 
le procès des Templiers*. 

Non loin de Tortose, sur le versant oriental des montagnes des 
Ansariés, étaient situés les châteaux appartenant aux Ismaéliens ou 
Bathéniens de Syrie. Cette secte , d'origine persane , est souvent men- 
tionnée chez les historiens occidentaux sous le nom d'Assassins. Elle 

Ibu-el-kly T, extrait des Historiens arabea, ' Mas Latrie, Hist. de Chypre, t. III, 

p. 593. p. 663, 668. — * Procès des Templiers, 

' Cod, DipL 1. 1, n* 179, p. 330. t. II, p. ikh-. i53, etc. etc. 

ti 



82 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

^tait gouvernée par le Daïl-Kébir (espèce de grand prieur de l'ordre), 
résidant à Massiad, et comptait environ soixante mille adeptes en Syrie. 

Guillaume de Tyr dit que les Ismaéliens possédaient six châteaux 
aux environs d'Antarsous. De là partaient les Fedawi (sicaires), char- 
gés d'assassiner les princes musulmans ou chrétiens qui avaient en- 
couru la haine de l'ordre. 

C'est ainsi qu'en i iBs périt Raymond H, tué aux portes mêmes de 
Tripoli \ avec un de ses écuyers, nommé Raoul de Merle. Aussitôt les 
Templiers, pour venger la mort dii comte de Tripoli, envahirent le 
pays habité par les Bathéniens, et ce ne fut qu'après leur avoir imposé 
un tribut annuel de 9,000 dinars et de cent boisseaux de froment, 
qu'ils consentirent à leur accorder la paix. A la suite de ce traité, l'in- 
térêt des Templiers était d'empêcher un rapprochement entre les 
Francs et les Ismaéliens, et c'est à quoi ils s'efforcèrent malgré les ten- 
tatives de ces derniers. Ceux-ci l'essayèrent à plusieurs reprises , et 
notamment sous le règne d'Amaury, en 1 165. 

En 1 1 9/1, le comte Henri de Champagne, se rendant en Arménie, 
reçut c^ son passage à Tortose une ambassade du Daïl-Kébir, qui le 
faisait complimenter et l'invitait à venir le trouver à Massiad, qui, 
ainsi que je l'ai dit plus haut, était alors le chef-lieu de Tordre en Sy- 
rie. Au retour de son voyage, le comte de Champagne visita les châ- 
teaux de ces mystérieux sectaires et revint comblé des plus riches 
présents. 

Malgré ces démonstrations, l'église de Tortose fut le théâtre du 
meurtre de Raymond, fils aîné de Bohémond I\ ^ prince d'Antioche, 
assassiné par deux Ismaéliens en 1219^. 

Dans celle même église se célébra, en 1922, le mariage d'Alix de 

^ Lc9 Familles d*outre-mer, p. 689. — * Ihid, p. 9 O.S. — ' Ibid. p. ao5. 



DES CROISES EN SYRIE. 83 

Champagne, veuve de Hugues, roi de Chypre, avec Bohéruoiid V, 
d'Antioche. 

Le château de Tortose fut un des dei'iiiers points occupés par les 
chrétiens en Terre Sainte , et les Templiers ne l'abandonnèrent que le 
5 juin 129t. 

Ils se retirèrent alors à Chypre, d'où ils firent, au commencement 
(lu siècle suivant, une tentative pour rt'piTiidi'e cette plate '. \iu rniiuét- 
i3oo. une expédition partie, sous les ordres d'Aiinery de Liisignan , 
prince de Tyr, et de Jacques de Molay, grand maître du Temple, 
s'empara de Tortose, que les Templiers conservèrent quelque temps. 
Mais ils lurent bientôt attaqués par les troupes du sultan égyptien 
Malek-el-Mansour-Lajjyu. La place ayant été investie par terre et ])ar 
mer, ils durent capituler, et les chevaliers furent faits prisouniei-s au 
nombre de cent vinyl. 

D'après Aboulfeda, ce serait seulement dans les dernieis mois de 
l'année i3o'i ou au commencement de lamiée suivante que les Tem- 
pliers perdii'ent l'ile d"Aradus, qui dépend de Tortose. Je transcris in 
le texte de l'historien arabe : 

«En l'année 702, un parti considérable de Francs s'était fortilié 
irdans rîie d'Aradus, située près de la côte, en face de Tortose. A l'abri 

«de leurs remparts, ils s'avançaient jusque sur la cAte voisine 

cSeif-ed-din-Assendemour, qui gouvernait la Syrie, sollicita une flotte 
ffdu gouvernement égyptien. La Hotte arriva devant l'île hu mois de 
cfmoharrem et s'en enqiara.- 

' Let Famille» d'oulre-mer, grands inatlr<« du Temple, p. 899. 



CHASTEL-BLANC. 



Au sortir de Tripoli, le voyageur se rendant à Homs ou à Tortoae 
aperçoit au loin vers le nord une haute tour : c'est le Bordj-Safita, qui 
domine Gèremetit les premiers contre-forts de la chaîne des Ansariés, 
dont une des collines a {'lé choisie pour servir d'assiette à ce châ- 
teau. 

Son identification avec le Chastel-Blanc, forteresse possédf'ie par 
les Templiers et que nous trouvons plusieurs fois mentionnée, soit 
dans les historiens des croisades, soit dans l'ouvrage de Paoii, ne sau- 
rait être douteuse; car, outre la coïncidence de position géographique, i] 
y a encore celle des noms, Tappeilation française n'étant que la traduc- 
tion du nom arabe. L'altitude du château est de Sao mètres environ 
au-dessus des deux vallées qui l'isolent au nord et au sud, tandis que 
des crêtes étroites et d'une élévation moindre le relient vers l'est et à 
louest aux collines les plus proches. 

L'ensemble de la forteresse se compose de deux enceintes échelonnées 
sur les pentes de la montagne, et dans la seconde, formant réduit, 
s'élève la tour dont je viens de parier. 

A une assez grande distance en avant des murs, des ouvrages avan- 
cés paraissent avoir été établis sur tes crêtes étroites citées plus haut. 
De légers mouvements de terrain semblent encore désigner leur em- 



86 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

placement; ils étaient destinés à opposer un premier obstacle à las- 
saillant et paraissent ici s'être composés d'un fossé avec épaulement 
en terre, probablement garni jadis d'une palissade. 

Après les avoir franchis, on traverse une vaste esplanade s étendant 
jusqu'aux fossés du château, et plantée de vieux oliviers disposés en 
quinconces, que je suis fort porté à considérer comme contemporains 
de l'occupation franque. 

Le Chastel-Blanc , situé à égale distance de Tortose et du Kalaatr-eU 
Hosn, fut appelé à jouer un rôle assez important dans le cours des 
dernières années de la domination chrétienne en Syrie. 

Un village moderne qui s'est bâti sur les ruines de cette forteresse 
est aujourd'hui le chef-lieu d'un des districts les plus considérables 
de la province de Tripoli, et sa population se divise en parties à peu 
près égales de chrétiens, de musulmans et d'Ânsariés. 

De Tripoli, il faut environ douze heures d'une marche rapide pour 
atteindre ce point. 

La tour qui frappe d'abord les regards est l'ancien donjon du châ- 
teau, qui, comme je l'ai dit, couronne un sommet dont les pentes, 
s'abaissant brusquement au nord et au sud, couvrent suffisamment de 
ces deux côtés les abords de la place. 

La première enceinte affecte la forme d'un polygone irrégulier. Sur 
tout son pourtour elle est revêtue à sa base d'un grand talus en ma- 
çonnerie , et flanquée de tours barlongues. Bien que dérasée dans une 
grande partie de sa hauteur primitive, je crois avoir reconnu à cer- 
tains endroits des restes de contre-forts appliqués à l'escarpe et se per- 
dant dans le talus : selon toute apparence , ce doivent être les restes de 
mâchicoulis analogues à ceux qui se voient à l'un des ouvrages du 
Kalaatr-el-Hosn. 

Deux tertres faits de main d'homme, restes d ouvrages avancés, 



DES CROISES EN SYRIE 87 

en terre, se voient encore en G et en H aux extrémités est et ouest 
du château , et ont même conservé un relief assez considérable. 

La porte s'ouvrait en B à l'extrémité nord de cette partie du château. 
Elle était précédée d'un édiKce aujourd'hui ruiné, nommé, par les 
Arabes, Kasr-bent-el-Melek, et dont les murailles ont, quant aux maté- 
riaux qui les composent, beaucoup d'analogie avec celles de Tortose. 
Les pièces qui existaient dans cette partie du château avaient des 
voûtes à nervures dont on voit des arrachements considérables au mur 
occidental, qui subsiste encore. 

Cet ouvrage parait avoir été ajouté postérieurement à la construc- 
tion de la forteresse, dans le plan de laquelle il ne semble pas prévu, 
à en juger du moins par la position de la tour A, destinée primitive- 
ment à défendre l'entrée B', et qui se trouve de la sorte complètement 
annulée (pi. IX). 

L'espace compris entre les deux murailles était rempli de grands 
magasins voûtés dont les restes disparaissent malheureusement aujour- 
d'hui sous les maisons arabes du village moderne de Safita, qui rendent 
les recherches très-difficiles et contrarient à chaque pas les observations 
archéologiques. 

Ici, comme à Tortose, à Athiit et à Areymeh, on reconnaît facile- 
ment le système d'architecture militaire usité par les Templiers. 

La deuxième enceinte , dans laquelle on pénètre par la porte C placée 
sous le commandement du donjon, forme un terre-plein hexagonal 
avec citerne au centre. Une chemise D, aujourd'hui presque entière- 
ment ruinée, précédait de ce côté la tour ainsi que l'entrée du réduit. 
Une grande partie de la muraille et une des tours d'angle E se sont 
conservées jusqu'à nous. Le plan pentagonal sur lequel cette dernière 
est élevée parait être un emprunt fait à l'art byzantin , car nous voyons 
des défenses semblables à celle-ci aux angles de la forteresse byzantine 



88 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

de Mares, possédée longtemps par les croisés. Celte tour renferine 
une salle percée de meurtrières. On y entre par les bâtiments F 
adossés au rempart et dont les ruines se voient au pourtour du terre- 
plein; ce durent être des magasins et des logis. 

C'est donc à cheval sur le mur de la seconde enceinte et au point 
culminant du château que se dresse encore, telle que la virent les che- 
valiers du Temple, la tour du Chastel-Blanc , tout à la fois chapelle 
et donjon. 

On reconnaît bien, dans Tétrange conception de ce monument, le 
génie de ces moines guerriers , si longtemps la terreur des musulmans , 
en même temps que Tadmiration et la gloire de l'Europe chrétienne, 
qui jusque dans Tédiâcation du sanctuaire ont su apporter tous les 
moyens de défense qu a pu leur suggérer lart de Tingénieur militaire. 
De la sorte, les premières lignes enlevées par l'assaillant, la lutte se 
trouvait transportée au pied de l'autel , dans le temple même de ce 
Dieu pour le triomphe duquel on combattait. Epargnée par le temps, 
la chapelle sert actuellement d'église aux chrétiens grecs qui habitent 
le village de Sa6ta et est demeurée sous le vocable de Saint-Michel. 

Le plan de cette tour est un grand parallélogramme de 3 1 mètres 
de long sur 18 de large. Au claveau de la porte se voit une croix 
fleuronnée analogue à celle dont il existe encore des traces au-dessus 
de l'entrée du château de Tortose. Une citerne a été taillée dans le 
rocher sur lequel est élevé cet ouvrage. Son oriBce est placé au niveau 
du pavé de la chapelle, qui occupe le rez-de-chaussée. Cette dernière 
présente dans ses dispositions intérieures une grande analogie avec 
celles de Margat et du Krak, dont nous retrouvons ici tous les élé- 
ments. Le vaisseau que nous étudions est également formé d'une nef 
orientée à l'est i/k sud, voûtée en berceau, et mesure 3 5 mètres de 
longueur dans œuvre sur i o"',5o de large. L'abside semi-circulaire qui 



DES CROISES EN SYRIE. 8» 

la termine est également surélevée de deux marches, comme à Mar- 
gat; à droite et à gauche, sont deux petites pièces éclairées par des 
archères. La hauteur des voûtes sous clef est de i7"',3o au-dessus du 
pavé. La nef est divisée en travées par des arcs doubleaux chanfreinés, 
retombant sur des pilastres. Au fond de l'abside, à une assez grande 
élévation, s'ouvre vers Test une étroite fenêtre. Les ouvertures qui 

Fi({. tfi. 




existent à droite et à gauche de l'édifice sont plutôt des meurtrières 
destinées à la défense que des fenêtres. La porte était munie à l'in- 
térieur d'une barre à coulisse lui assurant une fermeture solide et lui 
permettant de résister longtemps aux efforts qu'auraient dû faire les 
assaillants pour parvenir à l'enfoncer. 

Un escalier ménagé dans l'épaisseur du mur méridional de la tour, 
et fermé jadis par une petite porte également renforcée de barres j^i 



90 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

coulisses et de verrous, conduit k la grand'satie. qui forme t'étage 
supérieur de la tour'. Cest une vaste pièce mesurant 36 mètres de 
long sur une largeur de 16 mètres dans œuvre. Comme disposition 




générale on reconnaît ici. sur une plus petite échelle, le plan de la 
grand'salle de Tortose. 



' J'ai rdevë. sur les pierres qui com- marques de tâcherons que je crois devoir 
posent les murs de celle lour, plusieurs donner ici. 

M p M I S <) lOf 



DES CROISÉS EN SYRIE. 91 

Au milieu, trois piliers supportent la voûte; ils sont rectangulaires 
et cantonnés sur chaque face d'un pilastre correspondant à ceux qui , 
le long des murs, reçoivent la retombée des arcs doubleaux sur lesquels 
s'appuient des voûtes à arêtes vives. Une élégante moulure orne le 
sommet de ces pilastres, et dans l'axe de chaque travée s'ouvre une 
archère. 

Ici, comme à Tortose et dans les autres forteresses des chevaliers 
du Temple, les meurtrières se ressentent de l'influence orientale : elles 
n'ont presque pas de plongée et se rapprochent beaucoup de la meur- 
trière byzantine. 

Au-dessus de la porte du rez-de-chaussée se voit un mâchicoulis 
s ouvrant dans les voûtes de la chapelle. 

Dans l'angle sud-ouest est placé l'escalier conduisant au sommet de 
la tour que couronne une plate-forme dont le parapet est percé alter- 
nativement de meurtrières et de créneaux. La tête des merlons porte 
encore les encastrements des volets destinés à abriter les défenseurs. 
De ce point, qui domine le pays environnant, on pouvait aisément 
échanger des signaux avec les châteaux du Krak et d'Areymeh ou avec 
les tours de Toklé, de Zara, d'Aïn-el-Arab, etc. etc. 

Néanmoins, à en juger par les aménagements intérieurs de ce don- 
jon, il ne semble pas avoir été disposé de manière à soutenir un bien 
long siège; car, une fois retirés à l'étage supérieur, les assiégés se trou- 
vaient entièrement privés d'eau. Il ne parait pas non plus y avoir eu 
de four permettant de préparer les vivres que l'on pouvait avoir réunis 
dans ce réduit avec l'espoir de prolonger la résistance. 

La date que nous devons assigner à la fondation du château de 
Safita est un problème qui vient de lui-même se poser à la fin de cette 
étude. Malheureusement il nous est impossible d'en donner la solution, 
ne sachant rien de positif à ce sujet. Seulement nous lisons dans la 



19 . 



92 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

chronique d'Aboulféda qu'en 1167 Nour-ed-din se rendit maître de 
cette place en même temps que de celle d'Areymeh. Il la démantela; 
mais il y a lieu de penser qu'ici, excepté la chapelle, dont l'architec- 
ture semble devoir faire attribuer la construction au xii^ siècle, il ne 
reste que bien peu de chose de l'œuvre première. 

Les historiens musulmans et chrétiens nous apprennent qu'un ef- 
froyable tremblement de terre, survenu, d'après Abd-el-Latif, au mois 
de schaban 697, et, d'après Robert d'Auxerre, le 90 mai 1202, ren- 
versa les murailles de Jibel-Akkar et de Ghastel-Blanc, et endommagea 
la plupart des forteresses voisines appartenant aux Francs. Seuls les 
murs de Tortose n'eurent point à en souffrir. Ce serait donc aux pre- 
mières années du xni* siècle qu'il faudrait placer l'érection de ce qui 
subsiste encore du château. 

Suivant l'usage des ordres militaires, des châtelains gouvernaient la 
forteresse; mais il ne nous est parvenu que le nom d'un seul de ces 
dignitaires : c'est celui de Richard de Bures, devenu depuis grand 
maître du Temple et que nous trouvons en l'année 12 43, choisi avec 
frère Renaud de Clamcourt, châtelain de Tortose, afin de régler, de 
concert avec Hugues de Revel \ châtelain du Krak, représentant l'Hô- 
pital , un différend relatif à la délimitation respective de certaines pos- 
sessions des deux ordres. 

Nous savons par les historiens ai*abes que ce fut en 1271, avant 
d'entreprendre le siège du Krak, que le sultan Malek-ed-Daher-Bybars 
s'empara de Safita ainsi que des tours environnantes, et y fit sept cents 
prisonniers^. 



ï /v 



Cod. DipL t. I, n* 179, p. 3Q0. — * Cont. de Guillaumo de TyrJ. XXXIV, chap. xiv, 
p. 36o. 



chAteal-pèlerin. 



ï)iiriinl la derni^ro période des rroîsades, c'esl-à-dir»' poiidaiil !o 
xiir siècle, Acre étaTit devenue la cajiilale du royaume latin, le théâtre 
de la guerre eulre les Francs et les niiisiilniiins s'était Irouvé trans- 
porté en Galilée. 

La route qui reliait entre elles les diverses places niaritinies demeu- 
rées au pouvoir des croisés suivait le littoral, et entre Césarée et 
Caïpba Trancliissait une crête de rochers, par une longue coupure 
faite de main d'Iioninie. Ce passage danf'ereux, nommé le IMrnil 
par les chroniqueurs, tut souvent témoin d'attaques dirigées par les 
musulmans contre les voyageurs et les convois chrétiens, et, pour 
mettre un terme à cet état de choses, les Templiers bâtirent une tour 
en ce tien. 

iNon loin, un piuinonlniii^ HavançHiil dans la mer abritait un petit 
jiort naturel ni'i l'on Iroiive de nos jours t'iicore une assez grande pro- 
l'ondeur d'eau. 

Ce fut là qu'en i3i8 les chevaliei's du Temple élevèrent une des 
forteresses les plus considérables possédt^es par cet ordre; ils la nom- 
mèrent Chilteau-Pèlerin, et on en voit encore des ruines importantes. 
Par sa position, elle pouvait être tout à la fois un point de débarque- 



9U MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

ment et servir de base d'opérations contre un ennemi maître des mon- 
tagnes de la Galilée. 

De tous l'es châteaux dont nous nous sommes occupé dans le cours 
de cet ouvrage, il nen est aucun dont les historiens contemporains 
nous aient laissé une description aussi exacte et qui nous permette 
aujourd'hui de rétablir d'une manière certaine les parties qui ont 
malheureusement disparu à une époque récente. 

Le passage suivant, extrait de Jacques de Vitry, contient l'histoire de 
la fondation de cette forteresse, dont les ruines, qui frappent actuel- 
lement d'étonnement et d'admiration, peuvent à justre titre passer 
pour l'un des plus beaux restes de l'époque des croisades, dont il sub- 
siste tant et de si profondes traces en Orient. 

ffLes Templiers, aidés de Gauthier d'Avesnes, de quelques autres 
rr pèlerins et des Hospitaliers de l'ordre Teutonique, entreprirent alors 
ffde fortifier le château des Pèlerins, anciennement appelé le Détroit, 
cr situé dans le diocèse de Césarée , sur un promontoire vaste et large 
cr qui domine au-dessus de la mer, entouré de rochers qui lui font une 
T fortification naturelle : telle est la position de ce lieu du côté du nord, 
^ de l'occident et du midi. A l'est est une tour bâtie antérieurement 
?r par les Templiers et qu'ils ont possédée en temps de guerre comme 
T en temps de paix. Cette tour fut construite autrefois pour résister aux 
rr brigands qui s'établissaient dans ce passage étroit pour tendre des 
(T embûches aux pèlerins qui montaient à Jérusalem ou qui en descen- 
rr daient. Cette tour, bâtie à une grande distance de la mer, est appelée 
rr le Détroit à cause de l'étroite dimension de la route. A peu près pen- 
T dant tout le temps qui fut employé pour construire et terminer en- 
Ttièrement le fort de Césarée, les Templiers s'occupèrent à creuser la 
tr terre auprès de cette tour en face du promontoire ; ils y travaillèrent 
trsept semaines de suite et arrivèrent enfin aux premières fondations, 



1 



DES CROISÉS EN SYRIE. 95 

((OÙ ils découvrirent une muraille antique, longue et épaisse, ils y 
tr trouvèrent de Targent en une monnaie inconnue aux modernes, et 
crcet argent tourna au profit des chevaliers, enfants de Dieu le Père, 
rret servit à les indemniser de leurs dépenses et de leurs fatigues. 
tr Ensuite, creusant en avant et levant le sable, ils trouvèrent une autre 
(T muraille moins longue, et dans Tespace qui séparait les deux mu- 
er railles ils virent jaillir en abondance des sources d'eau douce. Le 
cr Seigneur leur fournit par ces travaux une grande quantité de pierre 
cr et de ciment. On construisit en avant de la façade du château des 
ff Pèlerins deux tours en pierres carrées, bien polies et d'une telle 
(T dimension que deux bœufs pouvaient à peine en traîner une seule 
cr dans un char. Chacune de ces tours a cent pieds de long et soixante- 
cr quatorze pieds de large. Dans leur épaisseur elles contiennent deux 
«étages de salles voûtées; en hauteur, elles s'élèvent et dépassent le 
cr niveau du promontoire. Entre les deux tours on a construit une haute 
cr muraille garnie de remparts, et, par une habileté admirable, il y a 
rr en dedans de la muraille des escaliers par où les chevaliers peuvent 
cr monter tout armés. A peu de distance des tours, une autre muraille 
ff s'étend d'un côté de la mer à l'autre et renferme dans son intérieur 
cr un puits d'eau vive. Le promontoire est enveloppé des deux côtés par 
crune muraille nouvellement construite qui s'élève jusqu'à la hauteur 
crdes rochers. Entre la muraille du côté du midi et la mer sont des 
cr puits ayant de l'eau douce en abondance et qui en fournissent au 
rr château. Dans l'enceinte de ce même château on trouve un oratoire, 
crun palais et un grand nombre de maisons.^ 

Mais il est temps de décrire les ruines encore debout de cette grande 
place de guerre. 

A l'est, une enceinte A (fig. 28) s'étendait en avant du château et 
couvrait environ la moitié du port. Les restes de cette première mu- 



96 MONUMENTS DE L'ARCHITËCTURB MU.tTAIRK 

raille sont malheureusement très-endommagés; cependant j'ai pu y 
reconiiattre encore, il y a quelques antii^es, les traces d'une porte et 
de plusieurs saillants. 

Fig. «B. 




L'espace qu'elle circonscrit est une grève de sable au milieu de 
laquelle alileurent de toutes parts des vestiges de constructions. Au 



DES CROISÉS EN SYRIE. 97 

sommet du monticule B, qui se trouve à l'angle sud-est de cette basse- 
cour, sont les débris d'une tour carrée analogue à celle de Toklé, et 
au pied du tertre une source d'eau douce est sans doute l'une des 
sources signalées par le texte de Jacques de Vitry. 

Lorsqu'on visite les ruines, le voyageur qui a traversé cette baille 
rencontre en A (pi. X) un glacis en maçonnerie encore presque intact 
à son extrémité sud et précédant un large fossé aujourd'hui en grande 
partie comblé par le sable. Au fond se voient, vers le sud, deux sources 
d'eau douce que, comme la précédente, nous reconnaissons avoir été 
indiquées par le chroniqueur. En arrière de ce fossé B s'élève, dans toute 
la largeur de l'isthme, un mur G flanqué de trois saillants carrés, et c'est 
à l'extrémité sud de ce premier retranchement que dans un angle 
rentrant s'ouvre, tournée vers la mer, la porte du château. Ce rem- 
part, construit en grandes pierres taillées à bossages, comme la forte- 
resse de Tortose, est la ligne de défense mentionnée par le passage 
suivant de Jacques de Vitry : crlterum murus paulo distans a turribus, 
(T extenditur ab uno latere maris ad aliud. -n 

C'est en arrière que se voient les restes des deux grandes tours. 
Elles étaient barlongues, reliées par une courtine et bâties en si gros 
blocs qu'un char attelé d'une paire de bœufs, dit l'historien, pouvait 
difficilement en transporter un seul. La tour du sud a entièrement 
disparu, et c'est à peine si ses fondements sont reconnaissables , car 
ils sont maintenant couverts de cabanes qui forment le village moderne 
d'Athlit. Les traces de la courtine se retrouvent , et elle a même con- 
servé son revêtement presque entier dans la partie contiguë à la tour 
du nord, dont une face encore debout donne une grande idée de l'efiet 
imposant que devait présenter cette construction lorsqu'elle était in- 
tacte. Jacques de Vitry n'a donc rien exagéré en parlant de la beauté 
des matériaux. Dans aucun des édifices élevés par les croisés durant 

i3 



98 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

le temps qu'ils furent maîtres de la Palestine, je n*ai rien vu, si ce 
nest à Tortose, qui puisse être comparé à ces magnifiques pierres aux 
proportions colossales, taillées à bossages avec des joints d'une régu- 
larité parfaite, cimentés avec de la chaux faite de coquilles. Jacques 
de Vitry nous dit que ces tours avaient deux étages de salles voûtées. 
L'intérieur de celle qui subsiste encore parait avoir été occupé par une 
grand'salle, si nous en jugeons par les formerets encore adhérents 
aux murs et qui dessinent quatre arcs brisés dont les nervures repo- 
saient sur des consoles gothiques aujourd'hui mutilées; deux repré- 
sentent des têtes d'hommes et celle du milieu le triple chapiteau, k 
crochets, d'un faisceau de colonnettes. La base de cette tour était occu- 
pée par de vastes caves, qui durent être des magasins (pi. XI). 

Les rochers du promontoire paraissent avoir complètement disparu 
sous un revêtement d'ouvrages de défense, et c'est sans doute ce que 
signifie le passage cité plus haut, crie promontoire est enveloppé des 
ff deux côtés par une muraille nouvellement construite qui s'élève jus- 
rrqu'à la hauteur des rochers. <n Au nord cette muraille, qui est assez 
bien conservée, présente deux saillants carrés; mais vers le sud il ne 
subsiste plus que les arasements des remparts. Cependant on voit 
encore en C un grand souterrain de 1 8 mètres de large : ce fut selon 
toute apparence un magasin d'approvisionnements, car il n'y a pas 
lieu de penser qu'il ait pu servir d'écurie, attendu qu'il semble n'avoir 
jamais été que faiblement éclairé. Les voûtes sont en arcs surbaissés. 
On voit aussi de ce côté, en D, les restes d'une tourelle ronde. Près 
de là s'élevait l'église hexagonale décrite par Pocock et dont les débris 
gisent de toutes parts, projetés par l'explosion; toutefois ils suffisent 
pour démontrer que celte chapelle dut être l'un des beaux spécimens 
de l'architecture gothique en Orient. 

Combien ne devons-nous pas regretter que cet édifice, encore intact 



DES CROISÉS EN SYRIE. 9<J 

il y a moins de trente ans, ait été détruit sans qu'on en ait même fait 
une étude! Nous aurions trouvé là, sur le sol oi^ elles prirent nais- 
sance , une de ces chapelles semblables à celles qu'élevèrent alors en 
Occident les Templiers, ayant pour prototype la rotonde du Templum 
Dmiiivi, et t|iii, dans piusieurs villes île Piancc (elles tjiie l,ai)n i-l 
Metz, sont parvenues ju8([ii'à nus jours dans un élat pariait de touscr- 
vatiou. 

A l'ouest on voit encore , à fleur d'eau , les enroclieinenls de travaux 
fuarilimes formant un petit port dans lequel pouvaient mouiller les 
tiels qui venaient ravitailler la place. A droite et à gauclie sont des 
uiagasins maintenant en grande partie ruinés. 

Uuaut au palais et aux auti'e» monuments menticmués dans le texte 
de Jacques de \itry, il n'en reste plus vestige, et les gourbis des Arabes 
habitants de ces ruines en couvrent rem[ilac('ment. 

En I ti 1 9. ie sultan Malek-Moliadam, qui venait de détruire le châ- 
teau de Césarée, abandonné par les chrétiens, assiégea en vain le 
ChAteau-Pèlerin , construit depuis moins d'un an. Les historiens arabes 
l'appellenl aussi Aleleyet. origine probable de son nom d'Alhlit. 

En 1399, l'enqjereur Frédéricll, jugeant qu'il lui conviendrait pour 
en l'aire une de ses places d'armes en Terre Sainte, lenla de s'en em- 
parer pai- surprise. Y étant entré, il signifia donc aux Templiers d'avoir 
i\ le lui lemettre sans plus larder; mais ceux-ci, foin de se laisser inti- 
mider par i'airogance de cette injonction, coururent aux armes et 
l'ermèreiit les portes de leur forteresse sur l'empereur, auquel ils dé- 
clarèrent que, s'il ne se désistait sur-Ie-cliamp de ses prétentions, ils ie 
garderaient prisonnier. Frédéric, pour recouvrer sa lilierlé. tut con- 
traint de céder et se retira plein de fureur contre les Templiers. 

' Albert Lenoir, Arehileclure vwntutique , Dielioruuùre d'arekileebire , t. IX, p. t6 et 
t. I. p. 389 et suiï., et Viollel-le-Duc, suiv. 



100 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

Athlit et son territoire, composé de seize cantons, furent compris 
dans la trêve conclue en l'année 1288 entre le grand maître du Temple 
et celui de l'Hôpital d'une part, et de l'autre le sultan Malek-Mansour 
et son fils Malek-Saleh-Ali. 

Bientôt cette place devait tomber entre les mains des musulmans, 
et Makrizi nous apprend qu'elle fut prise par Malek-Aschraf-Salah-ed- 
din-Khahil le 1*' jour du mois de schaban de l'année 46 1 de l'hégire. 

La prise du Château-Pèlerin abattit les dernières espérances des 
chrétiens, pour qui la Syrie fut définitivement perdue dans le cours 
de cette même année 1291. 

Dès que les musulmans possédèrent cette forteresse, ils s'empres- 
sèrent de la démanteler. Nous savons par les Assises de Jérusalem qu'il 
y avait au Château-Pèlerin cours de bourgeoisie et justice. 

Athlit paraît être demeuré dans un état de conservation assez com- 
plet jusqu'à notre époque, et ce fut seulement au moment de l'occu- 
pation de la Syrie par les troupes égyptiennes qu'Ibrahim-Pacha, vers 
i838, fit miner cet édifice afin d'en tirer des matériaux pour la cons- 
truction des ouvrages de défense qu'il faisait alors élever autour de 
Saint-Jean-d'Acre. Depuis ce temps Athlit n'a cessé d'être exploité 
comme une véritable carrière par les habitants des villages voisins, 
qui vont en vendre les pierres à Jaffa, à Acre et même jusqu'à 
Beyrouth. 



, « m 



TOURS-POSTES ISOLÉES. 



Eh Fi'iiiire, les cols des iiionlagries, les passajjes des rivières cl cer- 
tains iKiiriU slralégifjues d'une impm-laiice secondaire ptaieril souvent 




u u 



{{ard^'s par den lours isolées et à la défense desquelles pouvait snliir 
une garnîsoD peu nombreuse. 



102 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Les diverses places de guerre possédées au moyen âge par les chré- 
tiens dans le nord de la Syrie étaient reliées entre elles par de petits 
postes ou tours élevées d'après un plan uniforme; un grand nombre 
subsiste encore aujourd'hui, savoir : Bordj-ez-Zara , Bordj-Maksour, 
Aïn-el-Arab, Toklé, etc. etc. 

C'est cette dernière que j'ai choisie comme type d'étude. Ces toure, 
qui représentent en petit toutes les dispositions d'un donjon, sont 
invariablement carrées et se composent de deux étages voûtés, subdi- 
visés eux-mêmes par des planchers, système dont j'avais déjà observé 
l'emploi dans les casernements du château des Cerines, dans l'île de 
Chypre, et qui se comprend facilement par la coupe. On pénètre 
dans la salle basse par une porte à linteau avec arc de décharge. Au 
centre de cette salle est creusée une citerne. Pour aller chercher la 
porte qui donne dans les escaliers droits montant aux étages supé- 
rieurs, il fallait atteindre le niveau du plancher au moyen d'une 
échelle; une voûte en- berceau forme le premier étage et une voûte 
d'arête sans arêtiers supporte la plate-forme supérieure; un second 
plancher divisait ce second étage en deux pour réserver sous la plate- 
forme un magasin à provisions. Un mâchicoulis commande la porte, 
le rez-de-chaussée pouvant au besoin servir d'écurie pour quelques 
chevaux. 

Sur les pierres formant les murs de cet édifice, j'ai relevé les 
marques suivantes laissées par les tâcherons : 



M _r N/ ^ 



Il est encore un autre type analogue de postes secondaires remon- 
tant à l'époque des croisades. Je vais en donner un exemple en décri- 
vant la tour de Kermel , qui s'élève au milieu des ruines de la ville de 



DES CROISÉS EN SYRIE. 



103 



Ghermula, où étaient cantonnés au temps de la domination romaine 
les cavaliers scutaires d'Illyrie^ 

C'est également une tour carrée construite par étages en retraite. 
Elle est entourée d'une chemise avec talus en maçonnerie. Cette pre- 
mière défense parait avoir été jadis garnie d'un parapet crénelé, au- 



Fig. 3o. 



r 



i 




^\S 



jourd'hui dérasé. La tour forme le réduit de cet ouvrage; la porte 
s'ouvre un peu au-dessus du sol, et on y accède par un escalier de 
quelques marches. 

Une citerne encore intacte existe dans la base de'ia tour, qui paraît 
n'avoir eu qu'un étage consistant en une grande salie percée de six 



* Notitia digniiatutn imperii (frienlafin , p. 91 et 93. 



104 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

meurtrières; elle était voûtée en berceau, et dans l'épaisseur de la 
muraille nord on avait ménagé Tescalier conduisant à la plate-forme 
qui couronnait autrefois l'édifice. 

A quelques pas se voient les arasements d'un vaste bâtiment carré, 
flanqué de quatre tourelles rondes, et qui parait avoir été une espèce de 
caravansérail dépendant selon toute apparence du poste dont l'étude 
nous occupe en ce moment. 

Kermel formait avec Zouïera et Es-Semoa l'extrémité orientale des 
postes couvrant vers l'Egypte la frontière du royaume latin. 

Un grand réservoir, datant d'une époque fort ancienne et qui est 
parvenu intact jusqu'à nos jours, conserve durant la saison des pluies 
l'eau qui coule des collines voisines. En l'année 1 179, toute la cava- 
lerie de l'armée du roi Amalric campa sur ses bords durant plusieurs 
semaines ^ 

* Giiill. de Tyr, \. XX, ch. xxx. 



SAONE. 



{KALAAT-SAHIOU^.) 



Nous trouvons dans la forteresse des sires de Saoue uu des jilus an- 
ciens s|iéciniens de la lortification l'ranque en Svrie. Ce cliâteau et 




celui de Karak n'ayant jamais appartenu à aucun des grands ordres 
militaires, peuvent donc, à juste titre, être considérés comme les deux 



106 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

types les plus importants de forteresses féodales élevées en Orient par 
les croisés. 

Si, comme tout nous y engage, nous formons un troisième groupe 
de ces châteaux, les uns remontant à une date un peu antérieure, les 
autres contemporains des forteresses que nous avons déjà étudiées, nous 
devrons reconnaître, dès l'abord, la large part qu'il nous faudra attri- 
buer ici à l'art byzantin , ce qui nous amènera à les rattacher comme prin- 
cipes généraux à l'école qui produisit Tortose et Athlit, en tenant compte 
toutefois des emprunts faits aux divers autres systèmes de fortifications. 

Sahioun fut au temps des croisades un des fiefs les plus importants 
de la principauté d'Antioche. La famille de Saône, qui le possédait, a 
fourni un chapitre aux Lignages d'outre-mer et nous voyons paraître 
les noms de plusieurs de ses membres dans les chartes du xn' siècle' : 
ce sont, d'abord celui de Guillaume, dont la veuve Béatrix épousa Jos- 
selin II, comte d'Edesse; puis ceux de Garenton^, de Roger, de Josselin^ 
et de Mathieu de Saône, que nous voyons souscrire plusieurs actes 
des princes d'Antioche. 

Mais avant d'aller plus loin il faut esquisser sommairement l'assiette 
du château dont je vais tenter l'étude. 

Cette forteresse est construite sur l'un des contre-forts du Djebel- 
Darious et couronna une crête que deux ravins resserrent et isolent 
presque en se réunissant. 

Vers l'est, en A, se voyait une bourgade entourée de murailles, mais 
qui ne présente plus qu'un monceau de ruines. Un large fossé la sé- 
parait du château proprement dit, bâli sur le point culminant de la 
colline, dont l'extrémité occidentale est occupée par une enceinte in- 
férieure B, qui parait avoir formé la baille ou basse-cour dans laquelle 

' Familles d'outre-mer, p. Sgi. p. fji, 177. — ' Cod, DipL t. I, n** ^9, 

' Cartui du Saint-Sépulcre , n" 88, 89, p. 5o. 



DES CROISÉS E« SÏBIE. 107 

s'élevaient les dépendances du château. Le fossé dont je viens de par- 
ler, taillé dans le roc vif, est un des ouvrages les plus remarquables 
de ce genre, laissés en Syrie par les croisés. La pile du pont qui fai- 

Fig. 3>. 




sait comiiHmiqiifr 1h ville iwt'c le rliillcaii v\aû mrnagée H.ins la 
niasse et apparaît atijourd'hiii aux regards du voyageur étonné comme 
un gifjaiilesqiu* oliélis(pie (fig. .'131. 

^ti fond du foss/'. dont la largeiic est de i 5 à i 8 mètres, une rangée 
de raangeoii-es taillées dans le rue. ainsi que tes traces de toitures 



lOft MONLMKNTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

apnu%V-es à la paroi du rorlit?r, nous apprennent que les chevaux y 

('(aient logés en temps de paix. 

Lne partie de l'enceinte, plusieurs tours, un énorme donjon carré, 
des magasins et de vastes citernes, voilà oe qui subsiste encore de 
l'orrupation chrétienne à Saône (pi. XII). 




Le donjcm, les courtines el les tours sont construits avoc des blocs 
d'assez grand appareil taillés à bossages. Nous trouvons ici des tourelles 
rondes et des tours carrées employées simultanément (fig. 3i). Les 
premières, d'un faible diamètre, massives depuis la base el n'ayant 
qu'un étage de défenses au niveau du chemin de ronde, sont iden- 
tiques à celles qui furent élevées en France du xi" au xu* siècle. Les 
secondes sont beaucoup plus considérables; leur largeur varie el elles 
mesurent de i5 à 20 mètres de côté; chacune d'elles possède un 
étage composé d'une vaste salle dont la voûte est à arêtes vives, pou- 



DES CROISÉS EN SYRIE. 109 

vant tout à la fois concourir à la défense du château et servir de loge- 
ment à ]a garnison. C'est dans l'épaisseur des murailles tournées vers 
l'iatérieur de la place qu'ont été ménagés les escaliers conduisant aux 
plates-formes qui couronnent ces ouvrages. 

Il faut signaler ici une particularité que je n'ai observée en Syrie 
nulle part ailleurs qu'à Saône : c'est le peu de saillie des tours sur les 
courtines, avec lesquelles elles n'ont aucune communication directe, 
ce qui fait qu'en cas de surprise elles pouvaient devenir autant de 

Fig. 3A. 








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S»irit 


B@ 



forts isolés que l'assaillant se serait vu contraint d'assiéger successi- 
vement. Nous ne trouvons en France les premiers exemples de l'a- 
doption de ce système que vers le milieu du xiii' siècle. 

Les chemins de ronde qui terminent les remparts ont environ le 
tiers de leur largeur pris en encorbellement suivant l'usage byzantin. 
Au sommet descréneaux se voient encore les traces d'encastrement des 
volets, destinés à protéger les défenseurs, mais les merlons ne sont 
point ici percés de meurtrières. 

La coupe de la tour A fera mieux comprendre ces divers détails ; à 



110 MONUMENTS DE L'ARCHITECTUflE MILITAIRE 

sa base est l'une des trois portes donnant accès dans le château. Elles 
étaient munies de herses et de mâchicoulis, et leur mode de clôture 
présente une grande analogie avec les entrées de la ville et de la for- 
teresse de Tortose. Les tours ont à leur base un lalus qui, comme le 
reste de l'édidce, est lui-même composé de blocs taillés à bossages. 

Quant au donjon, c'est une tour carrée, mesurant 36 mètres de 
câté; il ne diiïère des autres que par ses proportions considérables et 
se compose à chaque étage d'une vaste salle. Le rez-de-chaussée, dans 
lequel on pénètre par une poterne à linteau carré avec arc de dé- 




charge et que iermaient jadis une herse et un vantail, parait avoir 
servi de magasin ; il ne recevait de jour que par deux archères percées 
à Test sur le fossé (.pi. Xli). 

Les quatre travées formant la voûte de cette salle retombent au 
centre sur un pilier carré, réservé en majeure partie dans la masse 
du rocher. 

Dans cette pièce se trouvent encore des boulets de pierre assez gros- 
sièrement arrondis qui semblent avoir été des projectiles de balistes. 

Un escalier s'ouvrant dans l'épaisseur du mur mtrd conduit à l'étage 
supérieur, consistant en une salle de tous points semblable à celle que 



DES CROISÉS EN SYRIE. 111 

je viens de décrire, à cela près que ses murs sont percés de plusieurs 
archères et que l'élévation de la voàte est moindre qu'au rei-de- 
chaussée. 

Sous la banquette qui règne le long du parapet crénelé de la plate- 
forme, deux grandes meurtrières se voient sur chaque face de ce don- 
jon; seulement ici les niches, au lieu d'être ogivales, sont voûtées en 
;irr de ccirle Irès-siirluiissi? : c'esl. le seul cxcriiiilt' iiihirl de coite dis- 
position que j'aie constali'^ dans les divers inniuiriiriils tnilitaîrea laissés 
par les Francs en Syrie. 

Sous tout cet ensemble de ronstructioii s'étendent lie vastes ma- 
gasins, et dans la cour vers le noid.en B.deux grandes citernes taillées 
dans le roc et voûtées en ogive avec regards de distance en distance 
iluiinanl de l'air et de la lumière. 

A la naissance des voùte.s règne une série de corbeaux qui paraissent 
avoir eu poui' objet de permettre rétablissement d'un plancher destiné 
à faciliter les réparations dont ces réservoirs auraient pu avoir besoin. 

Un escalier descend jusqu'au fond de ces citernes, si bien conser- 
vées que, lorsque je les visitai à la lin de l'été i86^i, elle» contenaient 
dans toute leur étendue plus d'un mètre d'eau. 

Au centi'c du plaleau, en C, existaiciil d'autres édifices inii malheu- 
reusement ont disparu pour faire place à une pelile ville arabe élevée 
dans ces murs, après la prise de la forteresse par Salah-ed-din. Une 
mosquée avec un minaret carré, e1 une salle de bains nous montrant 
les traces d'une belle ornementation sarrasîne, sont encore debout au 
milieu des décombres, qui les entourent de toutes |)arts. 

Quelques pans de nmrs semblent remonter h une époque aulé- 
rienrc à la domination franqne et pourraient liîett avoir lait partie 
d'un petit fort byzantin. 

A l'ouest on trouve les vestiges d'un fos.-^é analogue à celui (jui' j'ai 



112 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

décrit au commencement de cette étude, mais il a été presque entiè- 
rement comblé. L'escarpe, encore visible, porte les fondations d'une 
grande muraille et d'une tour. 

Gomme je l'ai dit plus haut, la pointe occidentale de la montagne 
était occupée par une enceinte inférieure terminée en losange, et de- 
vait renfermer les dépendances du château. On y voit encore, au mi- 
lieu de maisons ruinées, les restes d'une petite chapelle. Les murailles, 
reconstruites en grande partie à des époques différentes, ne conservent 
plus que quelques fragments du temps des croisades; mais la tour 
(fig. Sa) dans laquelle s'ouvre la porte de cette avancée, indubitable- 
ment contemporaine des croisades, est demeurée intacte, et dans la 
voûte se voient encore les scellements des ferrures, des contre-poids, 
de la herse qui la fermait jadis. 

C'est dans cette enceinte qu'à une époque relativement peu éloi- 
gnée de nous s'éleva un village. Sa position et les murailles dont il 
était environné en faisaient pour les Ansariés une place qu'ils considé- 
raient comme imprenable. Ils essayèrent d'y résister aux troupes égyp- 
tiennes et, comme à Karak, les bombes vinrent anéantir dans la forte- 
resse de Saône maints restes d'un grand intérêt qu'avait jusqu'alors 
épargnés la faux du temps. 

Le passage suivant de Ibn-el-Atyr, relatif à la prise de Saône par 
Salah-ed-din, me parait devoir trouver ici sa place* : 

rr Salah-ed-din partit de Laodicée le 27 de djoumadi premier (1 187) 
cr et gagna la citadelle de Saône. Elle était sur le prolongement d'une 
cr montagne et entourée d'une vallée profonde et si étroite en certains 
rr endroits, que les pierres lancées par les machines de l'autre côté de 
ff la vallée pouvaient atteindre la forteresse, qui était adossée du côté 

^ Extrait des Historiens arahes, publies par M. de Slane. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 113 

fr du nord à la montagne. On avait creusé un fossé dont on ne pouvait 
fT apercevoir le fond et l'on avait pratiqué cinq enceintes. Salah-ed-din 
fr approcha par ce côté de la citadelle, dressa ses machines et fit battre 
ala place. Il ordonna à son fils Dhaher, son lieutenant à Alep, de 
ff prendre position au-dessus de la partie la plus étroite de la vallée et 
cr d'y dresser ses machines pour battre aussi la forteresse de ce côté. 
ffDhaher avait avec lui ses guerriers d'Alep, qui s'étaient rendus fa- 
ffmeux par leur bravoure; ils ne cessèrent de lancer des traits, des 
rr Sèches et de faire jouer tous les autres instruments de guerre. La 
rr plus grande partie de ceux qui étaient dans la forteresse en sortirent 
crpour montrer leur force et leur agilité. Les musulmans gravirent la 
tr montagne à travers les rochers et se portèrent sur un point de l'en- 
• ceinte que les Francs avaient négligé de garder; ils se rendirent 
fT maîtres de ce premier mur, puis ils attaquèrent successivement le se- 
(Tcondet le troisième mur et s'en emparèrent; ils trouvèrent des bœufs, 
rr des chevaux et des vivres qui tombèrent entre leui*s mains. 

crLes Francs durent, alors, se retirer dans le réduit du château 
rrdont les musulmans entreprirent aussitôt le siège. Bientôt le gou- 
ff verneur de la place demanda à se rendre, et Salah-ed-din exigea qu'il 
(rfût payé une rançon pour chaque homme de la garnison. -n 

Pour comprendre ce que l'historien arabe veut dire en parlant des 
cinq enceintes de ce château, il faut, je crois, tenir compte de l'exa- 
gération des Orientaux, qui pour exalter leur victoire semblent avoir 
considéré chaque ouvrage comme autant de lignes de défense. 

Après sa prise par les musulmans, Saône devint la capitale d'une 
petite principauté arabe composée de Famieh, Kafartab, Antioche,Ba- 
latnous et Lattakieh. 



1 :i 



CHATEAU DE GIBLET. 



La féodalité se constitua, dans les colonies chrétiennes de Syrie, 
aussitôt après la conquête, et les deux types les plus purs de ce sys- 
tème de gouvernement que nous offre Thistoire sont les royaumes de 
Jérusalem et de Chypre. J'ai dit plus haut qu en étudiant les traces 
laissées en Orient par la domination franque, on est étonné d'y trou- 
ver une organisation politique conçue avec autant de force que d'habi- 
leté. Elle s'établit au miheu d'une population composée d'Européens 
et d'Orientaux de toutes races et parvint à fonder im Etat qui ne fut 
pas sans gloire. 

Nous devons donc recoimaître que la noblesse franque établie en 
Syrie était généralement beaucoup plus lettrée, plus sage et plus pré- 
voyante que l'on n'est disposée le croire. Nous verrons les de Navarre, 
les d'ibelin, les Vicomte, les de Brie, tout à la fois poëtes et légistes, 
orateurs et gens de guerre, discutant les points les plus abstraits du 
droit féodal pour charmer les loisirs d'un long blocus; et ces mêmes 
hommes, qui nous ont laissé dans le livre des Assises de Jérusalem le 
plus beau monument de ta législation féodale du moyen âge appro- 
priée par eux aux périls d'un état de guerre permanent, durent appor- 
ter le plus grand soin à perfectionner les défenses des forteresses qu'ils 
élevèrent alors dans leurs possessions pour dominer les villes et tenir 
en respect les indigènes. 



K) 



116 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Giblet en est un des premiers exemples. Cette ville fui enlevée aux 
musulmans, en Tannée 1109, par Hugues de Lambriac, à la tête 
d'une flotte génoise. Déjà le père de ce seigneur avait pris part au 
siège de Jérusalem, et l'historien Guillaume de Tyr^ vante sa grande 
expérience dans tous les travaux d'art militaire. 

C'est de lui que la maison de Giblet tira son origine ^. Elle devint 
très-considérable et se trouva mêlée, durant plus de trois siècles, à 
tous les événements importants qui s'accomplirent alors eu Syrie, puis 
à Chypre, où elle se retira par la suite. 

Giblet se rapproche beaucoup du type des châteaux élevés en 
France par la noblesse féodale durant le cours du xn*^ siècle, mais son 
assiette a été choisie dans, des conditions toutes difl'érentes de celles 
des forteresses qui ont fait jusqu'à présent l'objet de cette étude. On 
sent que celle-ci a été bâtie pour dominer la ville dont elle fait partie 
et en former le réduit. Elevée au point le plus vulnérable de la place, 
elle commande tout le plateau formant le sommet de la colline au pied 
de laquelle se trouve la ville (pi. XXI). 

Ce château consiste en une enceinte rectangulaire mesurant 
5o mètres de long sur une largeur de 45, et est entouré d'un fossé 
profond taillé dans le roc. Au centre s'élève une grosse tour bar- 
longue dominant au loin la campagne environnante : c'est le donjon. 
Tout cet ensemble de défenses est construit en bonne maçonnerie re- 
vêtue de gros blocs taillés à bossages avec joints ciselés. On avait dès 
lors reconnu en Terre Sainte combien il était difficile d'entamer les 
assises de pierres ainsi parementées, soit au moyen de la sape, soit à 
l'aide d'engins propres à battre les murailles. 

En ii4o, on construisait sur un plan semblable le château de la 

' Guillaume de Tyr, I. VIII. — * Familles d'outre-mer, p. 3i6 et suiv. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 117 

Blanche-Garde, que je décrirai dans le chapitre suivant. Je crois que 
nous devons le considérer, ainsi que Giblet, comme les deux plus an- 
ciens monuments militaires élevés en Syrie par les Francs et qui soient 
parvenus jusqu'à nous. 

A trois des angles de l'enceinte du château dont l'étude nous occupe 
en ce moment se trouvent de petites tours carrées. La moitié des faces 
sud et est et la quatrième tour, qui, de ce côté, était à l'angle de l'édi- 
fice, ont disparu, sans doute à Tépoque où la place fut démantelée par 
les musulmans. 

Nous devons supposer que dans cette partie du rempart existait une 
porte qui mettait la forteresse en communication directe avec les de- 
hors de la place et permettait à ses défenseurs, soit de faire des sor- 
ties, soit de recevoir des secours ou des renforts. Une muraille sans 
caractère et probablement moderne a été bâtie pour clore le château, 
qui, lorsque je le visitai, servait de caserne à un bataillon d'infanterie 
turque. La porte que l'on voit aujourd'hui paraît avoir été refaite à 
une époque relativement assez récente; elle s'ouvre au nord, du côté 

de la ville. 

Des salles crénelées se trouvaient dans les tours d'angles, mais les 

remaniements qu'on y a effectués lors de l'arrangement du château en 
caserne font que le visiteur a quelque peine à y retrouver les disposi- 
tions primitives. 

Suivant la méthode généralement adoptée dans la construction des 
châteaux élevés en France pendant le xi* siècle, le donjon est une 
tour édifiée sur un plan barlong mesurant s 5 mètres dans un sens sur 
18 dans Tautre. Les murs ont 3°',6o d'épaisseur, et, comme pour les 
autres parties du château , le revêtement se compose de très-gros blocs 
taillés à bossages. Les quatre angles de cette tour présentent à leur 
base une particularité fort curieuse : les deux assises inférieures de 



118 UO^UME^TS DE L'ARCHITECTUBE MILITA[RË 

nhaciin d'eux sont formées de blocs énormes provenant à coup sûr de 
quelque édi6ce antique. Leur longueur est d'environ 5 mètres sur 
une épaisseur moyenne de i"',5o et une largeur de a mètres. Ces 
pierres me paraissent avoir été destinées à fortifier contre la sape les 

hg 36 




angles morts de la tour qui n'étaient susceptibles que de peu de dé- 
fense et auxquels le mineur devait chercher à s'attacher. 

La porte du donjon s'ouvre à l'ouest; elle est basse et à linteau 
carré avec arc de décharge. Une herse et un vantail ferré, renforcé de 
barres à coulisseset de verrous, assuraient la clôture de cette issue, qui 
était en outre défendue par un mâchicoulis servant en même temps au 
système des contre-poids de la herse. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 11*( 

Dès qu'on a franchi l'entrée, on trauve, à gauche, un escaher mé- 
nagé dans l'épaisseur des mure et qui conduit à l'étage supérieur, line 
vaste salle voûtée en berceau occupe tout te rez-de-chaussée du don- 
jon; au centre s'ouvre l'orifice d'une citerne. Un planrher dont on voit 
encore les traces divisait cette salle en deux. Selon toute apparence, 
le bas servait de magasin, et l'espace réservé au-dessus du plancher, 
où l'on parvenait au moyen d'une échelle, pouvait Hre le logis d'une 

Fig. 37. 




partie de la garnison. La pièce qui forme le premier étage a perdu lu 
moitié de sa voûte, qui était semblable à celle de la salle inférieure, et 
ses murs ont disparu en grande partie sur deux de ses faces. Cepen- 
dant on y reconnaît facilement les meurtrières percées vers les deimrs 
du chflteau. Éclairée par une baie carrée, une large arcade s'ouvre 
au-dessus de la porte de la tour : c'est là qu'était placé le treuil de la 
herse, dont les scellements se voient encoi-e dans le mur. Dans l'em- 
brasure de cette fenêtre se trouve l'escalier qui conduisait à la plate- 



120 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

forme; on accédait aussi par cet escalier à des latrines ménagées en 

encorbellement sur la face nord de la tour. 

Quant au couronnement, qui formait les défenses principales, 
lorsque je levai les plans de ce donjon en i SBg , il en restait juste as- 
sez pour qu'on pût juger que le parapet s'élevait beaucoup au-dessus 




du niveau de la plate-forme. H présentait deux étages de défenses; le 
bas était percé de meurtrières pour le jeu des machines, tandis (|u'au- 
dessus régnait une banquette prise sur l'épaisseur du mur et bordée 
(l'un parapet crénelé. 

Je viens de dire qu'au premier étage la moitié de la voûte, et une 
pai'tie (les murs est et sud tournés vers les dehors du château, man- 
quaient aujoiird'liui. (lelte portion de la tour parait avoir été démolie 



DES CROISÉS EN SYRIE. 121 

en 1 190 ^ par ordre de Salah-ed-din , qui redoutait alors l'arrivée des 
croisés allemands. 

Le passage suivant de Vilbrand d'Oldenbourg, qui visita Giblet 
en 1212, nous apprend que ce donjon était tellement solide que les 
ouvriers musulmans durent se borner à le mettre hors d'état de dé- 
fense^ : rr (Giblet.) Hec est civitas parva, habens turrim quandam am- 
rplam et munitissimam , unicuni sue defensionis solacium, in qua 
rrSarraceni, cum ipsam avellere laborarent, multos sudores sepius 
cr perdiderunt et expensas; qui tamen omnem (munitionem) ipsius 
^ civitatis destruxerunt. -n 

Si nous concluons, d'après ce texte, qu'au commencement du 
xui^ siècle la tour était déjà dans l'état où nous la voyons, nous ne 
saurions douter qu'elle n'ait été élevée par l'un des quatre premiers 
seigneurs de Giblet. 

Nous savons que Hugues III, dit le Boiteux, ayant été fait prison- 
nier par les musulmans à la bataille de Hattin, rendit à Salah-ed-din 
pour sa rançon la ville et le château de Giblet*. Par conséquent, en 
1 197, les seigneurs de Giblet se seraient bornés à relever à la hâte 
l'enceinte de la ville, dont l'importance militaire était alors presque 
nulle, sans s'occuper de la restauration du château. Ce qui me con- 
firme dans cette idée, c'est que, durant le xni^ siècle, il n'est fait au- 
cune mention de cette forteresse par les historiens des croisades. 

' Cont. de GuiH. de Tyr, I. XXV, ch. 11. Ed. Laurent, Leipsîck, 186/i. — ^ Familles 

* Peregrinatores medii œvi quatuor, p. 167. d^outre-mer^ les seigneurs de Giblet. 



16 



BLANCHE-GARDE. 



hf rli.^lfaii do lit Blaiiclie-Giirde s' ('levait eiitn.- Jérusalem t'I Asca- 
loii, au sommet d'uni' colline dominant ta [)talne qui »'élend lies nion- 
ta{;nes de la Palestine à la Médileri'anée. Le nom de cette i'ortercssc 
n'était que la traduction littérale de l'appellation arabe de la iiautenr 
qu'elle couronnait, et (jue les indigènes désignent encore aujtmrd'liui 
par les mots Tell~es-Saph\e-li , que les chroniqueurs des croisades tra- 
duisaient par Mimn Cltirus. 

lie cliâteau fut construit vers l'année iiio par le loi Fnuliiues, 
|iour concourir, avec la forteresse d'Ibeliri et la ville d'Ascalun. à bi 
défense de cette partie des possessions chrétiennes contre les agii's- 
sions des musulmans d'Egypte. Par la suite, il tut donné en lief à une 
brandie de la maison de Barut. qui prit le nom de la Blanche-Garde \ 

Le plan de ce château paraît avoir beaucoup ressemblé à celui de 
Giblet, si nous en jugeons par ce qui subsiste encore el par le passage 
suivant de l'historien Guillaume de Tyr^ : 

T Ubi edificant solidis fundamentis cl tapidibus «juadris op- 

tr pidum cuni turribus quatuor congruae altitudiiiis. -n 

Malheureusement il ne reste plus actuellement que les luiiies de 
deux tours rectangidaires tournées vers le sud et les londalioiis des 

• h\,>m(lv d'oulre-mer, p. -ilio. — ' Gulllourae de Tvr, I. XV, cli. t\%. 



124 MONUMENTS DE LARCHITECTIRE MILITAIRE 

courtinos qui entouraient Iv donjon. Un amas de décombres A occu- 
pant le centre du château et un fragment de muraille me paraissent 
indiquer aujourd'hui la place de cet ouvrage. Ce qui me confirme dans 




rt^tte idi''e, c'est que les Arabes du village moderue de Tell-os-Saphieli 
lurent unanimes à me l'épondre que les débris que j'avais sous les 
yifiiiL tHuit'iil les restes d'une grande tour détruite depuis bien des 



DES CROISÉS ENSYRIE. 125 

années et qui jadis s'élevait au milieu de cette enceinte. Le revêtement 
des murs était composé de pierres d'assez grand appareil taillées à 
bossages. 

Au sud se voient en B les arasements d'une partie des murs soit 
d'une basse-cour, soit d'un ouvrage avancé couvrant de ce côté les ap- 
proches du château. 

Cette forteresse tomba au pouvoir de Saladin à la suite de la ba- 
taille de Hattin, en 1 187. 

Aujourd'hui il ne subsiste plus du château d'Ibelin que des débris 
informes, perdus au milieu des maisons du village moderne d'Ebneh; 
cependant je serais tenté de croire, d'après le passage suivant de Guil- 
laume de Tyr^ : ce Premièrement gîtèrent les fondemens, après firent 
ff quatre tors,?) que cette forteresse, élevée dans la même, année que 
Blanche-Garde, dut elle-même être bâtie sur un plan à peu près sem- 
blable à celui des quatre châteaux dont j'ai parlé dans le cours de ce 
chapitre. 

Le même auteur, au XX* livre, xix* chapitre, décrit en ces termes 

le château du Darum , élevé par le roi Amaury : ce Fundaverat 

frautem dominus rex ibi caslrum modicae quantitatis, vix tan- 
ce tum spatium intra se continens quantum est jactum lapidis, formée 
frquadrœ, quatuor turres habens angulares, quarum una grossior et 
cr munitior erat aliis ; sed tamen absque vallo erat et sine antemurali. ?? 

11 y a donc lieu de conclure de ce passage, que le château, dont il 
est question et dont, malheureusement, il ne subsiste plus de traces, 
était également carré, flanqué de tours aux angles et muni d'un 
donjon. 

' Guillaunie de Tyr, I. XV, ch. xxv. 



BEAUFORT. 

(KALAAT-ESCH-SCHÉKIF.) 



Le voyageur (|iii stiil la route (I<> Ilashcya à Saïda traverH** une 
plaine vaste et terlile iiomniéi' par les Arabes Merdj-Aioun. s'éteiidaiil 
entre tes deux chaînes du Liban et de l'Ariti-Liban. 

Après une marche (le plusieui-s heures, il aperçoïl à iliorizon un 
vieux ciiâteau de l'aspect le plus pittoresque, qui sVIève au souuiicl 
d'une des premières croupes du Liban : c'est le Kalaat-escb-Schékif. 
nommé Beanfort par les Francs et Schékil'-Arnoun par les chronique»' 
arabes. Ce château faisait partie de la principauté de Sajette,et, cumme 
j'aurai lieu de le dire plus loin, son plan présente une grande analo- 
f[ie avec celui de la forteresse de Karak. relevée, pendant le voyage de 
M. le duc de Luyiies, sur la rive orientale de la mer Morte. 

L'assiette de Beaufort a été choisie au sommet d'une crête rocheuse 
bordée à l'est par un précipice à pic, de plus de 3oo mètres, au fond 
duquel coule le Nahar-el-Kasmyeh, le Lemles des anciens. A l'ouesl 
In montagne s'abaisse par une pente assez rapide, au niveau de la 
plaine o\\ s'élève le village moderne d'Arnoun. 

En avant du château au sud se voit un petit plateau qui semble avuir 
été nivelé de main d'homme : c'est sur cet emplacement que se trou- 
vait au moyen âge la bourgade de Beaufort^ à l'extrémité méridionale 
lie laquelle les Templiers bâtirent en 1960, quand ils acquirent cette 



1-28 MONUMEiNTS DE LARCHITECTURE MILITAIRE 

place, une redoute détruite huit ans plus tard par le sultan Malek-ed- 
Daher-Bybars, lorsqu'il se rendit maître de celte forteresse (pi. XIII). 

De ce point la vue embrasse un vaste horizon : vers Test ce sont les 
sommets neigeux de l'Hermon et les montagnes du Hauran; vers le 
nord la plaine de la Bequaa et les montagnes du Liban; au sud le Be- 
lad-Bscharah , que dominent au loin les ruines du Kalaat-Tebnïn, le 
Toron des historiens des croisades. 

Les ingénieurs qui élevèrent le château dont nous nous occupons 
en ce moment ont été obligés de se laisser guider ici par la configu- 
ration du terrain sur lequel il est béti. Sa forme serait à peu près celle 
d'un triangle allongé. Il se divise en deux parties: l'une inférieure, vers 
Test aux bords des escarpements du ravin du Kasmyeh; l'autre, plus 
élevée et formant réduit, est établie au sommet de la crête du rocher, 
qui a été dérasé pour la recevoir. C'est dans cette enceinte que se voient 
la grand'salle, les restes du donjon, etc. 

Cette forteresse est construite en pierres d'assez grand appareil tail- 
lées à bossages, et les escarpements du rocher que couronne la partie 
haute du château sont presque partout revêtus de talus en maçonnerie, lin 
profond fossé creusé dans le roc l'entoure au sud et à l'ouest. L'entrée 
de la forteresse s'ouvrait en A sur l'esplanade dont j'ai parlé plus haut. 
Cette porte donnait accès dans la basse-cour du château. Malheureu- 
sement il ne reste plus de l'époque française que les substru étions des 
tours et des murailles B que recouvrent aujourd'hui des masures 
arabes bâties au xvn* siècle par l'émir Fakar-ed-din , quand ce prince 
révolté contre le gouvernement de la Sublime Porte essaya de remettre 
Schékif en état de défense pour résister aux troupes envoyées contre 
lui par les pachas d'Acre et de Damas. A l'extrémité sud de cette basse- 
cour existe un petit ouvrage carré D qui au nord termine le château. 

Une rampe ménagée le long des escarpements du rocher, et par 



DES CROISÉS EN SÏR[E. 129 

conséquent sous le commandement de l'enceinte supérieure, amène 
à la porte D, que défend la tour E. Par cette entrée on pénètre dans 
une sorte de place d'armes F, en partie voûtée, munie d'un parapet 
crénelé et sur laquelle s'ouvraient les tours G et E, qui flanquent les 
angles est et ouest de la face méridionale du château. 

Un assaillant qui aurait réussi à forcer la porte D se serait donc 
trouvé dans ce passage comme au fond d'un fossé exposé de toutes parts 



Fig. âo 




auxcoupsdes défenseursde la place, pendant qu'il aurait tenté d'enfon- 
cer la porte H, par laquelle on pénètre dans la partie haute de la for- 
teresse. Dès que le visiteur a franchi cette entrée , il s'engage dans un 
long corridor voûté qui débouche au milieu du terre-plein du château. 
Des logis à plusieurs étages, sur les débris desquels s'élevèrent au 
temps de Fakar-ed-din des constructions arabes aujourd'hui écroulées, 
paraissent avoir existé en I et en J ; mais il n'en reste plus que d'énormes 
monceaux de décombres au milieu desquels il est impossible de re- 



130 MONUMENTS DE L^ARGHITEGTURE MILITAIRE 

trouver aucune des dispositions du plan primitif. C'est sous cet amas 
de ruines que passe la galerie voûtée faisant suite à la porte H et qui 
conduit au milieu de cette partie du château. 

Le donjon K est placé le long du front occidental de la forteresse 
et fait corps avec le rempart, mais il est dérasé jusqu'au niveau des 
courtines. C'était une tour barlongue; on y pénétrait par une poterne 
à linteau carré , et l'escalier ménagé dans l'épaisseur de la muraille se 
voit encore. En 1869, quand je visitai ces ruines, il ne restait plus en 
place que les premiers voussoirs des voûtes de la salle formant jadis 
le rez-de-chaussée de cette tour, qui, sur des proportions plus petites, 
paraît avoir dû présenter les mêmes dispositions intérieures que le don- 
jon de Giblet, dont elle doit être à peu près contemporaine. 

Sur le côté oriental de la cour s'élève en L un édifice aujourd'hui 
encombré d'immondices et servant d'étable aux troupeaux qui viennent 
paître dans les environs du château. C'est une salle voûtée, partagée 
en deux travées avec arcs-doubleaux et arcs-ogives chanfreinés. On 
pénètre dans ce bâtiment par un petit portail dont les archivoltes sont 
en tiers point et s'appuient sur des pieds-droits que couronnent des 
abaques ornés de feuilles sculptées (fig. 4o). Cette pièce était éclairée 
par trois baies carrées s'ouvrant dans l'axe des travées : deux à l'est 
vers la basse-cour et une à l'ouest sur lé terre-plein intérieur de la 
place. Ce vaisseau parait avoir été construit à la hâte, postérieurement 
au reste du château , avec des matériaux provenant d'édiGces plus an- 
ciens; car, parmi les pierres dont il se compose, les unes sont taillées 
avec soin, tandis que les autres sont seulement épannelées. 

Autant qu'on en peut juger par l'ornementation, on doit lui attri- 
buer comme date la seconde moitié du xui® siècle. Malgré le nom de 
Kenisseh (église) que lui donnaient les Motoualis qui m'accompagnaient 
quand je visitai Schékif, j'incline plutôt à y voir une grand'salle, 



DES CROISÉS EN SYRIE. 131 

attendu que son orientation ne saurait convenir à un édifice religieux. 
A l'extrémité nord du château s'élève en M une tour de forme irrégu- 
lière qui, par une étrange coïncidence, présente la même forme que 
l'un des ouvrages dépendants du château de Karak. En France je ne 
connais que le donjon de Bonaguil, château du xv^ siècle situé près 
Villeneuve-d'Agen, et publié par M. Viollet-le-Duc\ qui présente une 
pareille irrégularité de plan. 

Bien que Beaufort ait été possédé , en dernier lieu , par les Templiers , 
je suis convaincu qu'ils n'ont rien changé au château proprement dit 
et qu'ils se sont bornés à édifier sur l'extrémité du plateau un ou- 
vrage dont parlent les historiens arabes et qui fut détruit, comme nous 
le verrons plus loin, à la suite de la prise du château par Bybars, et 
dont il ne reste plus en N que des décombres et une citerne. 

On voit encore les ruines d'un mur flanqué de tourelles construit 
au xvn* siècle par l'émir Fakar-ed-din autour de l'esplanade où s'éle- , 
vait au temps des croisades le bourg dépendant du château, et qui se- 
lon toute probabilité devait être défendu par des palis et des ouvrages 
de terre dont il ne subsiste plus que des vestiges informes. 

A l'entour des dépendances des châteaux construits en France et 
en Syrie pendant le xii* et le xm* siècle on trouve encore fréquemment 
des traces de terrassements à une distance assez grande. Ils étaient 
couronnés de palissades et munis de fossés. Cette défense était assez 
sérieuse, pour présenter à l'ennemi un obstacle dont souvent il ne 
triomphait qu'après des travaux d'approche assez considérables et des 
assauts meurtriers. Une fois la place investie et les ouvrages avancés 
occupés, l'as^illant devait cheminer par des tranchées jusqu'à la con- 
trescarpe du fossé. Or ici le rocher présentait au mineur une résistance 
qui devait prolonger considérablement les travaux de siège. 

' Viollet-le-Duc, Dict. d'arehit. t. III, p. i65. 



132 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

A gauche de l'entrée du château, un vaste réservoir B, taillé dans le 
roc, avait été ménagé dans le fossé. 

J'ai dit en commençant qu'il existait une grande ressemblance entre 
le château que je viens de décrire et ce qui se voit encore de la forte- 
resse et de la ville de Karak nommée au moyen âge la Pierre du Désert 
[Petra Deserli). Ses restes ont été relevés par MM. Mauss et Sauvaire 
à la suite de l'expédition scientifique de M. le duc de Luynes. Je crois 
donc devoir compléter ce qui a disparu des ruines de Beaufort par une 
brève description de Karak. Par le choix de son assiette topographique 
et la disposition de ses défenses, cette place semble être sur une plus 
grande échelle la reproduction de ce que nous voyons ici. 

C'est à la bienveillance toute particulière du feu duc de Luynes que 
je fus, peu de temps avant sa mort, redevable de la communication du 
travail de M. Mauss, ainsi que de l'autorisation de le publier, et je tiens 
à témoigner ici de ma reconnaissance en rendant un solennel hommage 
à la mémoire du savant si regretté par tous ceux qui l'ont connu. 

La ville de Karak occupe le sommet d*une colline aux flancs escar- 
pés qu'isolent de trois côtés des vallées profondes (pi. XIV). Elle n'est 
reliée aux montagnes voisines que par deux crêtes de rochers : l'une 
au sud, sur laquelle a été construit le château; l'autre vers le nord- 
ouest, coupée par un large fossé en arrière duquel s'élève un ouvrage 
barlong d'une grande hauteur, muni intérieurement d'escaliers et de 
galeries mettant en communication les divers étages qui le composent; 
il est ouvert à la gorge et se relie par ses deux extrémités aux murailles 
de la ville qu'il est destiné à protéger de ce côté contre les attaques. 
Restauré au xm* siècle par les musulmans, cet édifice porte aujour- 
d'hui le nom de Tour de Byhars à cause de l'inscription que ce prince 
fit graver sur ses murs. 

L'enceinte de la ville, dont le tracé est déterminé par la configura- 



DES CROISÉS EN SYRIE. 133 

tion du plateau sur lequel elle est bâtie, était flanquée de saillants 
carrés, comme presque toutes les murailles des villes fortifiées par les 
Francs, dont nous voyons les restes en Syrie. 

On doit remarquer le soin tout particulier avec lequel les ingénieui*s 
qui élevèrent cette place ont pourvu aux besoins de ses habitants. Quatre 
grands réservoirs (pi. XIV), ainsi qu'un nombre considérable de ci- 
ternes, étaient destinés à alimenter d'eau la population et les défen- 
seurs de Karak. 

Au temps des croisades cette ville était le siège d'un archevêché 
suffragant du patriarche de Jérusalem ^ 

M. Mauss pense que l'église grecque moderne qui figure dans le 
plan de la ville (pi. XIV) s'élève sur les substructions d'une église plus 
ancienne. 

Le château élevé par Payen ', bouteiller du royaume de Jérusalem , 
est à l'extrémité sud de la ville, dont il est séparé par un large fossé. 
Cette forteresse présente la forme d'un carré long s'élargissant vers le 
nord. La disposition du terrain, étant semblable à celle du château de 
Beaufort, a amené une très-grande analogie dans le plan de ces deux 
forteresses. A Karak , nous trouvons également une basse-cour s'éten- 
dant vers l'est en contre-bas de la partie supérieure du château, dont 
elle contenait les dépendances. 

La porte du château s'ouvre dans un angle rentrant à l'extrémité 
occidentale de l'enceinte la plus élevée. Elle était fermée par une herse 
et des vantaux. Après l'avoir franchie, le visiteur s'engage dans un che- 
min de défilement tout à fait semblable à celui que nous voyons au 
Kalaat-esch-Schékif, mais de dimensions beaucoup plus grandes. Ce 
n'est qu'après avoir franchi deux portes successives, munies de herses 

* Familles d'outre^tner (Syrie Sainte), p. 766 . — * Ibid. p. 4oa. 



134 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

et pourvues de défenses très-compliquées, qu'il parvient dans la cour 
supérieure du château. 

Au-dessus de la galerie dont il vient d'être question on voit encore 
les traces de deux étages assurant la défense de cette façade, qui for- 
mait ainsi courtine entre les deux pavillons angulaires du château. 

L'intérieur de la forteresse, dit M. Mauss, renfermait un grand 
nombre de constructions, aujourd'hui ruinées, et il serait bien difficile 
d'en établir un plan exact sans faire des fouilles considérables. On y 
voit encore de vastes et nombreuses citernes et des magasins immenses 
construits avec le plus grand soin. Ces magasins, d'après la tradition 
locale, formaient jusqu'à cinq ou six étages superposés. Us sont aujour- 
d'hui en partie comblés, mais ils donnent Tidée des approvisionne- 
ments énormes que devait contenir cette place. 

Vers le milieu de la cour s'élève la chapelle construite sur le même 
plan et présentant les mêmes dispositions que celles des châteaux de 
Margat, du Krak et de Safita. C'est une nef de s 5 mètres de long, 
terminée par une abside semi-circulaire. Le vaisseau était éclairé par 
quatre fenêtres, et dans l'épaisseur de la muraille nord est ménagé un 
escalier conduisant à la plate-forme qui couronne l'édiGce. Il y a quel- 
ques années, M. de Saulcy y trouva encore des restes de peintures à 
fresque. 

Nous savons les noms de deux des chapelains des seigneurs de Karak 
que nous voyons dresser des actes de Maurice et de Renaud de Châ- 
tillon, seigneurs de Karak et de Mont-RéaP. 

Rainald 1 1 62 ^. 

Guillaume ^ * 77 *• 

' Voir à la fin de ce volume la note géo- * Cod, DipL n* 99, p. 3i. 

graphique relative à ia terre de Mont-Rëal ^ Ihid, n* 69, p. 69. 

ou d'Oultre-Jourdain. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 135 

Les tours qui flanquent les murs de cette forteresse sont toutes 
carrées ou barlongues. A Test et au sud, les flancs de la montagne 
ont été revêtus d'énormes talus en maçonnerie. Le donjon s'élève à 
langue sud-est du château, dont l'extrémité est formée, de ce côté, 
par un vaste bâtiment formant réduit, dont le plan est presque iden- 
tique à celui de l'ouvrage M de Beaufort. Cette face du château est 
précédée vers les dehors de la place par un vaste réservoir nommé 
Birket-Nazer, disposé en arrière de la grande coupure qui de ce côté 
sépare Karak des montagnes voisines. D'après la tradition locale, ce 
réservoir, ainsi que les deux réservoirs situés au nord-ouest de la ville , 
était alimenté par un aqueduc qui y amenait l'eau d'une source qui a 
conservé le nom d'Aïn-Frenguy (Fontaine des Francs). Un mur crénelé 
qui existe encore couvrait ce réservoir vers les dehors de la place. 

Ce ne fut qu'à la fin de l'année 1 188, et après avoir résisté, sans 
espoir de secours, pendant près de deux ans aux armes victorieuses de 
Salah-ed-din , que les défenseurs de Karak rendirent cette place aux 
musulmans pour la rançon de Humfroy IV de Toron, seigneur titu- 
laire du Krak par sa mère, et qui était prisonnier des infidèles depuis 
la bataille de Hattin'. 

L'historien arabe Mohammed-Azy-ed* din-lbn-Ghedad nous apprend 
que le château de Schékif fut pris par Foulques, roi de Jérusalem, en 
11 39. A cette époque il était possédé par le prince Ghehab-ed-din. 
Il fut remis aux seigneurs de Sajette, qui le réédifièrent, nous dit Ibn- 
Férat, et qui depuis ce temps prirent le nom de Sajette et Beaufort^. 

Il serait téméraire de fixer d'une manière précise la date qu'on doit 
attribuer aux diverses parties du château que je viens de décrire; 
cependant je le considère comme remontant aux premières années de 

* FamiUes i' outre-mer, p. Aya. — * Ilnd, les seigneurs de Sajette et de Beaufort. 



136 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

la seconde moitié du xii' siècle, ainsi que les châteaux de Saioun et 
de Karak, qui furent élevés, je crois, à la même époque. 

En Tannée 1192, ce château fut assiégé par Salah-ed-din ; mais, 
comme le siège paraissait devoir être long et le succès incertain, le 
sultan essaya de s'en emparer par ruse et contrairement à ses habi- 
tudes de loyauté chevaleresque. Voici à quel stratagème il eut recours 
pour s'en rendre maître : Renaud, seigneur de Sajette, s'était enfermé 
dans la place assiégée. Saladin lui fit demander une entrevue, lui 
envoyant en même temps son anneau comme gage de sa bonne foi. 
Le comte, se fiant à la trêve et ne soupçonnant pas la perfidie dont il 
allait être victime, se rendit à l'invitation du sultane 

Arrivé dans la tente de Salah-ed-din , il se voit soudain entouré et 
mis dans les fers en dépit du sauf-conduit dont il était porteur. Sommé 
de remettre le château aux mains des musulmans, il répondit que 
la place qu'il défendait appartenait non à lui seulement, mais à la 
chrétienté entière, et que, dût-il lui en coûter la vie, il ne consentirait 
à aucune capitulation, tant que Beaufort serait en état de résister à 
l'attaque des infidèles. 

Le sultan, furieux, le fit conduire devant le château, où il le fit tor- 
turer à la vue des défenseurs, sommant Renaud de les inviter à se 
rendre pour l'arracher à la mort; mais le héros chrétien exhorta, au 
contraire, les siens à résister, leur disant que le guet-apens dans 
lequel il était tombé était une preuve certaine de la faiblesse des 
musulmans; qu'ils devaient donc se défendre jusqu'à la dernière extré- 
mité. Salah-ed-din, désespérant de triompher de la constance de 
Renaud, et peut-être admirant son courage, l'envoya chargé de fers à 
Damas, où il le garda prisonnier. 

' Cont. de Guill. de Tyr, 1. XXVI , ch. ix. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 137 

Quand après deux ans de blocus la famine contraignit les défenseurs 
de Beaufort à capituler, ils stipulèrent deux conditions avant de rendre 
le château : d'abord qu'ils auraient la vie sauve, puis que le comte 
Renaud et dix autres chevaliers, comme lui prisonniers des musul- 
mans, seraient rendus à la liberté. 

Cette place devait revenir un jour aux chrétiens; car, lorsqu'en 
l'année i2 4o une trêve conclue avec Saleh-Ismaêl , prince de Damas, 
rendit aux Francs toutes les places de la Galilée qu'ils avaient possé- 
dées entre la mer et le Jourdain, il se produisit, au sujet de la remise 
de Beaufort au seigneur de Sidon, un incident qui mérite d'être rap- 
porté et où la conduite de ce sultan contraste avec celle qu'avait tenue 
Salah-ed-din lors du siège en 1 192. 

Ayant envoyé un de ses émirs pour opérer la remise de Beaufort 
entre les mains du sire de Sajette, la garnison musulmane qui se 
trouvait dans la forteresse refusa de la rendre, disant que le sultan 
manquait à ses devoirs de fidèle croyant en remettant aux chrétiens 
une place aussi importante, et dont la conquête avait coûté tant de 
sang et d'efforts aux enfants de l'Islam. 

Le sultan de Damas, informé de cette résistance imprévue, se rendit 
immédiatement avec quelques troupes devant Beaufort; mais les ré- 
voltés refusèrent même de lui ouvrir les portes. Il commença donc le 
blocus de cette forteresse, et, ayant fait venir de Damas ses machines 
de siège, il les fit dresser contre le château, sur lequel elles firent 
bientôt pleuvoir une grêle de pierres. Peu après les assiégés, sentant 
qu'ils ne devaient compter sur aucun secours, firent offrir au sultan 
de lui rendre la place à condition d'avoir la vie sauve; mais ce prince 
leur répondit qu'il ne les recevrait qu'à merci. 

Prévoyant qu'un jour ou l'autre la forteresse serait enlevée d'assaut 
et qu'ils n'auraient aucun quartier à espérer, ils se rendirent sans con- 

18 



138 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

dition. Le sultan en fit pendre la plupart, les autres furent bannis; 
puis il rendit le château à Julien, seigneur de Sajette, qui, l'ayant 
remis promptement en état de défense, le vendit bientôt aux Templiers ^ 
ce qui fut le point de départ d'une haine violente entre le roi d'Armé- 
nie, beau-frère du seigneur de Sajette, et l'ordre du Temple. 

Cette forteresse fut prise par le sultan Bybars-Bondoukdhâry, le 
26 avril ia68. 

L'historien musulman Ibn-Férat nous a laissé une relation de ce 
siège que je crois devoir résumer ici. 

En 1 â68 , après la prise de Safed, le sultan donna l'ordre au prince 
de Damas de marcher sur Schékif et d'en commencer le siège. Les 
charpentes des machines de guerre furent amenées, ainsi que les bois 
nécessaires aux travaux d'approche. L'armée égyptienne, qui, com- 
mandée par l'émir Beder-ed-din-Bektoun-el-Azyry, venait de s'empa- 
rer de Japhe, fut également dirigée vers Schékif, et dès son arrivée elle 
commença l'investissement de la forteresse, sous les murs de laquelle 
se rendit Bybars le 19 du mois de redjeb (/t avril). Les machines 
furent aussitôt mises en place et commencèrent à jouer le lendemain. 

Parmi les personnages de distinction qui avaient accompagné le 
sultan et qui prirent part à ce siège, l'auteur arabe cite le jurisconsulte 
Chems-ed-din-el-Hombali, grand cadi de Syrie; le cheik Takky-ed- 
din-Ibn-Assvassiti, etc. 

A l'approche des forces musulmanes, les Templiers envoyèrent à 
Acre un messager arabe appelé Abdoul-Medjiek , afin d'y réclamer des 
secours; mais à son retour ils furent trahis par lui. Il alla porter au 
sultan les dépêches dont il était chargé pour le commandeur de Beau- 
fort, qu'Ibn-Férat nomme le visir KtUam. Quel peut être le dignitaire 

' Conl. de Gnill. de Tyr,l. XXXIV, ch.in, p. AûS. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 139 

de Tordre dont il est ici question? Tel est le problème dont la solution 
est d'autant plus difficile à résoudre qu'alors plusieurs des grands offi- 
ciers de Tordre portaient le nom de Guillaume. Nous trouvons à cette 
époque, comme assistant du grand maître Thomas Berart, Guillaimie 
de Ponzon, tandis qu'en même temps le maréchal de Tordre était 
Guillaume de Molay et le grand commandeur Guillaume de Montignac. 

En peu de temps vingt-six engins avaient été établis et le siège était 
poussé avec beaucoup de vigueur par les musulmans. Bientôt il devint 
impossible à la garnison, par suite des pertes qu'elle avait essuyées, 
de pouvoir conserver une ligne de défense aussi étendue que celle que 
présentaient la ville et l'ouvrage nommé le Château-Neuf. Aussi, dans 
la nuit du mercredi 26 du mois de redjeb, les Francs se décidèrent- 
ils à y mettre le feu et se retirèrent dans la forteresse. 

Le château évacué fut aussitôt occupé par Bybars, qui fit trans- 
porter le même jour (1 2 avril) ses machines sur le plateau oii s'élevait 
la ville. Lui-même s'établit au sommet de Tune des tours du Château- 
Neuf; mais, les Francs Tayant reconnu, il faillit être atteint par le pro- 
jectile d'une pierrière dirigée contre lui et qui tua trois personnes 
placées à ses côtés. 

Le siège dura jusqu'au lundi 26 avril, date à laquelle les Templiers 
reconnaissant que le château n'était pas capable d'une plus longue 
résistance, le commandeur Guillaume demanda à capituler. Un sauf- 
conduit lui fut accordé et les non-combattants eurent la liberté de se 
retirer à Acre ou à Tyr. 

Devenu maître de Beaufort, Bybars y mit une garnison musulmane 
et fit complètement raser Touvrage nommé le Château-Neuf. 



18. 



LE TORON. 

(TEBN[^,) 



Ce chîUeau l'ut fondé par Hugues de Saint- Orner, prince de Taharie, 
vers l'année i lok, au lieu dit rancimi Tebnin, et c'est encore sous ce 
nom que ies Arabes désignent le château élevé au xvn" siècle sui- les 
fondations de la vieille forteresse des sires du Toron. 

L'assiette de cette place a été choisie au sommel d'une coliiue 
arrondie, d'où lui est venu son appellation du vieux mol français 
touron, ou toron, signifiant éminence ou colline isolée. 

(le sommet domine les hauteurs qui séparent la vallée du INaliar- 
el-Kaainieli de celle de rOuad-Aioun. 

La forme arrondie du plateau détermine celle de la fortei'esse, dtnil 
le plan paraît avoir été à peu près identique à celui du Krak de Mont- 
Héal. nommé aujourd'liui Schaubek et relevé par M. Mauss durant 
l'expédition scientifique de M. le duc de Luyoes, Ce château est égale- 
ment de forme arrondie, avec des saillants carrés et des tours bar- 
longues. 

Au Toron il ne reste plus aujouid'hui que les subslructions et quel- 
ques assises de gros blocs taillés à bossages encore en place sur presque 
tout le pourtour, te qui a conservé la configuration extérieure de l'an- 
cienne forteresse au château bâti par Daber-l'Omai', lorsqu'il se révrdln, 
il y a deux cents ans, contre l'autorité de la Sublime Poiti'. 

A en juger par ce qui se voit de l'édifice du moyen jlge, il devail 



l/i2 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

présenter à Tœil un aspect assez semblable à celui des châteaux arabes 
d'Alep, de Hamah, de Schoumaïmis, de Szalkhad, etc., étant comme 
eux élevé sur un tertre conique et flanqué de tours carrées. 

En France nous trouvons peu d'exemples de forteresses de cette 
forme', si ce n'est, toutefois, en Guienne, dans les châteaux de Podensac 
et de Blanquefort, élevés dans le cours du xni* siècle, et dans ceux de 
la Brède et de Savignac. 

La position du Toron en faisait une place de guerre importante, 
dont la possession assurait aux Francs tout le pays compris entre Tyr 
et Safed. 

Après Hugues de Saiut-Omer^, mort sans postérité, le Toron fut 
donné à une famille qui en prit le nom et a fourni un chapitre aux 
Lignages loutre-mer. 

Le château fut deux fois pris par les musulmans : d'abord en 
1 187 par Saladin, puis en 1319 par le sultan Malek-Mohadam, qui 
le fit détruire. Relevé en laag, il devint l'objet d'une contestation 
entre les chevaliers Teu toniques et les héritiers de Philippe de Mont- 
fort, qui, par son mariage, avait acquis des droits sur cette seigneurie. 

L'empereur Frédéric IP attribua Toron, que nous trouvons alors 
désigné dans les chartes contemporaines sous la dénomination de 
Turo-Militum, à Ëléonore de Montfort, et donna aux Teutoniques, à 
titre de compensation, une rente annuelle de 7,000 besants, à perce- 
voir sur les entrées du port d'Acre. 

Nous devons donc conclure de là que le peu qui subsiste de cette 
forteresse doit être considéré comme datant de la première moitié du 
xni*' siècle. 

* Léo Drouyn, La Guienne mitit. t. II, ' HuUlard-Rréholles, ffiVr. (fcjpfowa/.Fr^- 
p. 56, 3 6 6-35 â. deriei secundi, t. II. 

* Familles d'outre-mer, p. A68. 



MONTFORT 

DES CHEVALIERS TEUTONIQUES. 



(Kalaat-kouhein.i 



Vei's le [loiiit où les iiiurilagiies île la (jalilée se rattaclieiit aux [irc- 
riiiers contre-lbrts du Liban, elles sont coupées par une vallée alirupte 
nommée le Ouady-Koni. Au fond coule un ruisseau (|ui, desrendu 
des flancs du Mont-Djarmak. va se jVter dans la Méditerranée un peu 
au nord d'Aclizib. C'est vei's ce point de U côte que le 3 oiai m'i-j 
eut lieu la bataille de Casal-linbert. Sur une des collines placées à 
Ijauche de cette vallée et qu'isolent presque, en se réunissant, le Ouadj- 
Korn et un de ses aflluents, s'élève le Kalaat-Kourein, appelé Monl- 
l'ort au temps des croisades. 

Ce cbdteau avait été construit par les clievaliers Teutoriiques (larjs 
le but d'y déposer ie trésor et les archives de l'ordre. La plus grande 
partie des chartes qui les comjiosaient sont parvenues jusqu'à nous el 
forment l'une des séries les plus précieuses du dépôt royal de Berlin. 
J'ai ()u , grâce à elles . reconstituer les possessions de l'ordre en Oi-ienf '. 
où les noms des casaux qui lui ont appartenu et sont mentionnés dans 
le chartrier s'identifient facilement avec ceux des villages arabes 
modernes qui les ont remplacés. 

' ffib^h OrdiuU Ueutomci. 



^^f^ MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Avant d'aller plus loin, je crois devoir esquisser en quelques lignes 
l'histoire des chevaliers de THôpital de Notre-Dame-des-Allemands, 
plus connus sous le nom d'ordre Teutonique. 

Dès le commencement du xn^ siècle, la générosité d'un pèlerin alle- 
mand et de sa femme avait doté Jérusalem d'un hospice et d'une 
église, placée sous le vocable de la Vierge, que desservait une congré- 
gation hospitalière de langue germanique ^ Deux bulles des papes 
Célestin II et Adrien IV étaient venues consacrer l'existence de cette 
maison déjà prospère. Mais, moins d'un siècle après sa fondation, elle 
disparut entraînée dans le désastre général, au moment de la prise de 
Jérusalem par Saladin. 

Ce ne fut qu'en 1 190 que des bourgeois de Brème et de Lubeck, 
faisant partie de l'armée du comte de Holstein, fondèrent au camp 
devant Acre un hôpital pour les malades allemands. C'est là que se 
rallièrent les débris de la communauté dispersée par la perte de Jéru- 
salem. Tel fut le point de départ de la reconstitution de l'ordre, effec- 
tuée dans une assemblée solennelle des princes et des prélats allemands, 
tenue le 19 novembre 1190. L'ordre demeura sous la protection spé- 
ciale de Frédéric, duc de Souabe. 

Sitôt après la prise d'Acre, un vaste terrain situé près de l'hôpital 
des Arméniens , et que dans le plan de Sanudo nous trouvons désigné 
sous le nom d'Alemani y fut attribué aux chevaliers Teutoniques. Ceux-ci 
y élevèrent une église et un hôpital, ainsi que des bâtiments nécessaires 
au logement des troupes entretenues par l'ordre, qui ne devint insti- 
tution militaire qu'en 1 199. Henri Walpot de Bassenheim en fut le 
premier grand maître^. 

L'ordre, une fois constitué, se composa de trois classes : celle des 

* Jacques de Vitry, Hist, orient, t. 1, * Familles d'outre -mer, Ord. Teuton, 

chap. Lxvi. p. 901. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 



1^5 



chevaliers, celle des prêtres et celle des frères servants, dans laquelle 
étaient pris les écuyers qui accompagnaient les chevaliers. 

En campagne, chaque chevalier avait trois chevaux et un écuyer 
qui portait sa lance et son bouclier. 

Les coutumes de l'ordre nous apprennent que le grand maître, 
avec le concours du chapitre, en nommait les grands dignitaires^ 
qui étaient le précepteur, le maréchal , l'hospitalier, le trappier et le 
trésorier. Ce dernier était en même temps châtelain-commandeur de 
la forteresse de Montfort, désignée par les archives de l'ordre sous le 
nom de Starkenberg. 

Le temps de la croisade de l'empereur Frédéric II, qui se trouva 
coïncider avec la grande maîtrise d'Herman de Salza, fut celui où 
l'ordre atteignit son plus grand développement en Terre Sainte. En 
l'année l226^ ce prince confirma à l'ordre la possession d'une série 
de casaux ainsi que du château du roi. Puis en 1229 '^ grand maître, 
par un traité avec les sires de Mandelée, acquit les ruines de la for- 
teresse de Montfort, dont la réédification fut commencée dès le mois 
de mars de la même année. 

Nous trouvons dans les archives de l'ordre Teutonique une charte 
de Bohémond IV', prince d'Antioche et comte de Tripoli, datée du 
commencement de juin 1228, attribuant en ces termes à l'ordre, pour 
l'aider dans cette construction , une rente de cent besants prise sur la 
fonde de la chaîne d'Acre : «r A tei, freire Herman, maistre de la cha- 
rr Valérie de la sainte maison de Nostre Dame de l'hospital des Alamans, 
(ret a freires de la meismes maison, et en aide deu labor deu chastel, 
trque vos fermes per doner force a la cristiante encontre les Sarrazins, 
(T-G- bisances en assisa chascun an pardurablement. 1) 



' Familles d'outre -mer, Ord, Teuton. 
p. 899. 



* TabuliB ordirns TeuUmici, n** 58, p. /17 

* /6«.n'64,p. 5a. 



*9 



146 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Plus tard, le U janvier 1267 \ Julien, prince de Sajette et de Beau- 
fort, fit don à Anno de Sangerhausen et à ses chevaliers de la seigneu- 
rie du Souf et de Gezïn , ainsi que des casaux qui en dépendaient au 
nombre de quarante-deux et que j'ai réussi, pour la plupart du moins, 
à identifier avec des villages modernes du district de Schouf. Ce can- 
ton formait alors un des principaux fiefs de la principauté de Sajette, 
et appartenait à une famille franque, qui était représentée, au moment 
de la cession à l'ordre Teutonique, par messire Jean, fils de sire André 
du Souf ^ 

Tai dit plus haut que ce château s'élève au sommet d'une colline 
commandant le Ouady-Kom, au point où il reçoit un de ses affluents. 
Son assiette a été choisie d'après le même principe et dans les mêmes 
conditions défensives que celles de la plupart des châteaux que j'ai 
décrits, c'est-à-dire que la colline formant promontoire est presque 
isolée par la réunion des deux vallées et ne se trouve reliée aux mon- 
tagnes voisines que par une étroite crête rocheuse. 

Le site est grandiose; les flancs des deux vallées présentent un 
mélange d'escarpements abrupts et de pentes boisées de l'aspect le 
plus pittoresque. Sur le bord du ruisseau qui coule dans la vallée 
formée par le Ouady-Korn, au pied de la colline que couronne le châ- 
teau, se dressent les ruines encore bien conservées d'un vaste édifice 
gothique. L'abbé Mariti, puis plus tard Van de Velde, et ensuite 
M. Renan, ont cru y reconnaître les restes d'une église. Pour moi, 
j'avoue que je suis fort embarrassé, et je crois que nous devons y voir 
plutôt un logis dépendant du château. Autant que j'ai pu en juger par 
ce qui reste en place, ainsi que par les arcs-doubleaux et les arcs 

* Tahulœ ordittiê Teutonici, n* 108 , p. 88- géographique sur les possessions de l*ordre 
90. Teutonique en Terre Sainte, notice qui ma 

* Voir h la fin de ce volume la notice semblé devoir être jointe à cette étude. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 147 

ogives qui supportaient les voûtes, nous devons, je pense, attribuer 
cette construction à la seconde moitié du wif siècle. Des fenêtres à lin- 
teaux carrés avec arcs de décharge éclairaient Tédifice, qui n*a jamais 
pu avoir aucune destination militaire. 

Si j'émets une opinion contraire à celle des savants que je viens de 
citer, c'est que je me base sur l'absence d'abside et le défaut d'orien- 
tation régulière qui existent dans ce petit monument. Il paraît, du reste, 
avoir été divisé primitivement par des murs de refend, aujourd'hui 
écroulés. 

Montfort fut la seule forteresse construite en Syrie par les chevaliers 
Teutoniques, et l'on reconnaît facilement que, d'importation récente eu 
Orient, ils y ont apporté les traditions de leur pays et n'ont pas séjourné 
assez longtemps en Terre Sainte pour avoir subi l'influence orientale 
dont j ai signalé l'existence dans les monuments militaires des ordres 
du Temple et des Hospitaliers de Saint-Jean. 

Ce château est aujourd'hui tout à fait ruiné; cependant il en sub- 
siste encore assez pour qu'il soit possible de retrouver la plupart des 
détails principaux de son plan. Il diffère complètement des forteresses 
dont j'ai parlé dans les chapitres précédents, pour se rapprocher du 
type, si bien décrit par le comte de Krieg, des châteaux bâtis sur les 
bords du Rhin du x^ au xni^ siècle ^ 

La forme du Kalaat-Kourein est à peu près celle d'un rectangle, 
orienté de l'est à l'ouest. Les côtés sont brisés et suivent les contours 
de la montagne sur laquelle cette forteresse est assise. 

Elle était composée de deux enceintes et d'un donjon s'élevant à 
cheval sur la crête qui relie la colline à la chaîne de montagnes dont 
elle dépend. 

' Bulletin monum. t. IX, p. a&6. 

*9- 



168 MONUMENTS DE LARGHITECTURE MILITAIRE 

La première enceinte est formée par une muraille flanquée de 
tourelles carrées, comme on en voit dans beaucoup de châteaux alle- 
mands du moyen âge, et ne présentant que des flanquements de peu 
de valeur. Cette première ligne de défense, qui est presque partout 
dérasée à quelques mètres au-dessus du niveau du sol, tirait à peu 
près toute sa force de l'escarpement des flancs de la colline au sommet 
de laquelle s'élève la forteresse. 

Les bâtiments du château proprement dit, groupés en une seule 
masse, devaient former, alors qu'ils étaient intacts, la seconde ligne de 
défense. En Allemagne ce ne fut qu'à la suite des croisades qu'on vit 
apparaître le système des doubles enceintes, qui depuis cette époque 
y fut désigné sous le nom de zwtnger^. 

La terrasse A règne à l'extrémité de cette partie du château. 11 ne 
reste plus que des arasements des constructions qui s'y élevaient. Seule 
une petite cour carrée, située au nord, est demeurée intacte; elle est 
ouverte vei's l'intérieur de la forteresse et percée d'une meurtrière de 
grande dimension, destinée, selon toute apparence, à recevoir un 
engin. 

En B se voient les débris d'une vaste pièce carrée, composée de 
quatre travées voûtées en arc surbaissé avec doubleaux et arcs ogives. 
Au milieu est un énorme pilier octogone dont le fût ne présente guère 
en développement plus de la moitié de la hauteur totale et semble 
écrasé entre la base et le gigantesque chapiteau monolithe qui sup- 
portait la voûte. Des colonnettes engagées dans les murs, et dont il ne 
reste plus que des fragments, recevaient les retombées des doubleaux 
et des nervures. 

Comme dispositions générales, cette salle présente une grande ana- 

^ Bulletin tnonum, t. IX, p. 1/16. 



DES CROISÉS EN SYRIE. U9 

iogie avec celle dont les ruines se trouvent encore à Margat ; mais elle 
en diffère par le style, qui se rapproche beaucoup plus du roman. 
Quelle fut sa destination ? Pour une grand'salle devant servir à la 
tenue des chapitres, cette pièce semble avoir dû être bien faiblement 
éclairée. D'ailleurs, les assemblées des chevaliers devaient plutôt avoir 
lieu à la maison d'Acre, qui était peu éloignée et où résidaient la plu- 
part des grands dignitaires de l'ordre. 

En considérant la destination toute spéciale que les Hospitaliers Teu- 
toniques avaient attribuée à la forteresse de Montfort, il n'y aurait rien 
de téméraire à penser que cette salle servit de dépôt, pendant qua- 
rante ans, au trésor de l'ordre et aux archives que nous possédons 
encore. 

Les noms de quatre des grands trésoriers de l'ordre , qui occupaient 
en même temps la charge de châtelains de Montfort, nous sont seuls 
parvenus. 

Helmerich 1228*. 

Conrad 1 24o ^. 

Jean de Nifland' 1 244\ 

Jean de Saxe 1270 à 1272 ^ 

Le logis des chevaliers, ainsi que les dépendances, devait être ren- 
fermé dans cette partie du château s'étendant en C, et dont les traces 
sont encore reconnaissables dans les restes d'une double ligne de salles 
voûtées avec arcs ogives. 

En avant sont les arasements d'autres édifices, mais leur plan est 
rendu informe par les débris qui jonchent le sol. 

Sous tout l'ensemble des bâtiments que je viens de décrire régnent 

* Gniber, Origin, Livoniœ, p. 276. * Hartman'ê v. HeUringen Bericht, p. i3 

* Cod, ard. Teuton, p. 32. et 20. 

* Talmlw ortUnis Teutonici, p. 71. • Muralori, t. XII, p. 382. 



150 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

des citernes et de vastes niagasius dont les voûtes, eiTondrées en maints 
endroits, rendent fort difficile l'étude de cette partie des ruines. 

Vers l'est, c'est-à-dire du seul côté vulnérable de la place, la crête 
dont j'ai parlé plus haut, et qui relie la colline du Kalaat-Kourein aux 
hauteurs voisines, est coupée par deux fossés isolant un massif de rochers 
qui sert de soubassement à une tour carrée. C'était l'ouvrage capital 
des défenses de la forteresse, que cette tour dominait et avec laquelle 
elle semble avoir communiqué jadis au moyen d'un pont en charpente 
jeté sur la coupure. Malheureusement il ne subsiste plus que les assises 
inférieures de ce donjon, qui était construit en blocs énormes, dont 
plusieurs mesurent de 3 à 5 mètres. Au centre on voit l'orifice d'une 
citerne. Vers l'est sa base était munie d'un grand talus de maçonnerie, 
tracé en forme d'arc, vers les dehors de la place. De la porte, qui 
s'ouvre à une certaine hauteur, un petit escalier conduisait au fond du 
fossé, qui sépare cette tour de l'ensemble du château. 

Dans la conception et le plan de ce donjon je crois encore retrouver 
une preuve manifeste de l'influence allemande que j'ai déjà signalée 
dans les autres parties de la forteresse, car nous voyons ici une de ces 
tours carrées avec socle, où l'on n'entrait que par une poterne s'ou- 
vrant à une assez grande élévation au-dessus du sol. Dans les châteaux 
des bords du Rhin elles sont désignées, en allemand, sous le nom de 
berch-Jirid : c'est en français le beffroi. 

Le sultan Malek-ed-Daher-Bybars vint attaquer Montfort en ia66 , 
et après une tentative inutile il fut contraint d'en lever le siège et se 
porta sur Saphed, dont il se rendit maître. 

La forteresse des chevaliers Teutoniques fut de nouveau assaillie par 
les musulmans au mois de novembre 1271, à la suite de la prise du 
Krak. Dans la première enceinte, le flanc des courtines de la face sud 
conserve les traces des travaux de sape exécutés par les assiégeants. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 151 

Ce sont des entailles longitudinales faites dans le mur, mais n'y ayant 
pas pénétré assez profondément pour en causer la chute. 

Dans la relation très-circonstanciée que nous a laissée de ce siège 
riiistorien arabe Ibn-Ferat, nous lisons le passage suivant, qui est relatif 
à ces travaux : «rLe premier jour du mois de djoulkadeh, le faubourg 
ffde Karïn fut pris, et le second, le baschouret (première enceinte) 
(T attaqué. On commença à faire des trous dans les mui*s. Le sultan 
rr promit mille direms aux sapeurs pour chaque pierre. Le combat 
(r devint furieux , etc. n 

La place capitula enfin, et il fut stipulé que les chevaliers pourraient 
se retirer à Acre. 

Bybars fit alors démolir Montfort, et c'est là ce qui explique l'état 
de ruines dans lequel nous trouvons ce château, qui, par sa position 
isolée, devait échapper aux causes multipliées de destruction qui ont 
atteint ou qui menacent la plupart des monuments militaires laissés 
en Syrie par les croisés, causes que j'ai eu lieu de signaler plusieurs 
fois déjà dans le cours de cet ouvrage. 



S4JETTE. 

(CHÂTEAU MARITIMEj 



Durant la dernière période des croisades, plusieurs châteaux furent 
élevés dans des positions qui leur permettaient de commander des 
mouillages et de fournir des points de débarquement assurés aux se- 
cours qu'on attendait d'Europe. Leur assiette fut généralement choisie. 
soit sur des îlots voisins du rivage, soit sur des promontoires qu'un»- 
coupure remplie par la mer isolait facilement de la terre ferme; de 
telle sorte que ces forteresses, n'ayant rien à craindre de la mine e( 
p(!u de Tescalade, étaient, pour ce temps, presque inexpugnables. En 
outre, il était toujours possible de secourir nu de ravitailler par mer 
lii garnison de ces chiUeaux. 

Pendant toute la durée de l'existence des colonies chrétiennes en 
Syrie, nous trouvons l'ancienne Sidon désignée sous le nom de Sajellc 
Vlallieureuseraent il reste bien peu de chose des édifices élevés par les 
Francs durant les deux siècles qu'ils tirn'ent cette ville en leur pouvoir. 

La partie des fortifications de Saïda, nommée le Kakal-el-Bahar, ou 
château de la Mer, est le seul ouvrage que nous puissions considérer 
avec certitude comme un monument contemporain de la Sajette des 
croisades; encore ce château ne date-t-il que du commencement du 
xni' siècle. Il fut construit dans le cours de l'hiver de x-xi-j à laaS, 
sur un rocher isolé dans la mer, que l'on munit d'un revêtement de 



154 MONUMENTS DE LARCHITECTURE MILITAIRE 

maçonnerie. Une muraille reliant deui tours en constituait le princi- 
pal ouvrage. 

Un grand nombre de croisés venus des divers pays de la chré- 
tienté, et parmi lesquels on comptait beaucoup d'Anglais, se trou- 
vaient alors à Acre. 

A la nouvelle de l'arrivée en Terre Sainte de Frédéric 11, ils réso- 
lurent de tenter de reprendre aui musulmans quelques points du lit- 
toral en attendant Tempereur d'Allemagne, et sortirent aussitôt d'Acre. 
Ils s'acheminèrent vers les ruines de Sidon. Là se trouvait formé de 
deux lignes de récifs, complétées par des tronçons de jetées, l'antique 
port phénicien , l'un des plus vastes et des mieux conservés de la côte ; 
il présentait alors une assez grande profondeur d'eau pour offrir un 
refuge aux navires chrétiens ^ U fallait donc promptement le mettre en 
état de défense. Mais il vaut mieux laisser parler les auteurs contem- 
porains : (r Ils (les croisés) vinrent à une ille devant le port en la mer, 
(T si connurent que là poeenl il faire meilleur ovre et plus segure et en 
(rpo de tems^. Lioi^ mirent main à laborer et firent deux tors, l'une 
(T grant et l'autre moienne , et un pan de mur entre les deux tors. Us 
(T commencèrent à la Saint-Martin et finirent vers la mi-caresme. v 

Nous empruntons au continuateur de Guillaume de Tyr les détails 
suivants , également relatifs aux mêmes faits : «r Et firent la chaucié et 
ff au pied de la chaucié firent une porte et une tor bien deffensiable. is 

Je vais commencer l'examen de ce qui subsiste de la forteresse par 
l'étude de cette chaussée. Le massif sur lequel s'élevaient la porte et la 
tour est encore bien conservé. Eloigné de 35 mètres du château, il 
s'y trouvait relié par un pont de quatre arches dont les trois piles 

^ Ce ne fiit qa'ao xyii* siècle qae ce port devenir on point de station pour la flotte 
fut en grande partie comblé par Tëmir Fa- turque, 
kar-ed-din, qui craignait alors de le voir ' Guillaume de Tyr, I. XWII, ch. xxv. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 155 

restent debout. Elles sont munies de becs destinés, selon toute appa- 
rence, à briser les lames. 

Le massif a, placé en tète du pont dont je viens de parler, est à 
/i9 mètres du rivage actuel. Les arches qui le rattachent sont complè- 
tement modernes. La mer a-t-elle de ce côté gagné sur la terre, ou 
bien, au temps de la construction du château, y avait-il une première 
partie du pont en charpente? Telle est la question qui vient d'elle-même 
se poser ici; mais, bien que je penche vers cette dernière conjecture, 
il me paraîtrait téméraire d'y répondre d'une manière catégorique. 

Si je m'étends trop longuement, peut-être, au gré du lecteur, sur 
l'étude de cette partie du château, c'est qu'elle est le seul spécimen de 
pont fortifié du moyen âge subsistant encore, à ma connaissance, en 
Syrie. 

Une observation me semble encore devoir ici trouver sa place : elle 
est relative au peu de largeur du pont, remarque que nous faisons 
également dans tous les ouvrages analogues élevés en France par les 
hospitaliers pontifes^ durant le xiii* siècle. Le but de ce mode de cons- 
truction était sans doute de rendre plus facile la défense du passage 
ou la rupture d'une arche pendant cette époque de guerres continuelles. 
J'ai pu cependant constater, par les arrachements de voûtes qui se 
voient encore, que le tablier du pont de Sajette présentait plus de lar- 
geur que la passerelle moderne. 

Mais il est temps de nous occuper du château. L'îlot dans lequel il 

' Cette coDgr^ation des hospitaliers pon- Petitr-Renott ou saint Renazet. Cette instita- 

tifes ou pontijiees (faiseurs de ponts) était tion ne subsista guère qu un siècle sur les 

originaire d'Italie, où elle s'était fondée sur bords du Rhône, oii elle éleva le pont d'Avi- 

les bords de l'Amo. Elle fut établie en France gnon en 1177, puis celui de Saint-Esprit , 

à Maupas, diocèse de Cavaillon, vers Tannée commencé en ia65 et terminé en iSoq. 

116/i, et, d'après les Recherches hiêtoriques Ces religieux furent sécularisés en Tannée 

de Tabbé Croire , die eut alors pour chef 1619. 

90. 



156 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

s'élève était revêtu sur tout son pourtour d'une escarpe en maçon- 
nerie. Une porte, dont il ne reste plus rien, devait se trouver à l'ei- 
trémité du pont. Bien que sur plusieurs points ce mur ait été refait 
depuis les croisades, la plus grande partie peut être considérée comme 
remontant au xiii" siècle. Un saillant arrondi A, qui se voit sur la face 
nord, n'a pas été englobé dans les réparations faites par les Turcs, ce 
qui nous permet d'étudier le système employé dans cette construction 
pour augmenter l'adhérence des pierres : elles étaient d'assez grand 

Fig. s,. 



# 

appareil et reliées entre elles par des queues d'aronde probablement 
en bois, ce que le croquis ci-dessus fera mieux comprendre qu'une plus 
longue description; il indique aussi la manière dont les pierres des 
deux extrémités de ce saillant étaient adaptées à la muraille. 

Dans une construction maritime, ce mode de chaînage était préfé- 
rable à des crampons de métal qui, s'oxydant à l'humidité et prenant, 
par suite de cette décomposition, un plus fort volume, auraient eu 
pour résultat de faire fendre les pierres des assises qu'ils étaient des- 
tinés à réunir. 

En avant de cette face du château s'étend en b un vaste amas de 



DES CROISÉS EN SYRIE. 157 

pierres coulées, formant au nord du pont que je viens de décrire un 
épi destiné à briser les lames quand la mer était agitée. 

Vers le sud-ouest, à l'intérieur du port et au pied de ce retranche- 
ment, en G, le rocher a été taillé et a reçu un enrochement de béton, 
de manière à former un quai de U mètres de large, dallé en longues 
pierres, qui, pour la plupart, sont encore en place et reliées entre 
elles par des crampons de fer scellés avec du plomb. L'extrémité de ce 
quai vers la tour G a été fort endommagée, ce qui permet de recon- 
naître que les liens des assises de pierres établies de ce côté, sur le 
rocher, et que recouvrait jadis le dallage, étaient en bois comme ceux 
du saillant A. 

Nous avons donc ici sous les yeux une portion de quai bâtie par les 
croisés et qui nous est parvenue à peu près intacte. 

D'après son mode de construction, il est facile de voir que les Francs 
de Syrie prirent pour modèle les quais antiques, dont ils durent 
trouver de nombreux restes dans les villes maritimes de la Terre 
Sainte. 

On reconnaît dans les tours B et G les ouvrages cités par les textes 
que j'ai transcrits, et la ligne de bâtiments D, qui a remplacé la 
muraille, nous en indique le tracé, tel qu'on peut le suivre par le 
pointillé dans le plan. Les deux tours sont encore d'une assez grande 
élévation, bien que celle qui porte la lettre B du plan, et qui parait 
avoir servi de donjon, soit dérasée jusqu'à 8 ou 9 mètres du sol. 

En E se voit l'entrée du réduit, placée sous le commandement de la 
tour B : elle consiste, comme les portes de la ville de Garcassonne, en 
un passage formant vestibule , muni d'une herse à chacune de ses ex- 
trémités. Dans la voûte paraît avoir existé un grand mâchicoulis carré, 
semblable à celui que nous trouvons au-dessus de la porte de la se- 
conde enceinte du Kalaat-el-Hosn. La porte c[ui donne accès dans la 



158 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

cour intérieure était surmontée d'un écusson, malheureusement brisé 
par les soldats turcs peu de jours avant ma visite; il m'a donc été im- 
possible, à mon grand regret, de savoir à quelles armes il était. 

La tour B est barlongue; elle mesure 37 mètres de long sur âi 
de large et est construite en pierres de grand appareil. De nombreux 
fûts de colonnes antiques sont engagés dans la maçonnerie. La partie 
inférieure de cet édifice est occupée par deux citernes carrées et établies 
au-dessus du niveau de la mer. L'entrée de celte tour devait être à 
une assez grande élévation; car le massif dans lequel avaient été mé- 
nagées les citernes a encore, comme je l'ai dit, 8 ou 9 mètres de haut 
et il formait seulement le soubassement des salles qui durent occuper 
la partie supérieure de cette défense. 

En F se trouve la base d'un autre ouvrage renfermant également 
une citerne. Une ligne de constructions modernes s'élève sur l'empla- 
cement de la muraille destinée à relier les deux tours. On en trouve 
cependant l'amorce à la tour G, qui défendait le mouillage. Elle est 
assez bien conservée; mais, comme elle sert de poudrière, il m'a été 
impossible d'y pénétrer. A son sommet on voit quelques restes des 
corbeaux qui supportaient autrefois le crénelage et entre lesquels s'ou- 
vraient les mâchicoulis. Plusieurs étaient encore intacts, il y a vingt- 
huit ans, mais ils furent brisés par les boulets anglais lors du bombar- 
dement de Saïda en 18&0. 

Joinville^ dans ses mémoires, raconte en ces termes la tentative 
des Sarrasins sur Sajette en 12 53, pendant que les Francs étaient 
occupés à réparer les murs de cette ville : tr Quant monseigneur Symon 
ffde Montcéliart, qui estoit mestres des arbalestriers le roy et cheve- 
«rtain de la gent le roy à Saiete, oy dire que ceste gent venoient, se 

' Histoire de ioint Louis, par JeaD, sire de Joinville. Éd. in~fol. Paris, 1761. Imprimerie 



DES CROISÉS EN SYRIE. 150 

it retrait ou chastel de Saiete, qui est moult fort et enclos est de la mer 
«en touz senz, et ce Gst il pour ce il veoit bien que il n'avoit pooir 
R(de résister) à eulz. Avec li recèta ce qu'il pot de gent, mais pou eu 
rty ot, car le chastel estoit trop eslroit. Les Sarrasins se ferirent en In 
(T ville, là où ils ne trouvèrent nulle deffense, car elle n'estoit pas toute 
R close. Plus de deux mille personnes occirent de nostre gent: à tout 
r Ir Jîfiiiiff qu'ils liictil là , s'en alererit îl Damas, ■' 

Le chdteau de Sajette lut i^vacuL' par les France en i -iii i . ii Ih siiili' 
lie la prise d'Acre, eti riiônie temps qu'Athlit et Torlosc 



chAteau de maraclée. 



Un autre château maritime fut élevé en 1260 sur l'îlot nommé Dje- 
zairehj qui se voit en face du cap Ras-el-Hassan, un peu au sud de 
Tembouchure de la rivière de Maraclée. 

Cette forteresse, dont il ne reste plus aujourd'hui que quelques 
substructions , nous serait inconnue sans la description que nous en 
ont laissée les historiens arabes. Elle paraît avoir été bâtie par Meil- 
lour III S seigneur de Maraclée, que ces auteurs nomment à tort Bar- 
thélémy. 

Ce château^, qui dépendait du comté de Tripoli, consistait en une 
tour barlongue, mesurant â5 coudées et demie dans œuvre. Les murs 
avaient 7 coudées d'épaisseur et les pierres étaient reliées entre elles 
par des crampons de fer scellés en plomb. A Tintérieur se trouvait 
ménagée une vaste citerne qui n avait rien à craindre des infiltrations 
de l'eau de mer. Une seconde tour dépendait de celle-ci et y était atte- 
nante. Cette place avait une garnison de cent hommes et était défendue 
par trois machines. 

Pour arrêter les incursions que les défenseurs de Maraclée ne ces- 
saient de faire sur les terres des musulmans, ces derniers construi- 

' Familles d'outre-mer, p. 387. — * Vie de Kelaoun, Extrait des Hiêtoriem arabes des 
croisades, p. 708. 

91 



162 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

sirent la tour de Myar et y entretinrent une garnison permanente de 
cinquante hommes. 

. En 1^85, après avoir enlevé Margat aux Hospitaliers, le sultan 
Kelaoun, considérant que la situation de Maraclée rendait ce château 
imprenable, exigea sa destruction de Bohémond VII, comte de Tri- 
poli. 



DÉFENSES DES PORTS. 



Toutes les villes maritimes de la Syrie étaient habitées, comme je 
lai déjà dit, par une population de trafiquants pour la plupart origi- 
naires des républiques italiennes ou du midi de la France. Plusieurs 
d entre elles, fondées sur les ruines de cités phéniciennes, possédaient 
des ports antiques agrandis et défendus par des travaux exécutés au 
temps des croisades. On profita alors, pour construire les jetées, des 
restes des anciens môles ou des récifs qui entouraient le mouillage et 
sur lesquels on éleva d'épaisses murailles, afin de compléter la ferme- 
ture et la défense du port, dont Tétendue était, par conséquent, tou- 
jours fort restreinte. 

Les navires usités à l'époque des croisades peuvent être divisés en 
deux catégories, navires de combat et navires de charge. 

Les premiers, de dimensions restreintes et construits dans des con- 
ditions de marche rapide, comprenaient les galères, les salandres, les 
dromons, les colombels, etc. 

Les galères étaient les plus considérables; elles mesuraient généra- 
lement une longueur qui variait de 35 à /ti mètres^ sur une largeur 
de 5 à 6. 

Nous savons qu'en iâ&6 la commune de Marseille s'engagea à 

^ Jal, Archéologie navale, t. II, p. 3i. 

ai . 



i6â MONUMENTS DE LARCHITECTORE MILITAIRE 

équiper à ses (rais dix galères ainnées de batistes et portant chacune 
Wngtr-cinq hommes d^armes. 

Les salandres étaient plus petites et ne comportaient guère que 
trente hommes d'équipage. 

Quant au dromon, c'était un navire d'origine grecque, ainsi que 
son nom Tindique, mais sur lequel nous ne possédons que des données 
fort incomplètes. 

Cest à ces bâtiments que paraissent avoir été destinés les ports qui 
vont faire Tobjet de cette étude. 

Leur soper6cie est trop restreinte et leurs passes présentent trop 
peu de largeur pour avoir pu recevoir des navires de grandes propor- 
tions et avant un tirant d'eau considérable. 

Quant aux navires de commerce ou de transport* nous savons que 
les Vénitiens, les Génois et les Marseillais avaient fait de rapides pro- 
grès dans Fart des constructions navales, et que dès la fin du xii* siècle 
ils avaient pu fournir aux croisés qui se rendaient en Terre Sainte des 
navires de transport nommés nefs, buze-ne(s, toiles, etc. etc., qui 
étaient d*un tonnage considérable et portaient généralement deux à 
trois cents pèlerins. 

Les savantes recherches de M. Jal sur larchitecture navale du 
moyen âge ont jeté beaucoup de lumière sur cette branche des études 
archéologiques. 

Il nous apprend que les nefs vénitiennes nolisées par saint Louis, 
dans la seconde moitié du xiir siècle, étaient d'un tonnage considé- 
rable. Celle sur laquelle il donne les renseignements les plus com- 
plets', la Roche-Forte y mesurait 35 mètres de long, i& de large, et 
quand elle était chargée calait environ 1 8 pieds d'eau. 

* Jal. Archéologie nacaU, t. H, p. 377. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 165 

Nous savons par Sanuto^ que cette même nef était sortie de Venise 
en 1263, portant cinq cents combattants. 

Par leurs formes arrondies, ces grands navires de transport se rap- 
prochaient beaucoup des galiotes hollandaises du siècle dernier, ainsi 
que des allèges employées de nos jours, comme on peut le voir par 
les coupes données par M. Jal au tome II de son Archéologie navale. 
D'après les calculs du même auteur*, cent chevaux en moyenne pou- 
vaient être installés dans la cale de ces grands navires. 

Dans les Statuts de Marseille y liv. I, chap. xxiiv, nous trouvons à 
cette époque la mention de vaisseaux pouvant porter jusqu'à mille pè- 
lerins, et Geoffroy de Villehardouin, en parlant de la conquête de 
Gonstantinople, dit que cinq nefs transportèrent 7,000 hommes, ce 
qui ferait environ i,/ioo hommes par bâtiment. 

11 y a donc lieu de conclure que ces grands bâtiments n'entraient 
que dans quelques ports de la côte de Syrie, tels que ceux d'Acre, de 
Laodicée ou de Sajette, qui possédaient des passes assez larges pour 
leur permettre d'y entrer sans danger; encore l'étendue relativement 
restreinte de ces ports ne pouvait contenir à la fois qu'un très-petit 
nombre de ces bâtiments. 

Nous devons donc penser qu'alors, comme de nos jours, ces grands 
navires, qui ne faisaient le voyage du Levant qu'à des époques fixes 
réglées suivant les saisons par les lois maritimes, devaient demeurer 
sur rades foraines durant les escales qu'ils faisaient sur le littoral syrien. 

Les travaux maritimes paraissent avoir été peu familiers aux ingé- 
nieurs latins; aussi cherchèrent-ils, comme à Djebleh ou au port inté- 
rieur d'Acre, à creuser le bassin dans une roche peu résistante, ce 
qui n'était possible que pour des ports d'une faible superficie. * 

* Marino Sanuto, Vies des doges de Venise, t. XXII de Muratori. — * Archéologie navale, 
p. &aâ-&9â. 



166 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

Quand une embouchure de rivière était protégée par une pointe du 
rivage, parfois ils s'en servaient pour y créer un refuge, comme nous 
le voyons au Nahar-es-Sin oii un petit mouillage avait été ménagé sous 
la protection du Toron de Boldo. 

En France et en Italie, pendant le moyen âge, l'entrée des ports 
était fermée par des chaînes, et ce mode de clôture semble avoir été 
également usité en Terre Sainte et à Chypre ^ Nous savons que la tour 
qui défendait la chaîne du port de Damiette s'appelait la Cosbarie et 
que le même mode de défense existait également à l'entrée du port de 
Gonstantinople*. Ces passes étaient toujours commandées par un ou- 
vrage important, généralement une tour carrée élevée à l'extrémité des 
jetées, comme on en trouve aujourd'hui les restes à Acre, à Beyrouth, 
à Djebleh, à Giblet, à Laodicée et à Tyr, où elles sont disposées 
comme celles que nous voyons en France à l'entrée des passes d'Aigues- 
Mortes, du vieux port de Marseille, de celui de la Rochelle, etc. etc. 

A cette époque on élevait également en France, sur les tours défen- 
dant les passes, des tourelles portant des feux de nuit destinés à guider 
les navires entrant dans ces ports. 

Nous savons que les Francs de Syrie avaient construit de ces phares, 
notamment à l'entrée du port de Laodicée, dont le feu est mentionné 
par l'historien arabe*'' de la vie du sultan Malek-Mansour-Kelaoun. 

Dans plusieurs endroits se trouvaient des rochers présentant une assez 
grande superficie pour permettre de bâtir de véritables châteaux, pouvant 
tout à la fois servir à protéger le mouillage et à oiïrir un réduit aux dé- 
fenseurs de la ville dont ils dépendaient, comme à Sajette et à Césarée. 

' A Famagouste tout ie système cTins- ^ Cont. de Guillaume de Tyr, p. 3^6, 

taiiation de la chaîne du port se voit encore 897. 

dans une des tours du château, et le petit ' Extrait des Historiens arabes des croi- 

port de Cerines était fermé de la même ma- sade», p. 708. 
nière. 



TYR. 



La ville de Tyr s'iïlève sur une pre8(nrîle reliée pai' un isllinie 




idblfiruu'iix iiu c(tiilineiil, et rornianf deux poils naturels. Iuti au 



168 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

nord, aujourd'hui presque complètement ensablé, l'autre tourné vers 
le sud, que Ton appelait port Egyptien. 

L'histoire de cette ville, célèbre durant Tantiquité, a été Tobjet d'un 
grand nombre de travaux, et notamment en France de la part de 
MM. Renan, de Bertou et Poulain de Bossay^ 

Pendant tout le temps de la domination française en Syrie, Tyr 
fut, après Acre, la ville maritime la plus importante du royaume 
iatin. 

C'est à l'extrémité nord de la ville que se trouvent les restes du 
port construit au temps des croisades et qui a remplacé celui qu'on 
nommait dans l'antiquité port intérieur ou Sidonien. Il consiste en 
une petite baie fermée au nord et à l'ouest par deux jetées A et B com- 
posées de matériaux antiques. L'entrée de ce port, qui sert encore aux 
pêcheurs de la bourgade moderne de Sour, est au nord-ouest. Elle était 
défendue par des tours C et D, carrées, massives à leur base, et dont 
le revêtement se composait de gros blocs taillés à bossage. Le texte 
suivant du continuateur de Guillaume de Tyr, relatif à la chaîne qui 
fermait cette entrée au moment de la défense de Tyr par Conrad, 
marquis de Montferrat, à la suite de la bataille de Hattin, me semble 
devoir trouver ici sa place ^ : 

tr . . .La cheene dou port ert avalée porce que il [le marquis] vo- 
crloient que les galères entrassent ens, et les trois torz qui estoient a la 
(T cheene estoient bien garnies de gent. Quant li marquis vit qu'il y ot 
«rentré tant de galées [musulmanes] dedens le port, si fist lever la 
rr cheene et prist les v galées . . . tî 

Les jetées avaient un relief assez considérable au-dessus du niveau 
de la mer, suivant l'usage adopté alors, et, selon toute apparence, 

' Mémoirei de la Société de géographie, t. VII, p. A55. — ' CoDt. de Guill. de Tyr, 
chap. jn, p. 108. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 169 

elles étaient couronnées d'un chemin de ronde avec parapet crénelé. 
Tours et murailles ne possèdent plus aujourd'hui que 2 à 3 mètres 
d'élévation, et la jetée occidentale est sur presque toute sa longueur 
dérasée à fleur d'eau. Le texte du continuateur de Guillaume de Tvr 
parle de trois tours; je pense que c'est à Test de la passe à l'extrémité 
de la jetée de droite que s'élevait sur le récif E la tour qui a aujour- 
d'hui disparu. 



29 



ACRE. 



L'importance du mouvement maritime dont Acre devint le centre 

Fig. Ù3. 




durant les croisades nécessita l'exécution de travaux considérables 



172 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

pour l'établissement du port de cette ville, le plus vaste de tous ceux 
dont je décris ici les restes. 

Il était formé par une jetée C, qui, commençant à l'angle sud-ouest 
de la ville, s'étendait jusqu'à la tour dite des Mouches^ destinée à dé- 
fendre l'une des entrées du port. Cette tour était carrée et on en voit 
la base en F. 

D'après le plan de Sanudo, une seconde digue D, dérasée aujour- 
d'hui au-dessous du niveau de la mer, mais reconnue et relevée en 
i86s par le commandant Mensell de la marine anglaise, tandis qu'il 
faisait l'hydrographie des côtes de la Syrie, parlait de l'angle sud-est 
des murs d'Acre et se terminait à la tour E, fondée sur un récif où l'on 
voit encore les restes de l'enrochement de béton qui formait la base 
de cette défense, remplacée actuellement par un feu de position. 

Elle commandait la seconde passe par laquelle on pénétrait dans le 
port. Un tronçon de jetée d'environ 5o mètres de longueur séparait 
cette issue de celle qui était défendue par la tour dite des Mouches. 

Gomme l'indique le plan , plusieurs parties de ces ouvrages ont en- 
core conservé un certain relief au-dessus du niveau de la mer; mais ce 
port est aujourd'hui presque entièrement ensablé. Un étroit chenal 
s'ouvrant dans les murs de la ville donne accès dans un bassin inté- 
rieur A. C'est un rectangle de 80 mètres de côté environ, à peu près 
comblé quand je le vis en 1860. En B se trouvaient les restes d'un 
autre bassin qu'on achevait de remblayer à la même époque. 



BEYROUTH. 



A Bi'yi'tiutli il lu' subsiste plus, di-s Iravaiix iiiRnliiiies t^levi'-s parles 

FiR. U. 




uisés, rjue \v (|iiai neliltMix grosses tours carrées di les (oio» des Cénc 



17/i MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

elles défendaient le petit port qui sert encore à la douane et dont je 
joins ici le plan. A la plus grande des deux vient s'appuyer la jetée mo- 
derne du port ; celte tour possède une citerne et pouvait servir de re- 
fuge en cas de besoin à une partie de la garnison de la ville. Ces 
défenses, qui devaient avoir quelque analogie avec le château de Ma- 
raclée, sont peu éloignées du rivage auquel elles étaient reliées par 
une petite jetée formant le côté oriental du port, et dont j'ai vu les 
restes il y a moins de dix ans. Ces deux ouvrages ont encore aujour- 
d'hui environ 6 mètres de hauteur, et la tour b sert de soubassement à 
une construction turque relativement moderne, ruinée parles boulets 
anglais en i84o. Sur ses débris on a installé récemment un feu des- 
tiné à fixer les positions des navires qui viennent mouiller à Beyrouth. 
Quant à la jetée c, qui ferme aujourd'hui le port vers le nord, je l'ai 
vu construire, il y a peu d'années, sur les restes de la jetée du moyen 
âge dont les débris se distinguaient fort bien sous l'eau. Quant à la 
passe actuelle d, elle a été ouverte dans la jetée du moyen âge lors de 
l'établissement du port moderne. 



l).IKIîLh:H. 



lil cinnii >(i\iiil ■(.!■.■ à Di.'lilrli les ivslo 111111 li.il'l iviilii 




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LAODICEE. 



A ljiii)(licr« le [njrl coiisisUiil en utu* |)(>lite haie ([lûiDe ligne «le 



b;^ PORT ^ 




récifs ffriiiail du côlé du larj[e. On ne pouvait entrei' dans ce mouil- 



178 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

lage que par une passe étroite resserrée entre la tour A , qui aujour- 
d'hui porte le phare moderne, et l'extrémité de la jetée, construite 
sur les rochers et dont le musoir était encore intact il y a quelques 
années. La tour qui défendait cette entrée est de grande proportion et 
affecte, ainsi qu'on en peut juger par le plan, une forme assez singu- 
lière : elle est bâtie en équerre dont l'angle serait noyé dans un seg- 
ment de cercle. On voit encore un énorme anneau de fer scellé dans 
la base de cet ouvrage du côté de la passe, et qui était destiné à atta- 
cher la chaîne du port. 

Nous savons par les historiens arabes que cette tour était consi- 
dérée comme l'ouvrage le plus sérieux des défenses de la ville de 
Laodicée,fort commerçante à cette époque. Un tremblement de terre, 
survenu en 1287, ayant endommagé les murs de la ville ainsi que la 
tour qui nous occupe, et renversé le phare qui la couronnait, l'émir de 
Sahyoun, Hassan-ed-din-Torontaï, profita de cette circonstance pour 
s'emparer de Laodicée. Ayant donc assiégé la tour du port, il plaça ses 
machines sur la jetée dont on voit encore les restes et qui reliait la 
tour à la terre ferme. Les murs de cet ouvrage avaient été fort ébranlés 
par le tremblement de terre et ses défenseurs durent capituler le di- 
manche 5 de rabi premier 686. Des quais, dont on voit en B une 
partie assez considérable, avaient été établis sur le pourtour de ce poit, 
qui, bien que s'ensablant chaque jour, sert pourtant encore de refuge 
aux barques des pécheurs de la ville moderne de Lattakieh. 



ENCEINTES DES VILLES. 



Los enceinlcs élevées par les croisés autour des villes qu'ils possi'-- 
daieut en Terre Sainte sont aujourd'hui fort peu tionibreuses. Ce u'esl 
(jue dans les ruines des cités abandonnées à la fin des croisades et ne 
s'étant jamais relevées dejiuis, que des reslef* do quelque inlértH sont 
parvenus jusqu'à nous. Partout aiilourg, à Tripoli. îi Beyroulli. à Acre, 
à Saida, à Jalla, etc., les murailles du moyen A(;e uni été exploitées 
pour fournir des matériaux do construction; de telle sorte (|u'elk'8 ont 
presque entièrement disparu, ou qu'il n'en subsislo plus ipie des ves- 
liges méconnaissables. 

Les Lalins semblent n'avoir attacbé qu'une iinporlance secondaire 
aux murailles des villes, dont les défenses sont inconqtarabloment 
plus faibles que celles des eliâteaux. Dans ces derniers nous trouvons 
adoptées, dès le tif siècle, des dispositions défensives que nous ne ver- 
ions ajiparaître dans les enceintes qu'au milieu du siècle suivant. 

NoiLS avons dit plus haut que les premières villes dont les Francs se 
ri'tiilireiit maîtres (Mares. Antioche. Edesse) avaient été fortifiées par 
des ingénieurs byzantins, et nous avons exposé sommairement, dans 
l'introduction , ce que Procope nous apprend au sujet de la fortillration 
(jrecque du Bas-Empire'. Il nous faudra donc recliercber riulluence 

' \'nw»i.e.l>t.1idijimi. I. U.c. III. 



180 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

exercée par ces enceintes sur le tracé des murailles élevées en Palestine 
par les Latins. 

L'étude de l'enceinte byzantine d'Antioche, quils se bornèrent à ré- 
parer et à entretenir quand ils furent devenus possesseurs de cette 
ville, nous occupera d'abord; Ascalon, ensuite, nous fournira un autre 
exemple de lignes de défenses, selon toute apparence, d'origine byzan- 
tine, mais remaniées par les croisés, tandis que les murailles de Dje- 
bleh, de Tortose, de Giblet et de Césarée nous offriront des spécimens 
d'enceintes tracées et édifiées par les Francs de Syrie, pendant la durée 
du royaume latin. 

De même qu'en France, on parait avoir de bonne heure reconnu, 
en Terre Sainte, que le système de fortification usité au moyen âge ne 
se prêtait à des défenses trop étendues qu'en perdant une partie de 
sa force. On renonça donc aux vastes enceintes byzantines, qui fai- 
saient d'Edesse et d'Antioche plutôt des camps retranchés que des villes 
fortifiées , et l'on s'attacha à réduire les cités à des proportions suscep- 
tibles d'une bonne défense. 

Le château servait de citadelle et protégeait la ville dont il faisait 
partie. Soit que, comme à Jérusalem, à Laodicée ou à Giblet, il s'éle- 
vât au point culminant, ou que, comme à Tortose, à Césarée ou à 
Sajette, il fût construit au bord de la mer, il était toujours bâti à un 
angle de la place et possédait des communications directes avec la cam- 
pagne. La garnison pouvait, de la sorte, chercher un refuge dans ce 
réduit après la prise de la ville, et être, par les dehors, ravitaillée ou 
secourue. 

Djebleh, Tortose et Giblet étaient, ainsi que je l'ai déjà dit, 
entourées d'enceintes munies d'un fossé et flanquées de saillants 
barlongs d'un faible relief. Ces murailles étaient protégées contre 
les attaques de l'assaillant plutôt par leur force passive que par les 



DES CROISÉS EN SYRIE. 181 

moyens de résistance dont les avaient dotées les ingénieurs qui les 
élevèrent. 

Mais ce n'est qu'au milieu du xni*^ siècle que, transformé par l'expé- 
périence acquise durant les guerres continuelles dont la Syrie était 
alors le théâtre, l'art militaire franco-oriental produisit les murs de 
Césarée. 

Leur tracé, l'espacement régulier des tours, les bonnes dispositions 
défensives qu'elles présentent et que nous n'avons trouvées jusque-là 
que dans les forteresses, tout indique un grand progrès dans l'art de 
la défense des places. 



ANTIOCHE. 



La première ville importante que rencontrèrent les croisas h leur 
entrée en Syrie fut Aritioche. 

Cité grande et illustre dès le temps des sucresseni-s d'Alexandre, 
elle ne décrut pas lorsqu'elle devint la résidence préférée de plusieurs 
empereurs romains. Ses temples fameux au loin, ses oracles, ses jeux 
olyn]j)iques, ses fonUiines et son l)ois de Dajiliné consacn^ aux amours 
d'Apollon, l'avaient rendue chère au paganisme. 

Lue illustration bien différente attendait cette ville, quand dauf ses 
murs les disciples de l'Évanjjile prirent pour la première fois le nom 
de cliri^tiens, et qu'elle i-eçut saint Pierre pour évèque. 

Peu après, le sang des martyrs la (it compter parmi les métropoles 
de l'Eglise naissante, et son siège patriarcal étendit sa juridiction sur 
vingt provinces et autant d'évêcliés. 

La ville était située au pied des montagnes, dans une plaine fertile, 
de médiocre étendue, arrosée par l'Oronte. 

A peu de distance, au nord, se trouve un lac très-|)oissoinieux, 
nommé le lac Blanc. Le port de Séleucie, voisin de rembnuclinre du 
tleuve, étant l'échelle maritime de cette ville, concourait aussi à aug- 
menter l'importance politique et coninierciale d'Atitioche. importance 
([n'elle sut conserver longtemps en dépit d'événements souvent désas- 
treux pour elle. 

Aussi les princes qni étaient à la tête de l'ainn'e chrétienne sentin'nt- 



184 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

ils, dès Tabord, de quelle utilité serait pour eux la possession d'An- 
tioche. Elle leur servirait de base d'opération pour la campagne qu'ils 
allaient entreprendre, en leur assurant la soumission du pays. 

C'est ce que M. le comte Beugnot a remarqué fort judicieusement 
en ces termes* : tr Ils comprirent que la possession de la ville sainte dé- 
ff pendait pour eux de la conquête et de la possession assurée de la 
ff Syrie entière, et quand leurs soldats, à peine sortis de Constanti- 
crnople, leur demandaient à grands cris de marcher droit sur Jérusalem, 
rrils s'occupèrent d'établir deux principautés : celle d'Edesse et celle 
rrd'Antioche, qui devaient être dans leur idée et qui furent en effet, 
a au nord-est, les remparts du royaume de Jérusalem. -n 

Comme à Nicée, les guerriers francs allaient se heurter à Antioche 
contre une ville fortifiée par des ingénieurs grecs, et qu'une trahison 
récente venait de livrer aux musulmans. 

L'état de guerre permanent dans lequel se trouvait le Bas-Empire, 
toujours en lutte pour résister à l'invasion des barbares et à celle plus 
redoutable encore de l'islamisme, avait fait faire de rapides progrès à 
l'art de l'ingénieur militaire. 

Nicée, Mares, Edesse, Antioche, Diarbekir, Dara, Anazarbe et tant 
d'autres villes dont nous voyons encore les ruines, possèdent des mu- 
railles ou des châteaux élevés sous les règnes des empereurs Justinien, 
Constance, Anaslase et Léon. Nous y voyons mis en œuvre le système 
de fortification décrit par Procope. 

Le même auteur nous apprend que, Justinien ayant décidé la réédi- 
fication d' Antioche, on en releva les murailles en modifiant le plan 
primitif, dont le tracé défectueux avait amené la prise et la destruction 
de la ville antique par Chosroès. 

r 

* Reu^ot, h\b\, de V Ecole des chartes, 3* série, t. V, p. Sa. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 185 

Ce qui de nos jours subsiste encore de ces remparts concorde bien 
avec la description que cet auteur en donne au chapitre x de son livre 
De Mi/iciis. 

Nous avons donc sous les yeux un spécimen assez complet de Tart 
militaire byzantin, durant les dernières années du v* siècle. Aussi, en 
étudiant avec quelque soin Tenceinte d'Antioche, y reconnaît-on facile- 
ment les réparations faites à la suite du tremblement de terre survenu 
en Tannée 976. C'est également à cette époque qu'il faudrait, d'après 
l'historien arabe Ibn-Ferat, attribuer la citadelle dominant l'une des 
collines comprises dans l'enceinte, et formant le point culminant des 
défenses de cette ville. Gomme on peut le voir par le plan (pi. XVII), la 
ville moderne d'Antaki s'élève dans l'angle nord- ouest de l'enceinte et 
n'occupe qu'une partie bien restreinte de l'énorme espace qu'entourent 
les murailles et dans lequel quatre collines se trouvent comprises. 
Les restaurations faites à ces murailles au temps de la domination 
latine se retrouvent parfaitement, surtout à l'angle sud-est. La trop 
grande étendue de cette ligne de défense fut toujours une cause de 
faiblesse, qui amena rapidement la prise d'Antioche, quand elle n'eut 
pas une armée enfermée dans ses murs pour fournir un nombre de 
défenseurs proportionné au développement des remparts. 

Il y a trente-cinq ans environ , l'enceinte de cette ville était à peu 
près intacte. Combien nous devons regretter qu'un plan régulier n'en 
ait pas été levé alors ! 

Malheureusement, pendant la domination égyptienne en Syrie, elle 
fut exploitée comme une véritable carrière pour la construction des 
immenses casernes qu'y fit alors élever Ibrahim-Pacha. 

C'est par la face nord, à partir de la porte du pont, que je commen- 
cerai l'étude des remparts. Cette porte (lettre du plan A) est encore 
intacte ainsi que le pont, qui parait remonter à l'épocpie romaine. 

9& 



186 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Toute cette portion de l'enceinte est aujourd'hui fort dégradée ; les 
tours qui sont encore debout ont été transformées en maisons particu- 
lières, et il reste peu de traces des courtines. Depuis l'angle nord-ouest, 
où le rempart s'infléchit brusquement au sud, jusqu'à la porte Saint- 
Georges, tours et murailles sont dérasées jusqu'au niveau du sol, de 
telle façon que le plan seul en est reconnaissable. Nous lisons, dans la 
description de Guillaume de Tyr ^ , que cette porte était une des cinq 
principales entrées de la ville. Elle s'ouvre dans la face occidentale de 
l'enceinte , et les bases des deux tours qui la flanquaient sont assez bien 
conservées; en avant de cette partie des murs se trouve un ravin nommé 
Ouady-Zoîha^ sur lequel était jeté un pont B dont les traces sont en- 
core visibles et qui donnait accès à la porte Saint-Georges. 

Presque aussitôt la muraille s'élève rapidement le long du flanc de 
la montagne en couronnant l'escarpe du ravin. Sur la pente de la 
colline et dominant un peu la porte Saint-Georges, se trouve la base 
d'une énorme tour pentagonale G, qui fut, je pense, une de ces maî- 
tresses tours dont j'ai parlé plus haut et que les Byzantins désignaient 
sous le nom de (ppovpà. 

Une des planches du grand ouvrage de Cassas, publié en 179g, 
donne l'aspect que présentait cette partie des murs d'Antioche, à peu 
près intacte à cette époque. Je crois pouvoir garantir l'exactitude de 
ce dessin, parce que, d'une part, j'y trouve tout ce qui subsiste encore 
et que, de l'autre, le tracé du plan de cette portion des remparts coïn- 
cide parfaitement avec la perspective que donne la planche d'après la- 
quelle a été dessiné le bois ci-joint. 

Le sommet de la colline présente un mouvement de terrain assez 
doux, mais qui, cependant, suffit à déterminer le tracé de la muraille 

' Guill. de Tyr, I. IV, c. xiii. 



DRS CROISÉS EN SYRIE. 187 

qui, à partir du haut de l'escarpement, s infléchit au sud-sud-est jus- 
qu'au château. 




Dans l'antiquité, cette colline était désignée sous le nom d'Iopolis. 
A cette époque, l'aqueduc qui amenait dans la ville les eaux de la fou- 



188 MONUMENTS DE L'ARCHITECTUBE MILITAIRE 

taine de Daphné, et dont les restes sont parvenus jusqu'à nous, s'ap- 
pelait Àquœ Trajani '. 

De ce côté les défenses sont assez bien conservées, et j'ai pu des- 
siner la coupe et le plan de l'une des tours demeurées debout. Elles 
sont toutes bâties sur le même plan carré, et ne présentent entre elles 
que des dilîérences insignifiantes. 

Ces tours sont construites en pierres de taille, avec des cordons de 

Fig. 48. 




briques régulièrement espacés; les portes sont à linteaux carrés avec 
arcs de décharge. Ainsi qu'on peut le voir par le plan et la coupe ci- 
joints, elles ont presque toutes trois étages de défenses. 

Au rez-de-chaussée, un couloir, sur lequel s'ouvre l'escalier mon- 
tant à l'étage supérieur, conduit dans la salle, qui n'est éclairée que 
par des meurtrières percées dans ses murs. L'escalier occupe à peu 



' Anùquiiatet AntioeKenœ, Olfried Huiler, M^m. de l'acad. de GÔttîngue , t83&. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 189 

près la moilié de la largeur de l'édiBce. 11 donnait accès en même 
temps au chemin de ronde des courtines par des portes s'ouvrant sur 
le palier supérieur. Cette partie de la tour était subdivisée en deux par 
un plancher, et formait de la sorte deux étages de défenses. 




-i- 



Quant au couronnement, il n'en reste plus trace, et je crois pouvoir 
affirmer qu'il ne subsiste plus un créneau sur toute l'étendue des murs 
d'Antioche. 

L'épaisseur du rempart entre les tours est de a mètres environ. 

En beaucoup d'endroits le chemin de ronde existe encore, et l'on 
peut facilement constater qu'une partie de sa largeur est prise en en- 
corbellement. 

Plusieurs poternes sont percées dans celte partie des remparts. Elles 
sont du reste signalées par te chroniqueur, qui nous apprend qu'elles 
permettaient aux assiégés de recevoir des approvisionnements qu'ap- 
portaient les montagnards. 

C'est indubitablement vers ce point que les croisés pénétrèrent dans 



190 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

la place, et nous devrons y chercher la tour des Deux-Soeurs, quand 
nous arriverons à cette partie de notre étude. 

Sur la troisième colline comprise dans le périmètre des murailles, 
et nommée dans l'antiquité montSilpius^ s'élève le château, qui affecte 
la forme d'un triangle allongé. 11 a remplacé l'acropole antique, et 
Raimond d'Agiles le nomme Colax. 

Avant d'y arriver, en suivant le pied du rempart, on voit à l'intérieur 
de la ville un vaste réservoir circulaire D. Il est de construction an- 
tique, et, selon toute apparence, était jadis alimenté par un aqueduc 
souterrain amenant l'eau d'une source située dans les montagnes voi- 
sines. 

Aucun changement essentiel n'a été apporté aux dispositions du 
château durant la domination franque, ainsi qu'on en peut juger par 
le plan. Seulement en r (pi. XVIl) on a^ait élevé des bâtiments dont il 
ne reste plus que des ruines, au milieu desquelles gisent des chapi- 
teaux romans et des débris de nervures. Non loin, en «, se voit l'ori- 
fice d'une citerne. 

Ce réduit tire toute sa force de sa position sur un rocher presque 
inaccessible, ses défenses étant plus que médiocres. Au sud et à l'ouest 
il est flanqué de tourelles rondes d'un très-faible diamètre et massives 
dans toute leur hauteur. On y pénétrait par une poterne qui se trouve 
encore à Tangle sud-ouest. 

Le continuateur de Tudebode en parle comme d'une forteresse inex- 
pugnable, flanquée, dit-il, de quatorze tours. 

Au delà de cette citadelle, la montagne ne présente plus qu'une 
arête escarpée plongeant rapidement dans le ravin dit des Portes-de- 
Fer. Dans cette partie la muraille suit le rocher; vers le fond du ravin 
elle est tracée en lignes à crémaillère. 

Le texte de Procope, relatif aux travaux que Justinien fit élever 



DES CROISÉS EN SYRIE. 191 

dans la gorge qui porte de nos jours le nom de Bté-^l-Hadid, est la 
meilleure description que l'on puisse donner de ce site. 

(rDeux montagnes escarpées dominent la ville : Tune se nomme 
crTOrocassiades, l'autre le mont Stauris. 

fr Elles sont séparées par un précipice au fond duquel coule, au temps 
ff des pluies, un torrent nommé l'Onopniètes , descendant des hauteurs 
cr voisines. Parfois il grossit subitement et cause des dégâts dans la 
ff ville en sortant de son lit. Pour parer à cet inconvénient, l'empereur 
çr Justinien flt élever d'une colline à l'autre une forte muraille, barrant 
ff ainsi le ravin de manière à ne laisser passer à la fois qu'une certaine 
(T quantité d'eau. Des ouvertures percées dans cette digue lui permet- 
te taient de s'écouler lentement, de telle sorte qu'elle cessa d'occasion- 
frner des ravages dans Antioche^^ 

Sur l'escarpement oriental du torrent une autre muraille, également 
tracée en crémaillère, relie la jetée, presque encore intacte, aux tra- 
vaux de défense qui existent sur la colline nommée autrefois nwnl 
Stauris. 

Au delà de cette gorge l'enceinte reprend jusqu'à l'angle sud-ouest 
de la ville. Là une tourelle ronde E, munie d'un talus à sa base, ainsi 
que plusieurs raccords dans les courtines, dénotent au premier coup 
d'œil l'œuvre d'ingénieurs occidentaux du \\f siècle. 

A partir de ce point, la muraille s'infléchit au nord et est bâtie sur 
la déclivité de la montagne. De ce côté se voient plusieurs tours en 
saillies prismatiques sur les dehors de la place. Elles sont construites 
en pierres de taille de moyen appareil , et leurs voûtes intérieures sont 
en briques. 

Le rez-de-chaussée est occupé par une salle percée de meurtrières et 

* Procope, De MAificiiê, 1. II, c. x. 



199 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

s'ouvrant vers la place par une arcade en plein cintre. Elles n'ont pas 

d'escalier, et c'était par la banquette du rempart qu'on pénétrait dans 

Fij. 60. 




l'étage supérieur présentant les mêmes dispositions défensives que le 
rci-de-chaussée. Cette partie des murs d'Antioche semble avoir été re- 



Fig. 5.. 




maniée, probablement à la suite de tremblements de terre, et offre 
cette particularité que le cbemin de ronde des courtines est établi sur 



DES CROISÉS EN SYRIE. 193 

des arcades supportées par des contre-forts appliqués au rempart. Deux 
poternes a et 6 faisaient communiquer directement cette partie de la 
ville avec la campagne. 

A en juger par le nombre de poternes que nous voyons dans les 
murs d'Antioche, il y a lieu de penser qu'à Tépoque où ils furent éle- 
vés les architectes byzantins ne considéraient pas, ainsi qu on le fit gé- 
néralement plus tard, durant tout le moyen âge, l'existence de nom- 
breuses issues comme une cause de faiblesse pour les villes fortes dont 
elles formaient alors les points vulnérables. 

11 est vrai que Ténorme développement des murailles dont Tétude 
nous occupe rendant à peu près impossible l'investissement complet 
de la place, des communications faciles avec les dehors, vers les mon- 
tagnes , présentaient certains avantages. Elles permettaient l'entrée des 
renforts ou des approvisionnements que pouvaient ramener les sorties 
opérées par la garnison, et facilitaient une issue aux espions ainsi 
qu'aux messagers porteurs de dépêches. 

C'est au bas de la colline nommée mont Stauris que se voit encore 
la porte de Sainir-Paul (Bab-Boulos), tirant son nom, nous dit le chro- 
niqueurs de ce quelle cresloit dessous le moustier de Saint Paul, qui 
ff est el pendant d'el tertre, r. 

Une fontaine, qui porte le même nom, jaillit à quelques pas, et 
Guillaume de Tyr^ dit que cette source, ainsi que le ruisseau qui cou- 
lait dans la ville, venait former un marais en avant de la porte du 
Chien, là où nous voyons aujourd'hui une prairie plantée de saules. 

Un amas de ruines, parmi lesquelles une baie en tiers point et des 
débris d'arcs ogives, se trouve en F, un peu au-dessus de la fontaine ; 
ce sont les restes de la célèbre abbaye qui a donné son nom à cette 
entrée d'Antioche. 

' Guill. de Tvr, I. IV, c. xiii. — * M. I. IV, c. xiv. 



93 



194 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

De la porte Saint-Paul le mur et les tours sont assez bien conservés 
jusqu'à Tangue nord de la ville; mais à partir de ce point où le rem- 
part tournait à l'ouest, on ne peut plus suivre que des monceaux de 
décombres, qui jalonnent le tracé de l'enceinte à travers les jardins. 

Les murailles antiques s'élevaient au bord même de TOronte ; mais 
lorsque Justinien les fit remplacer par celles qui nous occupent en ce 
moment, il arriva, par suite du nouveau tracé adopté alors, que l'angle 
seul de la nouvelle cité, vers la porte du Pont, se trouva tangent au 
cours du fleuve. Procope nous apprend encore que, pour remédier à 
cet inconvénient, on creusa un canal de dérivation qui amenait l'eau 
de rOronte dans un fossé profond régnant en avant de la partie nord 
des murs de la ville. Mais fossés et canal paraissent s'être, à la longue, 
transformés en marais, sur lesquels il fallut établir des chaussées et 
des ponts, comme nous le voyons par le passage suivant du chroni- 
queur... ffOu costé devers bise a trois portes, qui toutes issent au 
rrflums; celé desus a non la porte del Chien : uns ponz est delez celé 
cr porte à quel en passe une paluz et une niareschieres qui sont delez 
crie mur; la seconde est orendroit apelée la porte le Duc; li flums est 
crbien loing une mile de ces deux portes. La tierce a nom la porte del 
rrPont parceque li pons est iluesques à que l'en passe le Oum; quar 
pr entre la porte le Duc, qui est el milieu de ces trois, et ceste qui est 
CT dernière de ce coste s'aproche si li flums de la ville qui dès ilec il 
cr s'en cort tôt costoiant les murs K..^) 

Je n'ai pu me procurer qu'une seule iconographie d'Antioche^ 
(pi. XVIIl) paraissant remonter au xm* siècle, et d'après laquelle la 
porte du Duc était toute voisine du point où le ruisseau qui traverse 
la ville, venant des Portes-de-Fer, passait sous le rempart. Or nous 

' Guill. deTyr, I. IV, c. xiii. du inanuscrit n° AgSg du fonds latin de la 

' Cette iconographie est tirée du folio 98 Bibliotlièque impériale. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 195 

lisons, au xiv*" chapitre de Guillaume de Tyr, que les eaux de la fon- 
taine Saint-Paul et celles de i'Onopniètes venaient se perdre dans un 
marais en avant de la porte du Chien, tandis que Raimond d'Agiles 
dit que TOronte passait à une portée de trait de la porte du Duc. 

Il me reste maintenant à exposer brièvement ce que nous savons des 
positions occupées par les divers corps de l'armée chrétienne sous les 
murs d'Antioche. 

Les Latins, après avoir franchi l'Oronte au pont de Fer, vinrent cam- 
per sur la rive gauche du fleuve, dans les prairies qui s'étendent sous 
les murs de la ville. 

La gauche de leurs lignes s'arrêtait devant la porte Saint-Paul et la 
droite vers celle du Pont, bien que plus tard elles aient été portées 
jusqu'à la porte Saint-Georges. L'investissement demeura donc incom- 
plet, puisque toute la partie des murailles située sur les montagnes ne 
fut point bloquée. 

Durant le cours du siège, des redoutes ou châtelets furent élevés 
par les Francs devant les portes principales pour arrêter les sorties. 

En avant de la porte Saint- Paul, c'est-à-dire à l'est de la ville, 
vinrent camper Tancrède, Roger, comte de Flandre, ainsi que Rai- 
mond, avec leurs gens, et en arrière d'eux se plaça le corps auxiliaire 
grec commandé par Tatice. 

Dans la prairie, à droite du camp des princes de Sicile, le duc 
Robert, le comte de Blois et le duc de Normandie dressèrent leurs 
tentes, qui s'étendaient jusqu'à l'angle nord-est de la place. 

Devant la porte du Chien et celle du Duc s'installèrent le comte de 
Toulouse et l'évêque du Puy. Le duc de Lorraine, enfin, occupait la 
droite des cantonnements, mais les nécessités du siège amenèrent 
l'établissement de postes jusque vers la porte Saint-Georges, à l'ouest 
de la ville. 

95. 



1% MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

D après les auteurs arabes, les Latins établirent en avant de leur 
camp, vers la ville, un fossé de circonvallation. 

L'histoire de ce siège mémorable a été faite trop souvent pour que 
je pense devoir m'étendre sur ce sujet, et je me bornerai à traiter 
seulement l'épisode final qui amena la prise d'Antioche, et sur lequel 
mes recherches paraissent jeter quelques lumières nouvelles. 

Les auteurs qui ont écrit jusqu'à présent sur le siège d'Antioche se 
sont préoccupés de déterminer, approximativement du moins, la posi- 
tion de la tour des DeuxSceurs. Malheureusement aucun de mes de- 
vanciers n'avait à sa disposition un plan topographique régulièrement 
levé des murailles de la ville et de ses environs. 

Nous lisons, dans les auteurs contemporains, que vers les montagnes 
la place n'avait pu être investie, et que chaque jour les Syriens et les Ar- 
méniens ravitaillaient les défenseurs de la ville par des poternes situées 
dans cette partie de l'enceinte. Les difficultés du terrain semblaient 
4éfier toute attaque sérieuse de ce côté, et, par contre, les postes de- 
vaient être moins nombreux et se garder avec moins de vigilance, se 
croyant plus en sûreté. 

C'est donc là qu'il faut chercher les tours gardées par l'Arménien 
Firouz. Le texte de Guillaume de Tyr {secus partam Sancti Georgit) 
me semble avoir induit en erreur M.Poujoulat* et après lui M. Peyré^ 
en leur faisant chercher la tour des Deux-Sœurs trop près de la porte 
Saint-Georges. 

De la lecture attentive de tous les chroniqueurs il résulte pour 
moi, à n'en pouvoir douter, que cette tour devait être à la partie su- 
périeure de la ville. J'espère parvenir à démontrer victorieusement que 
c'est la tour d^ située à l'angle sud-ouest de la place et couronnant l'es- 

' Correspondance d*Orient, t. VU, p. iSâ. — * Histoire de la première croisade, c. xxxiv. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 197 

carpement de la montagne, tel, de ce côté, que toutes les tours, malheu- 
reusement détruites il y a une trentaine d'années, se dominaient les unes 
les autres, et que le chemin de ronde des courtines, qui les reliait 
entre elles, était un escalier. On en peut juger par la belle planche 
de Cassas, dont j'ai déjà parlé, et qui fut dessinée alors que ces murs 
étaient encore debout. 

Chaque nuit, nous dit Guillaume de Tyr dans sa relation du siège 
d'Antioche^ un officier, accompagné de porteurs de flambeaux, faisait 
une ronde d'inspection sur les remparts, visitant tous les postes pour 
s'assurer que le service n'était pas négligé. Or la position de cette tour 
au sommet de l'escarpe de la montagne et au point où l'enceinte 
s'infléchit au sud -est permettait à ceux qui l'occupaient de voir à 
droite et à gauche une grande étendue de murailles; de telle sorte 
qu'ils n'avaient point à craindre d'être surpris par la venue inopinée 
de l'officier chargé de la surveillance des remparts. 

11 y a encore une raison plus concluante pour ne pas chercher la 
tour des Deux-Sœurs trop près de la porte Saint-Georges : c'est que 
cette partie des murs s'élevait aux bords de l'Ouady-Zoiba, qui forme 
de ce côté un véritable précipice rendant toute approche impossible. 

Je vais donc essayer d'établir mon opinion par les textes des auteurs 
témoins de l'événement dont nous nous occupons et qui, en même 
temps, concordent parfaitement avec ce que j'ai relevé sur le terrain. 

Tudebode nous apprend que Firouz, après s'être engagé à livrer 
Antioche aux croisés, invita Bohémond à faire prendre ostensiblement 
les armes à ses troupes et à simuler une de ces courses si fréquentes 
que faisaient les Francs durant ce siège, dans le but d'approvisionner 
leur camp; puis à opérer brusquement son retour par les montagnes 

^ Guillaume de Tyr, I. V, chap. xxi. 



198 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

qui étaient à droite du camp, afin de se rapprocher pendant la nuit 
des murailles au sud de la ville. 

Il y a donc tout lieu de penser que le «i juin 1098, en quittant le 
camp vers trois heures de l'après-midi , le prince de Tarente , après s'être 
avancé à l'ouest jusque vers le point oii se voit de nos jours le village 
moderne de Beit-el-Ma, qui a remplacé l'antique Daphné, se sera en- 
gagé dans le ravin qui vient en ce lieu se réunir à la vallée de l'Oronte 
et y sera demeuré embusqué jusqu'à l'heure convenue. 11 aura fait aloi*s 
remonter ses gens vers les murs d'Antioche par l'une des gorges qui se 
trouvent sur la rive droite de ce vallon, et les y aura laissés cachés 
jusqu à ce que les cinquante premiers combattants, s'étant approchés 
de la tour où commandait Firouz, aient pu pénétrer dans la ville par 
l'échelle attachée à l'un des créneaux de la courtine. 

Le nombre des sergents à pied qui accompagnaient Bohémond dans 
cette attaque était d'environ sept cents. Ce fut un interprète nommé 
Lambert qui s'approcha le premier du mur et qui, après l'échange 
d'un signal convenu à l'avance ^ adressa en grec la parole à Firouz^. 

L'échelle ayant été hissée à l'aide d'une corde et attachée à l'un des 
merlons du parapet, Foulcher de Chartres monta le premier sur le 
rempart, oii il fut bientôt suivi par ses compagnons. 

Ce qui établit d'une manière irréfutable que les Latins avaient réussi 
à s'approcher beaucoup des murailles de la ville, tout en demeurant 
cachés, c'est l'exclamation de Firouz à la vue du petit nombre des 
compagnons de Foulcher : 

Micro Francos écho m e^ ! 

Soixante guerriers environ étaient déjà montés et occupaient les tours 
confiées à la garde de Firouz, massacrant tous ceux qu'ils rencontraient, 

* Le jet d'an certain nombre de cail- * Tudebode, I. IV, chap. xx. 

loiix. * Orderic ViJal, 1. IX, chap. ix. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 199 

quand, à la demande de ce dernier, un homme d'armes lombard re- 
descendit et vint à Bohémond pour l'avertir qu ils étaient déjà maîtres 
de trois tours et qu'il fallait se hâter d'amener du renfort ^ . 

Un vent violent qui soufflait cette nuit empêcha les gardes des 
postes voisins d'entendre le bruit causé par ces divers événements; du 
reste, le silence le plus absolu était naturellement observé par les 
Francs. 

Plusieurs chefs avaient accompagné Bohémond, et, dès que celui-ci 
fut maître des premières tours, ils se hâtèrent de rentrer au camp pour 
diriger leurs troupes vers la porte du Pont. 

Le point du jour approchait, et, tous les compagnons du prince dt* 
Tarente se précipitant à l'envi , l'échelle se trouva tellement surchargée 
qu'elle entraîna le meHon auquel elle était accrochée, et sa chute causa 
la mort de plusieurs des assaillants. 

Les croisés cherchèrent alors à tâtons une poterne*^ qui était à la 
gauche de la tour des Deux Sœurs, et, l'ayant enfoncée, tous péné- 
trèrent dans la ville'. Ceux qui étaient sur les murailles se rendirent 
maîtres de dix tours sans un seul cri et sans que l'alarme eût été don- 
née dans Antioche. 

Guillaume de Tyr dit encore que ce furent ceux qui entrèrent par 
la poterne qui , massacrant tout devant eux , allèrent ouvrir la porte du 
Pont aux troupes restées dans le camp^. 

Pendant ce temps l'aube avait paru et le prince de Tarente fit éle- 
ver son étendard sur le sommet de la colline voisine du château. 

' Tudebode, De HierosoL iûnere, xvii. chAleaa en ae dirigeant vers Tangle sud- 

' Cette poterne, qui est assez basse. ouest de la ville (pi. XVII). 

existe encore et est parfaitement conservée ' Guillaume de Tyr, I. V, chap. xxii. — 

h la gauche de la tour d, que je considère Tudebode, De Hieraeolymùano itinere, xviii. 

comme ayant éié la tour des Deux-Sœurs, * Twleboduê abkreviatuê , \\\n, Hist. LaL 

et qui se trouve être la dixième è partir du de$ erwsadei, t. IV. 



200 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

La tour e se trouve au point le plus élevé de cette partie des murs 
d'Antioche. Elle est en vue de toute la ville et en face du château, dont 
elle est séparée par un repli de terrain. Gomme il est incontestable 
qu'elle était une des dix tours occupées par les compagnons de Bohé- 
mond, je pense que ce fut à son sommet que dut être déployée la 
bannière du prince. 

Les portes de la ville furent à peine ouvertes que les Latins se pré- 
cipitèrent en foule et Grent un grand carnage de la population mu- 
sulmane d'Antioche. Néanmoins un grand nombre de Turcs eurent le 
temps de se réfugier dans la forteresse. 

Les princes chrétiens reconnurent bientôt que leur succès demeu- 
rerait incertain tant qu'ils ne s'en seraient pas rendus maîtres, ils vou- 
lurent d'abord l'emporter de vive force; mais, dit Raimond d'Agiles, 
ils ne tardèrent point à juger que sa position inexpugnable rendait sa 
prise impossible autrement que par la famine. 

Si Ton se rappelle la situation de cette citadelle, d'après ce que j'en 
ai déjà dit dans la description générale donnée des fortifications d'An- 
tioche, on saura qu'elle s'élève sur une montagne dominant la ville; 
de plus, elle est entourée, de toutes parts, d'escarpements , excepté vers 
l'occident, et là elle n'est séparée des montagnes voisines que par un 
petit vallon assez étroit où vient aboutir l'unique sentier qui la met 
en communication avec la cité. 

Les chefs se résolurent donc à former le blocus du château en bar- 
rant ce passage par un retranchements 

J'ai dit plus haut que les compagnons du prince de Tarente s'étaient 
rendus maîtres de dix tours, dont ils avaient massacré les défenseurs; 
or, il se trouve que, la tour d étant admise comme celle des Deux- 

' Raimond d'Agiles, collection Guizot, t. XX, p. â68. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 201 

Sœurs, la onzième (/) est la dernière avant le château qui la domine, 
et auquel elle est reliée par le rempart. Cette tour est située sur la 
pente même de la hauteur que couronne la forteresse et devint, durant 
le temps que les musulmans furent encore maîtres du château, le 
théâtre d'actions héroïques où plusieurs croisés trouvèrent une mort 
glorieuse. 

Voici en quels termes Robert le Moine raconte le premier de ces 
épisodes : 

ff 11 y avait fort près du château et en contre-bas une tour dont Bohé- 
cr mond s'était déjà emparé et d'où il se disposait à diriger des attaques 
cr contre la forteresse, mais l'ennemi ayant repris courage se mit à acca- 
cr hier de traits et de projectiles ceux qui l'occupaient. Le lieu était étroit 
îr (c'était le chemin de ronde qui formait le théâtre du combat); de 
cr telle sorte que dans leurs attaques contre la tour les Turcs étaient obli- 
ffgés de s'avancer à la suite les uns des autres, le chemin ne permet- 
(T tant le passage qu'à un combattant à la fois. Dans cette lutte terrible 
crBohémond fut blessé d'une flèche à la cuisse, et, épuisé par la perte 
(T de son sang, il dut se retirer dans une autre tour voisine. Un des nôtres 
frétait resté dans la tour et, à la grande admiration de l'armée, soutint 
rrseul le choc des assaillants; puis, hérissé de traits et voyant qu'il n'y 
cr avait plus aucune chance de salut pour lui, il se précipita au milieu 
crdes Turcs, où il trouva une mort glorieuse. Son nom était Hugues le 
crForcenez; il était à la suite de Geoffroy de Monlcayeux.T? 

La possession de cette tour, témoin de la valeur de Hugues le 
Forcenez, parait avoir été le sujet de nouveaux engagements, comme 
nous le lisons dans Albert d'Aix : 

crUne tour, entre autres, était restée sans gardes; elle s'élevait sur 
fr la montagne vers le point où les Francs avaient fait un retranche- 
crment en terre, afin d'arrêter les sorties des défenseurs du château. 

96 



202 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

(r Quelques musulmans, ayant reconnu Tabandon de cette tour, Toccu- 
trpèrent pendant la nuit, espérant avoir ainsi un moyen de prendre 
trroflensive contre la ville; mais les chrétiens qui étaient dans la tour 
cr voisine s'en aperçurent aussitôt. On vit alors Henri d'Hache, parent 
trdu duc Godefroi, s'armer rapidement et se précipiter vers cette tour, 
ff suivi de deux de ses proches, Françon et Sigmar, tous deux origi- 
crnaires de Mechel-sur-Meuse, pour tenter de déloger l'ennemi. Les 
ff Turcs se mirent alors en devoir de défendre la porte, et dans le 
(T combat Françon et Sigmar perdirent la vie; mais, de nouveaux ren- 
ff forts étant arrivés aux chrétiens, les musulmans furent enfin rejetés 
fT dans la citadelle, n 

Cette forteresse ne capitula qu'à la suite de la bataille d'Antioche. 

De l'aspect que présentent encore de nos jours les murailles d'An- 
tioche, on peut facilement préjuger ce que dut y être la domination 
latine. 

Cette ville n'avait été possédée que cinquante ans environ par les 
musulmans, qui, durant un laps de temps aussi court, ne purent guère 
modifier, d'une manière bien notable, l'aspect de cette cité essentiel- 
lement byzantine. 

Nous avons déjà dit que, depuis sa réédification, les empereui's 
grecs y avaient élevé, en outre, un grand nombre d'églises dont plu- 
sieurs étaient, par leur magnificence, célèbres dans tout l'Orient, des 
palais, des thermes, des aqueducs, etc. etc. La transformation des 
églises en mosquées parait avoir été le changement le plus considé- 
rable amené par la conquête arabe, car, quant à la population, nous 
savons qu'elle comptait encore dans son sein une grande quantité de 
Grecs et de Syriens chrétiens. 

Antioche, devenue capitale de la principauté qui porta son nom, ne 
cessa pas dès lors d'être considérée comme la ville la plus importante 



DES CROISÉS EN SYRIE. SOS 

de la Syrie, après Jérusalem. Ses princes comptaient parmi leurs vas- 
saux les seigneurs de Saône, de Margat, de Mamendoû, de Sourval, 
de Hazart, du Cerep, de Harrenc, de Soudïn, et une foule d'autres 
que nous voyons figurer dans les actes du temps. 

Leur cour, à l'exemple de celle d'un souverain, comportait toutes 
les grandes charges d'un Etat, car on y voyait un maréchal, un chan- 
celier, un connétable, un sénéchal, des chambellans, des bouteillers, 
un vicomte et un trésorier d'Antioche. De plus cette ville était le siège 
d'un patriarche qui avait de nombreux suffragants. 

Si nous recherchons ce que disent de ces monuments les voyageui*s 
de cette époque, nous saurons, par Vilbrand d'Oldenbourg, qu'au mi- 
lieu de la ville s'élevait la basilique de l'apôtre saint Pierre, devenue 
église patriarcale, et qu'on y voyait le tombeau de l'empereur Frédéric 
Barberousse^ 

Non loin de là, une église byzantine, en forme de rotonde, était 
dédiée à la Vierge et renfermait une image miraculeuse de Notre-Dame, 
en grande vénération parmi les Grecs. 

Vers l'extrémité orientale d'Antioche , le monastère de Saint-Paul se 
trouvait sur les premières pentes de la montagne, et l'on y remarquait 
surtout une petite crypte ornée de mosaïques à fond d'or où , d'après 
la tradition, saint Paul écrivit ses épitres. Cette chapelle était très- 
révérée et avait devant ses portes les tombeaux de Burchard de Mag- 
debourg, d'Oger, comte d'Oldenbourg, et de Wilbrand, comte d'Har- 
lemont. C'est au pied de cette même colline que s'élevait l'église placée 
sous le vocable de l'évangéliste saint Luc, et dont les restes se voient 
encore dans le cimetière latin qui se trouve en ce lieu. 

Dans 4e flanc de la hauteur que couronne le château se voit une 

^ Peregrinatores medii œvi quatuor. Ed. Laurent, I^ipsick, 186&, p. 17*2-173. 

36. 



204 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

grotte, aujourd'hui changée en santon, mais qui alors était un ora- 
toire, et où, suivant la tradition locale, sainte Marie-Madeleine se serait 
retirée pour faire pénitence. 

A la base de la montagne était la basilique de Saint-Jean-Chr)- 
sostome, et sur la troisième colline comprise dans l'enceinte d'Antioche, 
c'est-à-dire vers l'ouest, se trouvait l'église Sainte-Barbe. 

En outre, on comptait encore dans cette ville un grand nombre 
d'autres églises, dont les plus importantes étaient celles des Saints 
Côme et Damien, de Sainte-Mesme, de Saint-Siméon, etc. etc., men- 
tionnées par le Cartulaire du Saint-Sépulcre. 



ASCALO^i. 



Ascaloii s'élevait ru bord de la mer. à égaie distanœ de Gaze e! 
il'Ibelin. Là, au milieu de jardins, aujourd'iiui envahis par les sableij. 
giseiil à demi enfouies les ruines de la ville du moyen ûge qui avait 
remplacé l'antique rite phénicienne dont elle a conservé le nom. 

Quand, en l'année i i&i, les croisés s'emparèrent de cette place, 
elle était défendue par des murailles byzantines nu du moins élevées 
par les Arabes d'après le même système. 

Une fois maîtres de la ville, les Francs y ajoutèi'ent de nouveaux 
ouvrages et réédifièrent une grande partie de Tenceiiite. Mais il est 
probable que la disposition du terrain les conti'aignit à ne pas s'écarter 
beaucoup du jdan primitif. Les débris qui subsistent encore de ces 
murs pei'niettent d'en suivre tout le périmètre. 

Le pian généi'ai de la ville est celui d'une demi-circonférence de 
65o mètres de rayon environ, appuyée à la mer et formée de collines 
d'une élévation moyenne de i5 à i6 mètres. Quoifjne l'historien 
(îuillaume de Tyr les considérât comme élevées de main d'homme, 
elles me paraissent en grande partie nalurelles, A leur sommet est bilti 
le rempart. 

Aux deux extrémités nord et sud d'Ascalon, vers la mer, les mu- 
railles venaient s'am^ler à des ouvrages considérables, complètement 



206 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

ruinés aujourd'hui. Le plan de celui qui est à lextrémité sud est seul 
reconnaissable : cest un parallélogramme de 3 mètres de long sur 
une largeur de lâ, divisé intérieurement en deux pièces par un mur 
de refend percé d'une porte. Malheureusement le tout est dérasé à 

I mètre du sol. 

De la tour placée en vis-à-vis au nord de la ville, on ne voit plus 
que d'énormes pans de murs renversés tout d'une pièce et qui semblent 
n'avoir pu être projetés de la sorte que par un tremblement de terre 
ou par une mine. 

Du côté de la mer, c'est-à-dire à l'ouest, il ne subsiste maintenant 
que de faibles traces des murailles qui revêtaient les falaises. 

Les courtines formant les parties sud et sud-est de l'enceinte étaient 
flanquées de tours carrées de 6 à 8 mètres de côté. La hauteur pri- 
mitive de cette muraille parait avoir été de i o mètres environ. 

L'épaisseur du rempart est de 3 mètres t/s. 11 se compose d'un 
blocage de moellons noyés dans un bain de mortier, et le revêtement 
est en pierres de taille de petit appareil. Au dehors apparaissent des 
fûts de colonnes antiques, engagés transversalement dans l'épaisseur 
de la muraille, suivant un usage généralement adopté à cette époque, 
aussi bien par les musulmans que par les Francs. 

Aux XII® et \uf siècles on avait l'habitude d'établir, en avant des 
murailles des villes, des lignes de palissades formant ce que l'on appe- 
lait alors les lices de la place. Parfois aussi elles étaient plantées sur 
des ouvrages avancés et formaient des barbacanes devant les portes. 

II est probable que des défenses de cette nature précédaient les rem- 
parts dont l'étude nous occupe en ce moment; mais elles ont disparu 
sans laisser aucune trace. 

Malheureusement les restes de l'enceinte, dérasés sur la plus grande 
partie de leur hauteur primitive, sont pour ainsi dire ensevelis sous 



DES CROISÉS EN SYRIE. 207 

d'énormes dunes amoncelées par le vent du midi, et qui peu à peu se 
sont élevées jusqu'à la hauteur même de la base des murs. Ceux-ci 
s'étant écroulés en beaucoup de points, les dunes ont pénétré par les 
brèches jusque dans la ville et s'y déversent incessamment, formant 
ainsi à droite et à gauche du rempart un talus mobile et glissant. 
D'après Guillaume de Tyr, la porte qui s'ouvrait au midi se nom- 
mait porte de Gaze, mais elle est complètement cachée sous un man- 
teau de sable. 

Vers l'est était la porte dite de Jérusalem , dont on voit encore des 
traces, et que nous trouvons décrite en ces termes au xxn* chapitre du 
XVII* livre de Guillaume de Tyr : 

ffLa première porte qui siet devers Orient a nom porte Major de 
ff Jérusalem, parce que par iluec vet l'en à la sainte cité. Iluec a deus 
cr tors de çà et de là grosses et hautes signes, c'est la greindre forteresse 
cr de la ville. En la barbaqane devant a trois issues qui meinnent en 
cf divei's leus. t> 

La porte proprement dite a disparu. Bien que fort endommagés, 
les restes de l'ouvrage avancé qui la précédait sont encore très-recon- 
naissables. Ainsi qu'on peut le voir par le plan , celte barbacane était 
d'une forme très- irrégulière. Elle se composait d'un mur de 2 mètres 
d'épaisseur; un escalier encore intact au mois de décembre 1869 me 
permit d'atteindre le niveau du chemin de ronde qui le couronnait. 
Son élévation était de 8 mètres environ. Une tourelle A , dont on ne 
voit plus que les fondements, flanquait une des trois entrées qui s'ou- 
vraient dans les autres faces de cet ouvrage. 

La grosse bastille B , qui commandait l'ensemble de ces défenses, me 
parait être une imitation des (ppovpcu ou maîtresses tours byzantines. 
Selon toute probabilité, c'était une des deux tours signalées ici, par 
l'historien des croisades, comme les principales défenses de la place. 



208 MO^UMENTS DE L'AfiCHITECTURE MILITAIRE 

11 est bien à regretter que cet importanl ouvrage, dont it ne subsiste 

plus que la base, n'ait pas été décrit et relevé alors qu'il était encore 

presque entier, sa destruction ne remontant guère qu'à une vingtaine 

d'années, à en croire ce que m'ont assuré les habitants du village de 

Djorah. 

C'est au sud de cette entrée que ae trouvent les restes les mieux 

Fig. 5a. 




conservés des murailles d'Ascalon. Outre le rempart proprement dit, 
qui existe au sommet des tertres décrits plus haut, elles comprenaient 
un avant-mur élevé à mi-côte, à l'imitation du lapotdxiff^uL des By- 
zantins. 

On voit encore de nombreuses traces de cette première ligne de 
défenses, en avant de laquelle régnaient des fossés aujourd'hui comblés 
par les sables. 

Ibn-el-Atyr nous a laissé une relation du siège d'Ascalon par Saladin, 



DES CROISÉS EN SYRIE. 209 

où se trouve un passage relatif à cette muraille : crH (Saladin) corn- 
er mença alors le siège avec une grande diligence et dressa ses machines 
cr contre la ville. Les mineurs ayant réussi à s approcher des murs, une 
cr partie de la première enceinte fut enfin prise. -n 

Sur ce même point se trouvent en D, à Tintérieur de la ville, les 
débris des murs de soutènement d'une terrasse régnant le long des 
remparts et qui formait place d armes un peu en contre-bas du chemin 
de ronde. En a, entre le mur de la barbacane et la tour arrondie, et 
à peu près à égale distance de l'une et de l'autre, une poterne s'ouvre 
dans la courtine. Elle donnait accès dans l'espace qui sépare les deux 
enceintes. 

x4u nord, des jardins remplissent l'enceinte d'Ascalon et les arbres 
poussent parmi les ruines. L'emplacement de la porte de Joppé se 
reconnaît encore, et elle était dominée à l'est par une grosse tour 
ronde dont les fondements étaient encore en place quand je visitai 
ces lieux. C'est une de celles que signale Guillaume de Tyr comme 
défendant chacune des portes de la ville. 

Entre cette porte et la mer se trouvent, au milieu de la riche végé- 
tation qui recouvre aujourd'hui une partie de la ville du moyen âge, 
les restes d'une petite église. Son plan est parfaitement reconnaissable : 
elle était formée de trois nefs terminées en abside (pi. XIX). 

La périphérie totale de ces murs est d'environ i,5oo mètres. Mais 
il faut, hélas! prévoir que, dans un avenir évidemment peu éloigné, 
Ascalon aura totalement disparu, car ses ruines sont une carrière que 
l'on exploite continuellement pour en extraire et en exporter des ma- 
tériaux de construction. 

Baudoin III, roi de Jérusalem, enleva Ascalon aux infidèles le 
1 2 août 1154 et la donna en fief à son frère Amaury, qui prit le titre 
de comte de Japhe et d'Ascalon. Plus tard cette place passa à Guil- 

37 



210 MONUMENTS DE L'ARGHITECTUKE MILITAIRE, ETC. 

laume Longue-Epée, marquis de Montferrat, à qui succéda Guy de 
Lusignan. 

A la suite de la bataille de Hattin la ville fut assiégée par Saladin , 
et après une résistance énergique les habitants offrirent de capituler, 
lis réclamèrent pour principale condition la mise en liberté du roi \ de 
son frère Amaury, de Tévêque de Saint-Georges de Lydda et de douze 
autres nobles personnages. La reddition eut lieu le k septembre 1 189. 

Les Francs ayant repris Acre le i3 juillet 1191, Saladin fit aussitôt 
démanteler Ascalon, dans la crainte que cette place ne devînt un point 
d'opération pour l'armée chrétienne. 

Depuis, lo roi d'Angleterre occupa ces ruines et commença à en 
réparer les fortifications; mais il dut bientôt y renoncer, par suite de 
la trêve qu'il conclut avec Saladin^ le 2 septembre 1 192. Les Francs 
tentèrent vainement de s'y fortifier de nouveau dans le cours du 
xni^ siècle. A partir de ce moment, Ascalon tomba dans un abandon 
dont elle ne se releva plus. 

' Rad. de Cogghessa]. AmpUsêima col- ' Conl. de Guillaume de Tyr. i. XXVI, 

leclio, t. V, p. 564 et 565. ch. m. 



TORTOSE. 



L'enceinte de Tortose reproduit en plus grand la forme du cliâleau. 
C'est un quart de cercle appuyé à la mer et d'un rayon moyen de 
35o mètres environ {pi. XX). EHe consiste en une muraille dv a^.^o 
d't5paisseur, construite en gros blocs taillés à bossage. Munie d'nn fossé 
large et profond creusé dans le roc vif et rempli par ia nier, elle se 
trouvait complètement k l'abri des travaux du mineur. Les saillants 
sont barlongs, mais leur relief sur la courtine est faible et les (lan- 
i|uements en sont de peu de valeur, comparés li ceux du château. 
Cependant, tout imparfaite qu'elle était, celle défense pouvait iHre 
considérée comme très-sérieuse au xn" siècle, quand la sape formait le 
moyen d'attaque le plus redontahle de l'assiégeant, d'autant plus qu';\ 
l'époque nù furent élevés les murs de Tortose, on avait déjà généra- 
lement adopté l'usage d'établir en arrière de la courtine des plates- 
formes terrassées, destinées à servir d'aire pour rétablissement des 
grands engins, tels que pierrières, trébuchets ou niangonneaux, dont 
le tir parabolique lançait à une distance considérable des projectile.^ 
de pierre du poids de loo à i5o kilogrammes'. 

Au nord, le renqiart se voit encore sur toute sa longueur et pn'- 

Viollel-le-Duc, Archileclure militaire, el Diclionnaire d'arehileeiare , p. aaù et suiv, 



212 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

sente trois grands saillants. Bien que dérasé sur une partie de sa 
hauteur, il a conservé une élévation de plusieurs mètres au-dessus du 
sol. Son mode de construction était identique à celui du château, et il 
devait être couronné par un chemin de ronde muni d'un parapet cré- 
nelé semblable à ceux de cette forteresse. 

Vers l'est, la muraille n'existe plus que sur la moitié environ de 
son développement primitif, et, sur la plus grande partie des faces sud 
et sud-est, son tracé est seulement indiqué par le fossé, qui, bien 
qu'aux trois quarts comblé , est toujours reconnaissable. 

Cette enceinte parait n'avoir été percée que de deux portes: l'une, 
restée presque intacte, est dans la face nord, tout près du château; 
et l'autre, dont on voyait quelques traces il y a peu d'années, s'ouvrait 
au sud vers Tripoli. 

Durant tout le moyen âge et jusqu'à l'invention de l'artillerie à feu, 
les portes étaient considérées comme les points vulnérables d'une 
place; aussi n'en laissait-on que le nombre strictement nécessaire. 

Celle qui se voit encore ici est assez bien conservée pour que Ton 
y retrouve facilement les divers détails de ses défenses et de son mode 
de clôture. Un pont en charpente qu'on pouvait enlever facilement en 
cas de siège, et dont on voit encore les encastrements, était jeté sur 
le fossé. A droite et à gauche, cette porte est protégée par deux 
grandes meurtrières; elle est large de 3 mètres et était fermée comme 
celle de la forteresse par des vantaux ferrés et une herse (fig. 53 et 54). 
Elle était également défendue par un mâchicoulis. L'étage supérieur de 
cet ouvrage, où étaient placés les treuils de la herse, est aujourd'hui 
fort endommagé. On peut cependant reconnaître qu'il était ouvert à la 
gorge. On y accédait parle chemin de ronde du rempart; ce qui, joint 
à la disposition des défenses et à l'installation qui parait avoir été 
donnée ici aux manœuvres des herses, devait lui donner une assez 



DES CROISÉS EN SYRIE. S13 

grande analogie avec la porte Saint-Lazare d'Avignon, élevée vers le 
milieu du xiv* siècle, et dont ce système de porte fut peut-être le 
prototype. 

Fig. 53. 




On ne r-iiiirait dîn.' yi la ville lut en cornmuiiicalion directe avec if 
fliàteiiii. et cppenilfiiil II est probable que ce deiiiier [losst^dail (|iiidi]iii.' 




[lulei-ri*? (lîiiis ta partie de sa premiùi-e enceinte disparue sous les mai- 



214 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

sons de la bourgade moderne de Tortose. Cette issue devait permettre, 
en cas de besoin, aux habitants de la ville et aux défenseurs du rem- 
part de chercher un refuge dans la forteresse. 

Au point où le rempart vient aboutir à la mer, une grosse tour 
carrée, munie de talus de maçonnerie à sa base, formait Tangle de la 
ville. Bien que ses débris soient fort mutilés, il est facile d'y recon- 
naître les ruines d'un ouvrage analogue à celui dont on voit les restes 
au nord de la porte de Jérusalem, à Ascalon. Malheureusement ici 
encore nous devons déplorer la destruction récente d'un étage de 
cette tour que les siècles n'avaient pas entamé et qui fut démoli par 
les Egyptiens en 1860, pour réparer un petit fort qui s'élève près de 
là dans l'île de Rouad. 



ZIBLET OU GIBEL. 



Au ccniiiiH'iicemeiit de ce livre j'ai dit, eu parlant du cliilleaii de 
Maigat, que la ville moderne de Djebleli avait remplact^ l'antiiiue 
Galialuri). On v voit encore un ma[;nifîque ihédtre de IV'po^jue roniaiin' 
jiai'venu à peu près intact jusqu'à nous, et qui fut transfoniK^ en 
cliâleau au leuq)S des croisades. On se borna alors A murer la plu|)iirt 
<les onverlures et à le flanquer de tours carrées massives ap])liqu(''«s 
aux angles et sur le pourtour. Seulement, comme ces constructions 
nOVaienl moins de résistance (|ue la maçonnerie antique, elles ont 
presque enlii^renient disparu pour fournir les matériaux des maisons 
modernes el de la mosquée du sultan Ibrahim. 

PemIanL les croisades celle ville fut le siège d'un éviSdié ', i-l j'ai 
décrit plus liant son port, ]i. lyG. 

Quanti je visitai Djebicli au mois de septembre iS^çj, il exislaîl 
encore au sud-est de la ville, sur une assez grande longueur, des resl.-s 
de l'enceinte élevée par les croisés. Elle était construite en gros blocs 
taillés k bossage et les courtines étaient flanquées de saillants carrés 
ou barinngs. ce (jui rendait ces murs di- tous points semblables à ceux 

' LeK lùimillen il'milrf'mer, Sjrie Soiiilc, p, 7g5. 



216 MONUMENTS DE LARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

de Tortose. Bien que dérasée à 3 mètres du sol , cette portion d'en- 
ceinte présentait néanmoins un vif intérêt et pouvait servir de point 
de comparaison avec d'autres murailles de ville. Malheureusement en 
1864 je constatai qu'il n'en restait plus trace. 



- « 



GIBLET. 

(DJEBAiL.) 



Sui' les ruines de i Rriti(|iie Bvlilos, ia ville .sucrée des Pli^niciens . 
sVli^ve aujuui'd'litii une bourgade arabe nommée Djebaïl, que domine, 
comme je l'ai dit plus haut, un vieux rhâteaii franc du xii*" siècle. Gf 
village est oiilouré de restes des rempai-ts construits au temps de la 
diiinirialioii latine; mais l'enceinte est trop vaste pour le petit nombre 
des jtabitants, et inie grande partie est occupt'e par des jaidins. An 
milien. une vieille cathédrale gothique', élevée par les croisés, sert 
encore aujourd'hui, sons le nom d'église Saint-Jean, aux chrétiens 
catholiques qui formenl la majeure parlie de la jiojiutalinn de Dj(d>aïl. 

Il est souvent fait mention de cette vill« par les historiens des guerres 
saintes, qui rappellent Giblel. Avant été enlevée au\ Sarrasins en 
1 1 o(j par Hugues de Landtriac, ([ui en devint scignfur, les membres 
de cette rnriiille prirent dès lors le nom de Giblel ■'. 

(Ifunme place maritime et ville épiscopale dépendant du cnmie 
de Ti'i[)oli, elle joua un rôle assez important |iendant la durée du 
l'ovainiie de Jérusalem, 

Son poi't. assez vaste, est formé d'nne baie déterminée pai' deux 
|)ointes du rivage et par deus jetées, aux extrémités desquelles se 
voient encore les traces des toui"s qui jadis défendaient ia passe. 

' Lfs ^fflito, ,U Terre Smnf . por M. .le " F<imiU,^s d'ovUe-m'-r, les seif.m-ii.'s yU- 



218 MONUMENTS DE L ARCHITECTURE MILITAIRE 

Sans être aussi considérables que celles de Tortose, les murailles de 
Djebaïl nous fourniront cependant le sujet de quelques observations 
intéressantes. Le plan général de la ville, bâtie en amphithéâtre, forme 
un vaste trapèze d'une longueur de 3oo mètres sur une largeur 
moyenne de 2 5o. Sur trois de ses côtés, Giblet était munie de rem- 
parts; le quatrième était appuyé à la mer (pi. XXI). 

Comme à Tortose, celte enceinte consistait en une muraille flan- 
quée de saillants carrés; mais, au point de vue de la construction, elle 
est bien inférieure à la précédente. Elle était bâtie en pierres de moyen 
appareil , avec des fûts de colonnes antiques engagés transversalement 
dans l'épaisseur des murs. Une porte qui s'ouvrait au nord, sur la 
route de Tripoli, est aujourd'hui murée; la seconde entrée de la ville 
était percée dans la muraille orientale, sous le commandement du 
château. 

Malheureusement cette enceinte ne pourra nous donner que le plan 
de la Giblet des croisades, car sur presque tout son pourtour l'œuvre 
des Francs n'a conservé qu'une élévation de quelques mètres et est 
surmontée de constructions relativement très-modernes. 

D'après ce que nous apprennent les historiens des croisades, on ne 
saurait attribuer aux murailles dont nous étudions les restes une date 
antérieure aux premières années du xni^ siècle, attendu que, comme 
je l'ai déjà dit, en 1 190, à la nouvelle de la croisade de l'empereur 
Frédéric Barberousse, Saladin (it démanteler le château de Giblet et 
raser les murailles de cette ville, ainsi que les châteaux de la Liche 
(Laodicée) et de Barut. 

Ce ne fut qu'en i 197 ou 1 199 que Gui de Giblet^ put rentrer en 
possession de la ville dont il portait le nom. Par leur caractère et la 

' Familles d'outrc-mer, les seigneurs de Giblet. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 219 

nature des matériaux employés, les débris de l'enceinte semblent plu- 
tôt contemporains de cette époque que de la construction du château , 
auquel je crois pouvoir assigner comme date la première moitié du 
\\\f siècle. 

Gibiet demeura au pouvoir des Francs jusqu'au mois d*août 1366; 
elle fut assiégée alors par Témir Nadjyby S lieutenant du sultan Malek- 
ed-Daher-Bybars, en Syrie. Ses défenseurs, serrés de près et con- 
vaincus qu une plus longue résistance serait sans espoir, profitèrent 
d'une nuit orageuse pour évacuer la ville et se retirer à Tripoli. 

' Auteur anonyme de la vie de Bybars. 



a8. 



1 



CÉSARÉE. 



Pai' suite de sa position eulre Acre et Japhe, Césarée avait, comme 
point stratégique, une grande importance militaire. Aussi, durant la 
première moitié du xni' siècle, lut-elle plusieurs fois le théâtre de luttes 
acharnées entre les chrétiens et les musulmans. 

Saiadin, sen éUint rendu niailre en i 187. hl démanteler son clifl- 
teau et ses inui-s. 

Reslaui'ée par Gautier d'Avesue '. en t -j 1 8 , cette Inrteiesse lui 
dans la même année enlevée aux Génois ^ qui la détendaient, par le 
sultan Malek-Mohaddam. Reprise par les Francs' dix ans plus tard, 
elle retomba de nouvean au p<mviiir des musulmans, (|iii ta ruinèrent 
derechef. Enlin , an mois de mars i-j5i, saint Louis vint s'installer à 
Césarée, oi!i il demeura jusqu'au mois de mars de l'année suivante, 
occupé à fortifier cette cité, dont les tours et les murs avaient été reti- 
vei-sés |)ar les Sarrasins, nous dit Joinvillc. 

Le plan général de cette enceinte, dont un voit encore les mines, 
présente à peu près, comme celui de Giblet, la forme d'un trapèze ap- 
puyé à la mer {pi. XXII). Du nord au sud, la ville mesurait environ 
fjoo mètres sur une largeur moyenne de a5o à 3oo. La partie du 

' Cont, .le Guillnuiii.. de Tyr, I. X\M, ' l'..inl. do Gulllounie de Tyr. l. XXXII. 

cliap. MM rli«|.. V — ' Id. I. XXXll. cU. Mv, 






222 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

rempart qui forme l'escarpe du fossé, revêtue de talus, est demeurée 
intacte, et son tracé est encore presque partout très-reconnaissable. 

Sur trois côtés, tours, courtines et portes semblent avoir été élevées 
simultanément, tant il y a d'homogénéité dans le plan et dans la cons- 
truction. Toutes les tours sont barlongues, régulièrement espacées 
et revêtues à leur base, ainsi que les courtines, de grands talus de 
maçonnerie les arc-boutant contre l'effet des tremblements de terre. 

Quand je visitai ces ruines, au printemps de l'année i858, bien 
que tours et murailles fussent presque partout dérasées au niveau du 
sol de la ville, on voyait encore les restes de trois tours au nord, de 
dix à l'est et de quatre vers le sud. De ce côté, une porte A , assez bien 
conservée, entre la seconde et la troisième tour, était alors la seule qui 
restât au milieu de ces ruines, qui chaque jour disparaissent, exploi- 
tées pour fournir des matériaux aux constructions modernes de Ram- 
leh et de Jaffa (pi. XXII). 

Vers la mer il ne subsiste plus que les arasements des murailles. 
Là une échancrure du rivage B , s'enfonçant entre deux pointes de ro- 
chers à fleur d'eau, formait autrefois le port. Au temps des croisades, 
une petite jetée, construite avec des pierres enlevées aux édifices an- 
tiques de la ville d'Hérode, fut ajoutée à la pointe nord. Sur le pro- 
montoire qui s'étend au sud était bâti le château. Selon toute appa- 
rence, il a remplacé, après bien des siècles, la tour dite de Straton, 
qui parait s'être élevée en ce lieu ^ 

Cette forteresse , dont le principal ouvrage semble avoir été un gros 
donjon carré G, ne présente plus qu'un amas de ruines bouleversées. 
Mais, par le peu qui en reste, on peut reconnaître facilement qu'elle 
dut avoir quelque analogie avec le château maritime de Saïda. Un 

' Giiérin , Ora Pakstinœ, 



DES CROISÉS EN SYRIE. 



223 



nombre énorme de fûts de colonnes antiques était engagé dans les 
murs de ce réduit. Une coupure dans le rocher, comblée aujourd'hui 
par les décombres et par le sable, l'isolait de la terre ferme. 

En face du château se voient les ruines de la cathédrale D : c'était 
une grande église, à trois nefs terminées en abside, semblable à celle 
que nous trouvons encore à Naplouse et à Sébaste. Trois des contre- 
forts de la façade sont toujours debout. Au-dessous régnait une crypte 
voûtée en plein cintre , intacte quand je la visitai. 

L'enceinte qui doit faire le principal objet de cette étude remonte 
donc à l'année i25i, époque à laquelle le roi saint Louis fit relever 
les murailles de Césarée. 



Fig. 55. 




l-H-l-'-t i 

• / fil 



Nous nous trouvons en face d'une œuvre bien supérieure aux en- 
ceintes que nous avons vues jusqu'à présent. Un grand progrès a été 
accompli; ce ne sont plus les tourelles carrées d'Ascalon, ni les sail- 
lants baHongs faisant corps avec l'enceinte, de Djebleh, de Tortose ou 
de Giblet. Ici des tours très-saillantes sur la courtine fournissaient 
des flanquements sérieux. 

Elles sont toutes construites sur le même modèle et séparées les 
unes des autres par une distance qui ne dépasse guère lio mètres. 
Leur forme est barlongue , mesurant 1 1 mètres de long et 9 en largeur. 
Chacune d'elles renferme au rez-de-chaussée, et s'ouvranl au niveau du 
terre-plein de la ville, une salle percée de meurtrières qui permettaient 
aux défenseurs de prendre d'écharpe un ennemi qui serait parvenu 



224 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

dans le fossé. D'après le peu qui en reste, les voûtes de ces salles 
paraissent avoir été composées de deux Iravées appuyées sur un arc 
doubleau. 

La tour E, la moins endommagée de toutes et dont nous donnons ici 
la vue et le plan (fig. 55), était munie d'une poterne communiquant avec 
le fossé par un petit escalier placé sous le commandement des défenses 
supérieures de la tour. Les talus qui garnissent la base de toute cette 
enceinte ne sont point massifs. Le plan incliné en pierres de taille est 
supporté par une voûte en quart de cercle, formant au pied du rem- 
part une galerie de contre-mine où le jour pénétrait par de grandes 
fentes semblables à des archères s'ouvrant à la partie supérieure du 
talus. C'est le premier exemple que nous trouvions, en Syrie, de me- 
sures prises, dans une enceinte de ville, pour mettre l'assiégé à même 
d'exécuter des travaux de contre-approche. 

Il est positif que l'art du mineur fit de grands progrès durant les 
croisades, et qu'au commencement du xin* siècle il était déjà très- 
avancé. La galerie dont nous nous occupons permettait aux assiégés de 
contre-miner sûrement les travaux d'un ennemi qui aurait tenté d'at- 
teindre les murs de la ville, en passant sous le niveau du fond du fossé, 
par une galerie eu tunnel taillée dans le roc. En France, nous voyons 
à la base de la chemise du donjon de Coucy, élevée en i 2-25, une ga- 
lerie de contie-mine semblable, également ménagée sous le talus dont 
elle est revêtue. 

Quant à l'élévation et au couronnement des tours et des courtines 
qui les reliaient, nous en sommes réduits à des conjectures; car l'ou- 
vrage que nous avons reproduit, bien que le mieux conservé, ainsi que 
nous l'avons dit, ne s'élève plus au-dessus de la naissance des voûtes 
de la salle du rez-de-chaussée (fig. 56). 

Les matériaux qui ont servi à la construction des murs de Césarée 



DES CROISÉS EN SYRIE. 2S5 

sont généralement de petite dimension; les tours et les murailles sont 
bâties en pierres de très-petit appareil; les talus de la face sud sont 
composés de pierres noires fort dures qui me paraissent d'origine vol- 
canique. 

Malek-ed-Daher-Bybars s'empara de Césaréepar surprise en laôB. 




et après la prise d'Acre le sultan Khalil-el-Aschraf en mina complète- 
ment les murailles, dans la crainte que cette ville ne devint un point 
de débarquement pour les Francs, en cas d'une nouvelle croisade. 

De l'étude que nous venons de faire des enceintes de plusieurs villes 
fortifiées par les Francs établis en Syrie, il résulte que les ingénieurs 
latins qui élevèrent ces murailles prirent pour types, tout en les modi- 



CHATEAUX DE CHYPRE. 



Le royaume fondé à Chypre pai' les Liisigiians, à la fin du xii' siècle, 
régi par les intimes lois que les colonifls de Terre Sainte, devint l'asile 
des populations franqucs de Syrie à la suite des revers «ssuyés par les 
croisas. 

La noblesse cliypriote était formée des familles qui avaient possédé 
les fiefs les plus importants des piiiicipaulés d'Anlioclie, de Tripoli et 
du royaume de Jérusalem. Retii'ées ;\ Chypre, elles continuèrent pen- 
dant trois siècles à jouer un rôle considérable dans tous les événements 
(jui s'accompliienl A cette époque en Orient. 

La position insulaire de Chypre mettant le pays à l'abri des inva- 
sions , les règles de la défense se trouvèrent complètement modilïécs. 
Sur un aussi petit espace . les grandes places de guerre étaient inu- 
tiles. Les édifices militaires se bonièi'enl donc aux murailles des villes 
maritimes, à des postes de surveillance élevés sur certains points du 
littoral de l'île et à quelques châteaux «le refuge. Ces derniers appar- 
tenaient au domaine royal, aucune habitation forliliée n'ayant été cons- 
truite par les grands vassaux; car le seigneur chypriote ne pouvait 
élever de forteresse sur son fief, attendu que la haute cour, présidée 
par le roi, pourvoyait seule à la défense du royaume. Il n'y avait point 
ici à redouter, comme en Syrie, des agressions incessantes de la part 



230 MONUMENTS DE L ARCHITECTURE MILITAIRE 

des musulmans. Les murailles élevées autour de plusieurs villes, telles 
que Paphos, Limassol ou Cerines, par les Lusignans, ont à peu près 
disparu ou ont été remplacées, au xv^ et au xvi*' siècle, par des fortifi- 
cations construites par les Vénitiens , ainsi que nous le voyons à Nicosie 
et à Famagouste. 

Les postes d'observation occupaient Textrémité des caps et permet- 
taient de surveiller les côtes. Ce sont de petites tours carrées élevées 
pour la plupart durant le xiv® siècle et présentant dans leur plan et 
leurs dispositions quelque analogie avec les tours-postes qui se voient 
encore en Syrie et que j'ai décrites dans le cours de ce travail. 

Gomme type de ces ouvrages, je donne la description et une vue 
de la tour qui se voyait encore en 1860, au cap Ghiti, près des salines 
de Larnaka . 

Quant aux châteaux, ils diffèrent totalement de ceux que nous 
avons étudiés en Syrie, et, bien que construits à l'époque où s'élevaient 
en France les derniers grands châteaux du moyen âge, c'est-à-dire 
pendant le xiv^ siècle , on ne saurait établir aucune comparaison entre 
eux. Les châteaux de Ghypre ont été l'objet d'une description som- 
maire de la part de M. de Mas-Latrie. Gette étude se trouve dans le 
rapport adressé par ce savant au Ministre de l'instruction publique le 
1 1 mai 18&6. 

Pour ces châteaux , on parait avoir suivi la règle qui existait dans 
l'antiquité, de choisir leur assiette sur les points les plus escarpés. 
Ge système en facilitait la défense, et l'art n'avait qu'à profiter de 
l'œuvre de la nature en la perfectionnant. Gonstruits ainsi sur des 
hauteurs à peu près inaccessibles, ils tiraient toute leur force de leur 
situation. Médiocrement fortifiés et sans caractère architectural bien 
tranché, ils rappellent quelques-unes des forteresses qui s'élevèrent 
en Alsace vers le même temps. 



DES CROISÉS EN SYRIE. SSl 

Les ingénieurs chypriotes semblent avoir été amenés à suivre cette 
méthode, par le choix d'escarpements jadis couronnés de postes for- 
tifiés, bâtis d'après les mêmes principes auxquels nous devons l'acro- 
pole d'Éleuthère, en Grèce, et ta forteresse judaîqae de Massada, au 
bord de la mer Morte. 

FiB.57 




Comme tjpe de poste , je vais décrire la tour du cap Chiti. 

Sa forme est un parallélogramme garni à sa base de talus de ma- 
çonnerie atteignant la moitié de sa hauteur totale. Elle est construite 
en moellons , avec revêtement en pierre de taille. La porte , à linteau 
carré, s'ouvre i environ dix pieds au-dessus du sol; un magasin et une 
citerne se trouvent dans le soubassement. La salle , qui constitue l'étage 
supérieur de cette tour, est voôtée en berceau. Un escalier ménagé 



232 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

dans Tépaisseur du mur occidental conduit à la plate-forme couron- 
nant Fédifice, et qui est munie sur tout son pourtour d'un parapet 
crénelé porté sur des consoles formant mâchicoulis. 

L'aspect de cette construction paraît devoir la faire attribuer au 
xiv*^ siècle, et Ton est frappé, en l'étudiant, d'y voir réunis la plupart 
des aménagements usités dans les blockhaus modernes. 



COLOSSI. 



Quoique ii'ayaiil pu visiter la tour de Colossi, j'en dirai cepeudaiil 
([iielcjnes intils, grâce aux croquis et ans reiiseigiienieiils relatifs à ccl 




t'difice, i]u'ont bien voulu me communiquer mon ami M. io comte 
Melfiiior dp Vogtiù.M. Dullioit, et M. de Mas-Latrie. 



23'i MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Le Colos, nom moderne de celte tour, était le chef-lieu de la coni- 
manderie de THôpital, dans le royaume de Chypre. Il s'élève à une 
heure de marche de la mer, enire la ville de Limassol et le village 
grec d'Ëpiskopi , appelé, au temps de la domination latine, la Piscopie 
des Corniers. 

C'est un carré de 21 mètres de côté, sur une élévation de 80 pieds 
environ, bâti en moellons noyés dans le mortier, avec revêtement en 
pierres de taille de petit appareil. Les murs mesurent 3 mètres d'é- 
paisseur et l'ensemble se compose de trois étages de salles. Celui du 
rez-de-chaussée, qui parait avoir dû servir de cuisine et de magasin, 
est divisé en trois pièces. 11 est un peu en contre-bas du sol et ne re- 
çoit de jour que par d'étroites ouvertures percées à une hauteur de 
8 à 10 pieds. 11 ne communique avec le dehors que par une po- 
terne placée au-dessous de la porte principale de la tour, qui ici, 
comme à la tour des Salines décrite plus haut, s'ouvre dans l'étage 
du milieu, à une élévation assez grande au-dessus du sol. Une rampe 
se voit encore, amenant au niveau de cette porte, qui est ogivale et 
qui était jadis munie d'un pont-levis dont on retrouve les traces. 

Une échauguette disposée dans le parapet de la terrasse défend 
cette entrée. Elle est portée par six consoles formées chacune de trois 
contre-lobes en retraite , et réunies par des arcades ogivales trilobées 
(fig. 59). Ces mâchicoulis présentent une ressemblace frappante avec 
ceux qui se voient encore au château du roi René, à Tarascon ^ L'é- 
tage dans lequel on pénètre est divisé en deux grandes salles voûtées 
en berceau ; celle de gauche est elle-même subdivisée par un mur de 
refend. Dans celle de droite s'ouvre une trappe qui permettait do des- 
«cendre dans l'étage inférieur quand la poterne était fermée. Ces salles 

' Voir Viollel-le-Duc , Dictionnaire d'architecture, t. Vi , p. ai a. 



DES CROISÉS EN SYRIB. 1235 

se trauvaient éclairées par des fenêtres percées dans les faces nord 
et ouest, sur lesquelles avaient été également disposées, à chaque 
étage, des latrines prises en encorbellement. 

Un escalier à vis de trente-quatre marches dessert l'étage supé- 
rieur, qui semble avoir formé le logement du commandeur. 11 com- 
pri'iifi deux vasLrs salli^s de i G mètres de long sur une largeur de H. 
Le mur de refend qui les sépare est percé de deux portes ogivales. 

Vig 59 




A ces murs sont adossées deux cheminées aux manleaiix ornés d'élô- 
[Tiinles arabesques dans le style du xv' siècle. 

Quatre fenêtres, à plein cintre surbaissé, sont pratiquées dans l'é- 
paisseur du mur. qui n'est plus, eu ce point, que de a mètres envi- 
ron. Des bancs de pierre étaient ménaf^és dans chaque embrasure. 

An delà de cet étage, l'escalier continue et vient aboutir, sous un 
lanteirion, ît la terrasse qui coitidtiTie la lour. Elle mesure 20 nièlres 
de côté, et au centre se voient les cheminées des deux salles de l'élage 
supérieur. Tout autour régne un parapet crénelé avec meurtrières 



236 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRR 

refendues dans l'axe de chaque merion. A l'ouest de la terraase s'ouvre, 
dans l'épaisseur du mur, un conduit destiné peut-être à amener les 
eaux pluviales dans une citerne aujourd'hui comblée, et qui existait 
autrefois au-dessous du rez-de-chaussée de la tour. La construction de 




cet édifice paraît, d'après son caractère architectural, devoir être attri- 
buée au XV* siècle, et nous en avons une preuve manifeste dans l'or- 
nementation de la façade orientale, qui est décorée de quatre écussons 
en marbre blanc incrustés dans une grande croix'. Au centre de ces 
emblèmes est l'écu royal des Lusignans, car les propriétés des Hospi- 



' Mn9-La[rie, Annaksdti Mistiont teietitifiqut», l. 1, p. Ail 



DES CROISÉS EN SYRIE. 337 

taliers en Chypre étaient toujours subordonnées au souverain domaine 
du roi. L'écu écarlelé de la croix de Jérusalem , du lion sur champ 
burelé des Lusignans, du lion d'Arménie et du lion de Chypre , ne peut 
être antérieur à l'année iSgS, époque de la réunion des trois rou- 
ronnes dans les armes de la maison royale de Chypre. Mats cette cir- 
constance ne précise en rien l'âge de la tour, qui est probablement 
plus aiicicmif qui* li's aniioiritis tloiil ello osl encore atijourd'liui décr)- 
rée. Li- bras gauchi?, le bras droit et le croisillon itilérifur dr bi jjrande 
croix ligurée sur la façade, reuferuient d'autres écussoiis de plus petit»* 
dimension que l'écii royal. Le premier écu est écartelé, au premier el 
au quatrii^^me quartier, de ta croix de l'ordre de l'Hôpital, dis|)(isifiuri 
qui indique toujours les armoiries d'un grand maître: au deuxième et 
au troisième d'une fasc*>, emblème héraldique d'Antoine Fluvian. élen' 
au magistère en liai, et de Jean (le Lastie, nommé pour le rempla- 
cer à sa mort, en i 437. L'autre écu, écarlelé comme le précédent, au 
premier et au quatrième canton, de la croix de l'ordre, apparlient à 
Jacque.s de Milli, grand maître de i/i5A à 1/161, dont il porte la 
llamnie en chel' des deuxième et troisième quartiers. J'ignore à quel 
dignitaire appartenait t'écu du croisillon vertical, dont les quatre cjui- 
tons olTi'ent une fleur de lis. 



SAINT-HILARION. 



Au noi'it lie ftle de Chypre, <le Konnachili au cap Saiiit-Aiidir. 
s'élend une cliatne de montagnes escarpées nommées les Cérines, dn 
petit port de Kerynia, situé à leur pied, vis-à-vis de la côte de Cara- 
manie. 

De tout temps, des forteresses de refuge, à peu près imprenables, 
paraissent n\oir couronné les principaux sommets de celte chaîne : 
ce sont les hauteurs de Saint-Hilarion ou du Dieu -d'Amour, et de 
Buiïavent ou du Mont-Liuii, que nous allons étudier en commençant 
par la pi-emiére. 

Dans le nom du pi'emier de ces châteaux, qui parait antérieur à 
l'époque où les Fi'ancs s'emparèrent de l'île, on peut retrouver tout 
à la fois les traces du cuite des anciens Chypriotes et les restes altérés 
de l'antique appellation hellénique de la montagne , qui parait avoir 
iHi- Didjmos'. Quant au nom actuel, il peut avoir tiré son origine 
des prédications faites en ce lieu par saint Mitarion, qu'on croit avoir 
résidé dans ces montagnes, quand, au iv* siècle, il vint évangéliser l'Ile 
de Chypre, où sou uom et celui de saint Épiphane sont encore de nt» 
jours l'olijet de la vénération populaire. 



' Mus-Ltilrie. Archivrg ilcs Mimion» seicniijiijtm , l, 1. 



âàO MONUMENTS DE LARCHITECTURE MILITAIRE 

Les Lusignans, une fois maîtres de File, paraissent avoir eu pour but, 
eu fondant ou plutôt en reconstruisant sur un nouveau plan la for- 
teresse du Dieu-d'Amour, de se ménager une place de refuge dans le 
cas d'une invasion de l'île de Chypre par les soudans d'Egypte. 

Seule des châteaux commandant les sommets de la chaîne des Ce- 
rines , cette place renferme un ensemble de logements qui permettait 
à un souverain de s'y retirer avec sa maison. 

Une gorge profonde, la seule qui mette en communication la côte 
nord de Chypre avec Nicosie et la plaine de la Messorée, s'ouvre au pied 
du mont Saint-Hilarion dans la chaîne qui court parallèlement à la 
mer de Caramanie. Elle est située un peu au nord du village d'A- 
gridi, célèbre par la victoire qu'y remporta Jean d'Ibelin, dit le vieux 
sire de Barut, le i5 juin isSa, et qui délivra Chypre de Tinvasion 
des Impériaux, commandés par le maréchal Filangieri ^ 

Le voyageur, venant de Nicosie, trouve à gauche du chemin un 
sentier rapide qui, après quelques lacets, s'enfonce dans un ravin 
d'aspect sauvage au milieu de rochers et de pentes escarpées; après 
lavoir suivi pendant une heure et demie environ, il arrive à un 
point où les sommets de la chaîne se divisent en deux crêtes séparées 
par un petit vallon, au nord duquel s'élève un piton dominant tous 
les autres, et dont l'altitude , au-dessus du niveau de la mer, n'est pas 
inférieure à 700 mètres. Le versant nord de la mont<igne plonge 
à pic de presque toute cette élévation, et les autres côtés ont été hé- 
rissés de fortifications. 

Le château de Saint-Hilarion est formé de trois parties distinctes : la 
première comprend une basse-cour protégée par des murailles flanquées 
de tourelles s'étendant sur une pente rapide; viennent ensuite les ou- 

' Mas-Latrie, Histoire de Chypre, l. I, p. a88 et suiv. 



n 



DES CROISÉS EN SYRIE. 2H 

vrages dont se compose la seconde ligne de défenses, bâtie au pied des 
escarpements que couronne la troisième enceinte. Chaque partie du 
rocher présentant quelque largeur supporte une tourelle ou un réduit 
fortifié, et l'on voit des lignes de défenses s'étageant sur les hauteurs 
les plus escarpées au milieu des genévriers et des cyprès. 

Mais passons à Tétude du plan d'ensemble de ces constructions. 

Au fond du vallon par lequel on arrive à la porte de la première 
enceinte , se trouve un petit lac alimenté par les eaux de pluie qui 
s'écoulent des sommets environnants. 

Une première enceinte crénelée, d'une forme irrégulière, formée 
de courtines reliant entre elles des tours arrondies, s'offre d'abord à 
nos yeux. L'entrée du château est précédée d'une barbacane A , flan- 
quée de deux tourelles, et dans laquelle on voit, en ft, les restes d'un 
petit édifice qui parait avoir été un poste pour les hommes de garde. 
F^a porte de cet ouvrage est tellement ruinée qu'il est aujourd'hui im- 
possible de dire quel fut son mode de clôture. Au fond et à gauche, 
faisant face au midi, une large porte en plein cintre, surmontée d'une 
échauguette à six consoles, donne accès dans la baille ou basse-cour 
du château. 

Dans toute cette première ligne de défense les murs sont peu épais, 
les tourelles mal disposées pour la défense, les merlons des créneaux 
manquent d'épaisseur : on sent que cette première enceinte n'a eu 
d'autre but que d'arrêter l'ennemi sous les coups des engins placés 
dans les ouvrages qui couronnent tous les rochers environnants; 
d'ailleurs, il n'y avait pas lieu de craindre ici l'effet des machines 
des assaillants, car il leur eût été absolument impossible d'amener, à 
travers les ravins et les escarpements, les engins usités alors dans les 
sièges. 

La baille du château ne présente aucun sujet d'étude ; nous voyons 

3i 



242 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

seulement en B un bâtiment voûté qui paraît avoir été une écurie, el 
près duquel sont les restes d'une petite citerne. Le sol de cette partie 
de la forteresse s*élève rapidement vers le point où , sous le comman- 
dement de la tour M, s'ouvre, en retrait, un corridor voûté , tracé en 
ligne brisée, fermé par une double porte en ogive donnant accès dans 
la seconde enceinte. 

C'est là que vers le nord, et prenant jour sur la mer à l'abri des pro- 
jectiles des assiégeants, s'élevaient des bâtiments considérables, au- 
jourd'hui tellement ruinés qu'il est presque impossible de donner un 
plan détaillé de leurs dispositions intérieures. Ce logis parait avoir été 
le palais destiné aux princes qui seraient venus demander un asile à 
la forteresse. De ce point la vue embrasse un immense panorama : au 
premier plan la ville de Kerynia et sa forteresse; plus loin l'abbaye de 
Lapais, dont les ruines majestueuses s'élèvent à peu de distance au 
pied de la montagne; puis la mer, au delà de laquelle les montagnes 
verdoyantes de la Caramanie, couronnées par les sommets neigeux du 
Taurus, charment les yeux. Les rois de Chypre de la maison de Lu- 
signan vinrent souvent habiter Saint-Hilarion durant les chaleurs de 
l'été. 

La partie du château que nous étudions en ce moment est la moins 
bien conservée; on y reconnaît cependant en D un bâtiment à deux 
étages formés chacun d'une grande salle de 46 mètres de long, éclairée 
par six fenêtres prenant jour vers le nord, et qui parait avoir été l'une 
des parties principales de l'habitation royale. Les deux extrémités de 
ce logis sont surmontées de pignons aigus, semblables à ceux des 
maisons élevées en France dans le courant du xiv* siècle : c'est le seul 
exemple de ce mode de toiture que j'aie rencontré en Orient, où les 
Francs semblent avoir adopté partout ailleurs le système des toits en 
terrasse. L'élévation à laquelle Saint-Hilarion est situé l'exposant, en 



^r 



DES CROISÉS EN SYRIE. 263 

hiver, à des neiges de quelque durée, parait avoir été probablement la 
seule cause de cette anomalie. 

Un long corridor, aboutissant à un escalier qui conduit à la petite 
plate-forme Ë, sépare en deux toute cette partie du château, dont les 
divisions intérieures ont été rendues presque méconnaissables par 
Taccum dation des matériaux provenant de Técroulement des étages 
supérieurs de l'édifice. Des portes s'ouvrant sur le corridor donnaient 
accès dans une vaste salle F qui parait aujourd'hui fort ruinée et qui 
devait communiquer, par un escalier étroit, avec un petit oratoire b' 
où se voit une peinture à fresque représentant un saint nimbé , que 
la tradition locale dit être saint Hilarion. Tous les ans, au jour an- 
niversaire de sa fête, un prêtre grec, du village d'Agridi, vient célé- 
brer la messe en ce lieu solitaire. Ce fut, selon toute apparence, 
l'oratoire dépendant de l'appartement royal. De ce réduit on commu- 
nique avec la chapelle, qui, par son style, semble dater du temps des 
derniers princes de la maison de Lusignan. Elle se détache un peu de 
l'ensemble des bâtiments; sa voûte, aujourd'hui effondrée , était suppor- 
tée par des colonnes; l'abside, tournée vers l'orient, est percée d'une 
fenêtre; à droite et à gauche s'ouvrent deux vastes niches qui paraissent 
être un^ réminiscence de l'usage que nous trouvons dans les construc* 
lions religieuses élevées par les croisés en Orient, de terminer toutes 
les églises par trois absides contiguës. Outre la fenêtre percée au che* 
vet, cette chapelle est éclairée, vers le sud, par une baie ogivale ; quel- 
ques traces de couleurs, encore apparentes sur les murs, annoncent 
l'existence d'anciennes fresques; mais il n'en subsiste plus que des restes 
informes. A l'est une redoute crénelée G, précédée d'une petite cour à 
laquelle on arrive par un escalier dont j'ai parlé plus haut, forme 
l'extrémité orientale du château, que les escarpements du rocher met- 
tent à l'abri de toute tentative d'escalade. 

3i. 



2/iù MONUMENTS DE L*ARCHlTECTUftE MILITAIRE 

Vers le nord, ainsi que je l'ai déjà dit, la nature a fait tous les frais, 
et la main de Thomme n a rien eu à ajouter à Tescarpement à pic de 
plus de lioo mètres que la montagne présente de ce côté. 

A gauche, en sortant du corridor voûté, après avoir franchi la se- 
conde porte, le visiteur traverse plusieurs salles qui prennent jour au 
pied du rocher que couronne la redoute, et qui semblent avoir dû ser- 
vir de magasins, puis il se trouve dans une vaste pièce voûtée H, éclai- 
rée vers le nord par trois fenêtres, et qui parait avoir été une caserne; 
non loin de là apparaît comme scellée au flanc du rocher, dans lequel 
elle est en partie creusée, une magnifique citerne soutenue au nord et 
à Test par des murailles de plusieurs mètres d'épaisseur, contre-buttées 
elles-mêmes par d'énormes contre-forts. C'est là à coup sûr l'une des 
œuvres les plus étonnantes que l'on puisse voir en ce genre. M. de 
Mas-Latrie, dont la visite à Saint-Hilarion a précédé la mienne de 
quelques années, a mesuré cette citerne, et lui a trouvé 67 pieds de 
long sur 42 de large. 

Pour parvenir à la troisième enceinte qui couronne le point cul- 
minant de la montagne, il faut gravir une pente des plus rapides, 
sur laquelle est tracé le sentier qui conduit au réduit, espèce de nid 
d'aigle où l'homme a eu peu à ajouter pour faire de ce sommet une 
citadelle inexpugnable. La garnison, une fois retranchée dans cette 
dernière partie du château, pouvait derechef soutenir un siège dont 
le manque de vivres aurait seul pu faire prévoir le terme. 

Une porte ogivale donne accès dans cette enceinte, encore aujour- 
d'hui parfaitement intacte; dans les ébrasements de cette porte, on 
voit encore les trous qui servaient à fixer les barres de bois destinées 
à renforcer ses vantaux quand elle était fermée. 

Aujourd'hui privée de toute clôture, elle s'ouvre dans une grande 
cour qui règne entre deux crêtes de rochers; au fond vers l'ouest, en I, 



DES CROISÉS EN SYRIE. Î45 

s'élève un beau logis à deux étages, composé de plusieui-s grandes salles 
éclairées par de larges fenêtres, d'où la vue s'étend vers Touest sur les 
riches coteaux de Lacava et de Lapithôs, ainsi que sur les magniûques 
jardins d'Achéropili et de Trémiti. 

Cet édifice est !a seule partie du château deSaint-Hilarionqui pré- 
stMile im caractf^re arcliilectonlque bien Iraiiflii'-, pouvant servir à dé- 
terminer la date de sa conslruclion. Il est btlti en pierres de taille de 
moyen appareil; les fenêtres sont géminées pI conliennent des bancs 
de pierre ménagés de chaque côté dans leurs embrasures; elles sont 
divisées par un meneau central supportant un linteau décoré d'arca- 
tures trilobées et ajoui'é d'un quatre-feuiiles. 

On doit, je crois, considérer ce logis comme élevé pendant les der- 
nières années du xiii' siècle. 

lin bel et large escalier exlérieur conduit au premier étage, ofl se 
répèlent toutes les dispositions du rez-de-chaussée. Au nord, la cflur 
t'st bornée par nne cièle abrupte qui, de l'autre côté, retombe à pic 
jusqu'au pied de la monlagne. C'est dans la partie de cette cour que 
hordent les rochers, que l'on remarque les restes de deux citernes 
voûtées. Au sud-onest s'élève un mamelon de rocher dans les atifrac- 
tuosités duquel poussent quelques pins rabougris et des genévriers de 
Chvpre. Un escalier taillé de main d'homme, devenu aujourd'hui 
presque impraticable, conduit au chemin de ronde du rempart, qui suit 
tous les contours du i-ocher: ici les saillants J et K présentent une 
hizarrerie dont je connais pen d'autres exemples : ils sont en contre- 
has de -2 mètres envii'on du reste de l'enceinte. Il fallait aux soldats 
chaigésdela défense de ces ouvrages une échelle pouise rendre à leur 
poste. Une redoute carrée L domine tout ce système; c'est de là qu'une 
poterne permet, en suivant la crèle des rochers, de conunoniquer avec 
la tour M, qui. aujouiilhui en partie ruinée, pai'aît avoir été destinée 



246 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

à servir de refuge dans le cas où la troisième enceinte aurait été forcée. 
La salle, en partie conservée, que l'on voit encore aujourd'hui est per- 
cée de huit grandes archères pour le jeu des machines. Ces deux der- 
niers ouvrages étaient appelés, par leur position, à concourir à la dé- 
fense de la seconde et de la troisième enceinte. 

Dans la première enceinte formant la baille du château , nous trou- 
vons un ensemble de constructions qui, bien que bâties avec moins de 
soin que les forteresses dont Tétude nous a occupé jusqu'à présent, sont 
cependant conçues suivant les règles de Tart militaire à la même époque. 
Mais dans les deux dernières enceintes la nature a été le seul guide, 
et Ton ne peut qu'admirer l'art avec lequel l'ingénieur, pour compléter 
les défenses naturelles, a fait serpenter les remparts sur les rochers les 
plus abrupts, couronnant d'une tour chaque sommet et étageant au 
milieu des escarpements de la montagne les ouvrages secondaires. 

Richard Gœur-de-Lion tenta en vain de forcer ces murailles et ne 
put s'en rendre maître qu'après la capitulation qui lui ouvrit les portes 
de la forteresse et qui suivit la conquête de l'île entière. En 1228, 
lors de la reconnaissance de la suzeraineté de l'empereur sur Chypre, 
Ibelin , qui redoutait les mauvaises dispositions de Frédéric à son égard , 
se retira à Dieu-d'Amour, qu'il avait fait approvisionner. L'empereur 
iiésita à entreprendre le siège d'une forteresse réputée inexpugnable; 
mais enfin les chevaliers chypriotes, et Ibelin à leur tête, ayant juré fidé- 
lité à l'empereur comme régent de Jérusalem, Saint-Hilarion, Buffa- 
vent et les autres forteresses lui furent ouvertes au nom du roi. 

L'année suivante, à la suite de la défaite des troupes impériales de- 
vant Nicosie, les bailes Amaury Barlas, Amaury de Bethsan et Hugues 
de Giblet se retirèrent à Dieu-d'Amour, qui avait déjà reçu le jeune roi 
Henri de Lusignan et contenait d'immenses approvisionnements. Balian 
d'Ibelin en commença aussitôt le blocus ; mais le siège traînait en longueur 



DES CROISÉS EN SYRIE. 2A7 

devant ces inaccessibles retranchements, qui avaient victorieusement 
résisté aux Anglais et à Richard Cœur-de-Lion, et dans !e cours de 
l'hiver, durant lequel cet état de choses se prolongea, un grand nombre 
de chevaliers s'éloigna du camp'. Les Impériaux, informés de ce fait 
par leurs espions, tentèrent une sortie, forcèrent les lignes des Chy- 
priotes et réussirent à ravitailler la place, où les vivres étaient venus 
à manquer. Au commencement de l'année ia3u, il advint h Philippe 
lie Navarre, qui se trouvait à ce siège, une aventure dont j'euipriinle- 
rai lexluellemenl le récit au l*' volume de YHisloirr de Cliifiiir. de M, di' 
Vlas- Latrie. 

nDnns l'un des engagements livrés en avant des l'orliticHtions, l'Iiï- 
r-lîppe de Nnvarre, alors auprès de Balîan d'thelin, courut un jji'anil 
fT danger. Les Lombards lenaiont déjà la bride de son cheval et .\maury 
cBarlas excitait ses gens contre lui. Balian accourut au secours de son 
ffvassal, qui était un de ses pluscliers amis, et parvint h le dégager; 
(T mais Navarre resta couvert de blessures. On ne croyait plus le rcvoii; 
net, comme il était connu de tout le munde, on entendit les assiégés 
«annoncer sa mort sur les rernparts en criant : Le poète est tupl il w 
n viendra plus nom ennuyer de ses cliatutons. Son étal n'avait cependant 
rrien de très-grave, et le blessé recouvra promptenient ses sens. La 
f nuit même qui suivit le combat, il eut assez de force pour composer 
(-un dicté de circonstance. Le lendenrain, il se fit porter sur un rocher 
rr voisin du cliÂteau, où il venait quelquefois réciler ses iiiq)rovisali(ms, 
ftct de ià il (it savoir au\ ennemis, par son imuvean chant, tpi'il était 
-encore plein de santé et de confiance. 

ffRien n'annonçait cependant que le chilteau fût priH à cédci. Jean 
f-d'lbelin, mampianl de monde pour forcer la position, |icnsait i\ eii- 

' Mfls-Latric. }IUtniy<- ,k Chypre, I, I. 



248 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

(r voyer Philippe de Navarre en Europe demander assistance au pape 
ffou au roi de France, quand les Lombards, exténués d'un siège de 
ffdix mois et réduits à manger leurs chevaux, firent offrir la paix par 
ff un chevalier de THôpital , nommé Guillaume de Tiniers ou de Ti viers. t 
A l'approche des Impériaux, lors de leur seconde invasion à Chypre 
en 1282, la négligence apportée par Hernoul de Giblet à l'approvi- 
sionnement des châteaux aurait mis leurs défenseurs dans une situation 
des plus critiques, malgré l'habileté de Philippe de Caffran, qui y com- 
mandait, si la bataille d'Agridi n'avait été gagnée par les royalistes. 
Hernoul de Giblet, avec les deux sœurs du roi, était venu chercher un 
refuge dans les murs de Saint-Hilarion. 






I 



BllPFAVENT. 



Le chJltcnii de BulFavcnt on rie Mont-Lion, iiomiiH- aussi châu-mi 
(if la Heine. présenUî une grande analogie, comme conception, avec 
celui île Saitit-Hilarion. Iri eticnre la nature a tout fait pouf la détense 
el k's Lusignans paraissent avoir voulu créer en ce lieu plutôt un l'i'-- 
dnit inaccessible à i'abri de toute surprise qu'une forteresse propre- 
ment dite, car la plupart des bdlinierils dont nous allons tenter Ti^lode 
semblent avoir fHé disposés poin' l'Iialiilation. 

Voisine du mont Pente-Daktylon, la montagne que couronne Itiil- 
favent est un des sommets les plus élevés de la chaîne des CerîiH's. 
mesurant une altitude de Hoo mètres au-dessus du niveau de la mer. 
De ce poini le regard embrasse, au sud, la Messorée et le mont Olympi-; 
vers le nord, la mer de Caramanie et la chaîne duTaurus au pied de 
laquelle on aperçoit, au bord de ta nier, la petite ville d'Anamour, doiil 
les Lusignans fureiil maîlres pendant quelque temps sous le l'ègne il'- 
Pierre I". 

BuHavent est situé ii trois lieues environ au nord-est de Nicosie et à 
une heure et demie du couvent de Saint -Jeaji-C.hrysoslonie. C'est de lu 
que l'on part pour tenter l'escalade de ce nid d'iiigle; après une montée 
des j)lus pénibles à travers les rochers, on alteint a» bout d'une heure 
un quart environ la porte du château que préci^de, à gauche, une ci- 



250 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

terne supportée par des contre-forts, ressemblant assez , en plus petit, 
à celle que nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer à Saint-Hila- 
rion. 

Ce château se divise en deux parties bien distinctes composées 
chacune de bâtiments dont le plan est déterminé par la configuration 
du rocher sur lequel ils sont placés. La partie inférieure, dont la 
forme est à peu près celle d'un parallélogramme, paraît avoir contenu 
les logements de la garnison et les magasins. Ln escarpement à pic 
de 20 à îî 5 mètres sépare cette basse-cour de la partie supérieure du 
château qui constitue le réduit et comprend un logis renfermant trois 
pièces, un pavillon carré et quelques autres dépendances. 

Ces divers édifices, bâtis en moellons, n'offrent aucun caractère 
architectural. La pierre de taille y est extrêmement rare. Les pieds- 
droits et les arcs de plusieurs fenêtres sont construits en briques ou 
tuiles minces et larges comme il s'en trouve dans les constructions 
byzantines. Presque toutes les pièces étaient voûtées en berceau avec 
de grands arcs doubleaux saillants; mais nulle part je n'ai remarqué 
trace de l'existence d'arcs ogives. 

La porte du château est ogivale; elle s'ouvre dans une espèce de 
vestibule ayant une voûte d'arête, et elle paraît avoir dû être précédée 
de palissades et de barrières qui devaient former avec la terrassa" A 
un ouvrage avancé tenant lieu de barbacane. •• " • 

Quand on a franchi la porte, une terrasse B, garnie vers la vajkée d'un 
parapet jadis crénelé, donne accès dans les bâtiments C, tous cbnâtruits 
d'après un système Huiforme que le plan fera mieux compi^^ndre que 
des descriptions. Ces édifices paraissent avoir dû servir de magasins; 
le logis, éclairé par une fenêtre prenant jour vers le sud, a pu con- 
tenir la garnison, à coup sûr peu nombreuse, de cette première partie 
du château. 



DES CROISÉS EN St'RlE. 251 

Un escarpement (le 30 mètres, h peu près, sépare celle piemièi'i' 
partie du chilleau de la secomle, qui forme réduit. 

A l'époque où les Vénitiens résolurent de diminuer le nombre des 
places fortes de l'île, dans le but de concentrer leurs l'orces militaires 
h Nicosie et dans les villes maritimes, ils délruisirciit l'escalier qui 
mettait en communication les deux parties du château. Aussi, pour at- 
teindre les édifices du plateau supérieur, faut-il se livrer à une esca- 
lade fort dangereuse, n'ayant pour gravir la paioi à pic que les saillies 
du roclier et les genévriers qui ont poussé dans ses anfractuosités. Ici 
il ne faut pas avoir le vertige, tout faux pas serait infailliblement mortel; 
parvenu au sommet, le visiteur se trouve devant deux groupes d'édi- 
fices s' élevant sur une terrasse assez vaste d'où l'œil embrasse presque 
toute l'île de Gliypre et une grande étendue de la côte d'Asie Mineure. 

A droite s'élève un pavillon formé de deux pièces éclairées par des 
baies ogivales et dont les voûtes, qui étaient à arêtes vives, se sont ef- 
fondrées : il parait avoir été le principal logis du château; ce dut être 
là qu'habitèrent les princes qui vinrent chercher un asile sur ce rocher. 

A l'est le bâtiment D semble avoir été une caserne ou un magasin, 
mais les murs étant dérasés sur presque tout leur pourtour, nous en 
sommes réduits à des conjectures. Un parapet, se détacliant de l'angle 
de cet édifice, longe l'escarpement qui ici termine le château. 

L'autre côté nous oITrc une suite d'appai'tements qui, à en juger 
|)ar les fenêtres, doivent avoir été destinés ù être liabités. Comme 
Saint-lliiarion. ce château parait n'avoir jamais été forcé. Il est plus 
que douteux qu'Isaac Comnène s'y soit enfermé eu 1191, comme le 
prétendent certains historiens, d'après lesquels ce prince, ayant perdu 
trois batailles et désespérant de pouvoir disputer plus longtemps Chypre 
aux croisés anglais, se serait retiré au château de Buffavent, oi\ il au- 
rait été assiégé et pris par Hichard d'Angleterre. 






252 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

Lorsqu'en 1 2 3â les Impériaux, sous les ordres du maréchal Richard 
Filaiigieri, envahirent de nouveau Chypre, l'île entière fut soumise, 
excepté Saint-Hiiarion et Buffavent. Ce château fut sauvé par l'énergie 
d'Eschive de Montbéliard, femme de Balian dlbelin et fille de l'ancien 
régent du royaume de Chypre durant la minorité de Pierre I*. A la 
nouvelle de l'approche des Impériaux , elle s'était retirée dans la mai- 
son de l'Hôpital; mais dès qu'elle vit Barlas maître de Nicosie, elle 
quitta son refuge déguisée en franciscain et se rendit à Buffavent dont 
elle détermina le châtelain , vieux chevalier nommé Gérard de Couches, 
à résister; puis elle fit approvisionner la forteresse et recruta des 
hommes dans les campagnes environnantes. Le château ne fut point 
attaqué, mais demeura seulement bloqué, durant les mois de mai et 
de juin, jusqu'à la bataille d'Agridi. 

A la fin du xiv* siècle, pendant les luttes avec les Génois, qui, du- 
rant les premières années du règne de Pierre II, ensanglantèrent l'île 
de Chypre, les oncles du roi se retirèrent dans les forteresses de Buf- 
favent et de Saint-Hilarion , qui ne tombèrent jamais entre les mains 
des envahisseurs. 

Au mois de juillet i&â6, à la suite de la désastreuse bataille de 
Chierokilia, où le roi Janus de Lusignan fut fait prisonnier, les musul- 
mans ravagèrent toute l'île de Chypre et se rendirent maîtres de 
Nicosie, qu'ils mirent au pillage. 

Henry Giblet nous apprend, dans son histoire de Chypre, que la 
reine Charlotte de Bourbon, ses enfants, ainsi que le cardinal de Lusi- 
gnan, frère du roi et archevêque de Nicosie, vinrent alors chercher 
un refuge dans les murs de Buffavent. 

Nous savons également par le même auteur que ce château servait 
à cette époque de prison d'Etat. 



NOTES 
ET PIÈCES .USTIEICATIVES 



AllS MOMMEi\TS DE l/AKOHITECTI IIK M I Ml' A I 11 K 
IlES UIUIISÉS EU SlHIli. 
I 



CESSIOÎN 
AUX HOSPITALIERS DE SAINT-JEAN 

\)E LA KORTIîHKSSK DK MARClAÏ, 

DE L\ VILLE DE \*[,K\IE. \[K»l t)Vr. DE LEtinS Î)KPE\D\\CES, 

l'Ait BKItTIUM) \ia:vsi)]';h, 

P.\ t.MNNftK 1186, 

CONKIRMI^K IMIl ilOKMONI» III, pniNr.K flMMinCHK 



In iiDiiiiiie Saiicle et milividin! Tniiitatis Paliis el Filii et Spiritiiw 
Siincli. Anieti. 

Ciiiii oiiinia nostfa, si perfecti esse veiimus, vende™ et tiare paiipe- 
films jiibeainur, illa equideni apiid Deuni grata el accepta esl elenio- 
^iii« que illis impenditur qui commtnii omnium iifililati pia devncioiie 
proviilei'c non desiiiiinl et se iti obsequiiim et susleiilaincriliim paupe- 
iiiiii Cliristi tola animi et corpoiia intenlione dedeninl; inile est quod 
i-go Boamundus, Dei gratia priiiceps Aiitiorheiiiis. Raimiindî priiicijiiB 
Ixine memoric lilius, iiotiim fieri volo tam presenttltiis qiiam luturis 
cjiiod Berlrandus Margalï don)iim9, doniini Hainaudi Masoerii bone 
meniorie fdîiis. cum videret quod castelbim Margati proul opus esset 



256 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

Christianitati pre nimiis expensis et nimia infidelium vicinitate tenere 
non posset, cœiitus ut credimus inspiratus et discrelo habito consiiio, 
risseiisii etiam et concessione rnea, consiiio etiam doniini Aimerici ve- 
nerabilis Antiochie patriarche, assensu et concessione domine Sibille, 
ogregie Antiochie principesse, et filiorum meorum Raimundi et Boa- 
nnmdi iani milituni, consiiio etiam, assensu et voluntate domini Rai- 
niundi egregii comitis Tripolis et domini Anterii venerabilis Valenie 
episcopi, et aliorum quamplurium clericorum, militum et burgensium, 
ob redeniptionem anime sue et parentum et antecessorum suorum, do- 
navit in eleniosinam, concessit et tradidit sacri domui Hospitalis et 
capitulo et fratribus eiusdem domus tam presentibus quam futuris,per 
nianum fratris Rogerii de Molins, venerabilis eiusdem domus magistri, 
et aliorum quamplurium fratrum ibidem assistentium, civitatem Valenie 
et castellum Margati cum omnibus casalibus et divisis et pertinen- 
tiis suis planis et montanis, cultis et incultis, nemoribus, fluminibus, 
piscariis terra et mari et portubus, cum omnibus juribus suis, cum 
militibus et hominibus et universis villanis ad feodum pertinentibus, 
et castellum Brahim cum omnibus perlinentiis suis et omnia alia tene- 
menta quecumque de iure in principatu meo habebat aut habere de- 
bebat , prout ipse Bertrandus et pater suus Rainaldus et antecessores sui 
plenins et commodius et integrius de iure suo tenuerant vel tenere 
debuerant, omnia equidem ista donavit in elemosinam prefatus Ber- 
trandus assensu meo et consiiio domini patriarche, assensu etiam et 
concessione domine Sibille uxoris mee et fdiorum meorum Raimundi 
etBoamundi, consiiio etiam , assensu et voluntate domini Tripolis comi- 
tis et domini Valeniani episcopi et aliorum presbiterorum , ut dictum 
est, sacre domui Hospitalis ad usus pauperum Christi et fratrum, plene, 
libère, intègre, quiète, absque calumnia et contradictione habenda, 
tenenda, utenda et iure perpetuo possidenda et prout voluerint dispo- 



DES CROISÉS EN SYRIE. 



257 



iienda. Magister vero venerabilis domus Hospitaiis communi assensu 
capituli et fratrum dédit Dno Bertrando, ob devotionem et liberali- 
tatem quam erga domum exibuit, duo millia et ducentos bisantios 
sarracenatos ^ singulis annis, sicut in privilégie quod dominus Bertran- 
dus eis super predicta donatione fieri fecit continetur, quod etiam meo 
priviiegio interferi iussi ut et res maius haberet robur et nuUa super 
bis amplius controversia oriretur. Est autem privilegium domini Ber- 
trandi huiusmodi. Vêtus sane precedentium exigit usus et mos sequen- 
tium virorum exposcit antiquitus ut quod iugiter durabile fieri volii- 
nius litterarum titulis comniendemus. NotiGcetur igitur omnibus 
Ghristicolis tam presentibus quam futuris per bec presentia scripta, 
per subscriptorum virorum testimonia, quod ego Bertrandus Margati 
dominus, bone memorie domini Rainaidi quondam eiusdem castelli do- 
mini filius, considerans pietatem et devotionem quam sancta domus 
Hospitaiis Hierosolimitani erga universos Christi fidèles incessanter 
atque laudabiliter exhibct, voluntate et assensu domini mei Boamundi 
magnifici principis Ântiochie, necnon consilio et nutu domini Raimundi 
iilustris comitis Tripolis, monitu pariter et aiïectu domine Bermunde, 
karissime uxoris mee, annuente et instigante ad ipsum domino Anterio 
Valenie venerabile episcopo, laudantibus et assentientibus omnibus 
hominibus meis tam militibus quam burgensibus, dono, trado et spon- 
tanea mea voluntate concedo Deo et gloriose Dei Genitrici Marie et 



* Les besants désignés ici sous le nom de 
sarracinaiê paraissent devoir èlre considé- 
l'es comme des monnaies d*or frappées par 
les princes musulmans et qui avaient cours 
dans les principautés chrétiennes ; la valeur 
du besant sarracinois est d'environ la fr. 
de notre monnaie. 

Les besants dits au type de Tripoli , de 
Tyr ou d*Acre, suivant qu'ils avaient été 



frappés dans Tune de ces villes, n étaient 
qu une imitation à un titre un peu inférieur 
À celui des besants sarrasins. (k)mme j'ai 
eu l'occasion de le dire dans l'introduction 
de ce livre, ces monnaies portent des lé- 
gendes chrétiennes écrites en caractères 
arabes avec la croix dans le champ , ainsi 
que l'initiale du prince sous le règne duquel 
elles étaient frappées. 

33 



258 MONUMENTS DE L ARCHITECTURE MILITAIRE 

Sancto Joanni Baptiste, ad sustentationem pauperurn Cliristi in eadeni 
sancta domo Hospitatis Hierosolimitani quiesceiitium, in uianibus do- 
niini Rogerii de Molins eiusdeni donius venerabilis magistri successo- 
rumqup suoruni at(|ue eiusdein Hospitalis fratnim tani presentiuni 
quam futurorum, castrum quod dicitur Margat cum omnibus iuribus, 
peilinentiis et acquisitionibus suis, et quicquid ego autpater meus vel 
aliqui predecessorum rneoruni in ipso Castro aut in pertinentiis eius 
intus et extra plenius, commodius et quietius tenuerunt, habuerunt et 
possederunt, et alibi ubicumque habebant terras nominatas et non no- 
niinatas vel habere debebant, totum eidem sancte domui Hospitalis et 
iam dicto domino Rogerio eiusdeni venerabili magistro IVatribusque 
suis universis, tam libère, tani (juietequam liberius et quietius absque 
onini exactione aiiqua res ab aiiquibus potest teneri et possideri iuie 
hereditario, in perpetuam elemosinam habendum et possidendum con- 
cedo et in plenariam possessionem mitto, ita ut fralres Hospitalis amodo 
et deinceps rerum omnium predictarum dominiuin cum usutruclibus, 
emolumenlis et proventibus universis habeant, teneant et in perpe- 
tuum possideant. Hec itaque omnia ut predictum est iam diclo magistro 
eiusdemque successoribus et fratribus universis tali modo et tenore 
interposito concedo, quatenus singulis annis duo millia ducenti bisantii 
saracenati per manum casiellani de Crato in civitate Tripolis, 4|uatuor 
anni temporibus, mihi heredibusque meis de me et uxore mea domina 
Bermunda vel alia milii légitima desponsata genitis reddantur. Vide- 
licet in Pascha Domini quinginti (juinquaginta bisantii : in leslivitale 
Sancti Joannis Baptiste, videlicet in Nativitate, totidem et totidem in 
Ëxallatione Sancte Crucis, in Natali vero Domini totidem. Si vero absque 
lierede vel Iieredibusde nobis procreatis me decedere, et uxorem meam 
dominam Bermundam seu aliam mihi légitime desponsatam supersti- 
tem remanere contigerit, de predictis duobus millibus bisantiis prelate 



DES CROISÉS EN SYRIE. 259 

uxori inee Beramade vel alii mee légitime sponse quod vixerit, pro 
dote et spoasaliciis suis, mille duceati bisaatii aaauatim persolvaatur 
et residuos mille absque ornai iaquietatioae vel alicuius vexatioae do- 
aius Hospitalis pro elemosiaa sibi retiaeat; veruaitaaiea si uxor mea et 
heredes de me et ipsa geaiti post obitum aieum superstites remaase- 
riat, predicti bisaatii sic divideaturul uxori mee, pro dote et spoasa- 
liciis suis, mille ceatuai bisaatii ia vita sua etheredibus mille ceatuai 
reddaatur. Si vero post mortem utriusque aostrorum, videlicet et uxoris 
aiee doaiiae Bermuade vel alterius mihi légitime despoasate, hères 
vel heredes superstites fuerial, omaes predicti bisaatii, scilicet duo 
aiillia bisceati bisaatii, legitiaio seu legitimis aostrorum heredibus per- 
solvaatur. Preterea, si heredes mei siae heredibus abieriat, mille cea- 
tuai bisaatii predicti qui ia sortem heredum uostroruai cesseraat ad 
saactam domuai Hospitalis pro salute aaime aiee pareatuaique meo- 
rum revertaatur; eodem modo aiille duceati bisaatii qui pro dote uxori 
mee reddeatur, si heredibus de aie et ipsa geaitis caruerit, post obituai 
eius ad saactaai domum Hospitalis pro salute aaimaruai aostraruai 
redeaat, a aemiae deiaceps requireadi. Ad hec quicquid de predictis 
heredibus meis et domiae Bermuade uxoris aiee superius dictuiii, 
eodem modo de heredibus meis et alterius uxoris aiihi forte despoa- 
sate iatelligitur. Hec igitur supra scripta omaia utpreaotata suât, sci* 
licet proprium meuai, domiaatioaes, ligiaatias quas ia illis habeo, doao 
et coacedo prefato Hospitali Hierusalem , coacessu et voluatate omaiuai 
illorum qui ius, feodum et hereditatem ia illis habebaat, habeada ia 
pace, libère et quiète, ab omai iaquietatioae vacaatia et siae caluaipaia 
ia perpetuum possideada. 

Ut igitur hoc doaum et coaveatio utriaque facta iaviolabiliter et 
perhempaiter observari valeaat, aec a aie vel aliquo herede aieoruai 
adaullari valeaat, vel ia irrituai revocari, preseateai pagiaam sigilli 

33. 



260 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

mei impressioue et subscriptorum testium assertione munio et con- 
firmo. Huius itaque rei testes sunt : 

Dominus Anteriiis Valenie venerabilis episcopus; Domious Falco abbas ecdesie 
Sancti Pauli Antiochia. 

DB FRATRIB08 H08PITALI8 : 

Dominus RogeriuB magister domus Hospitfldts, per cuius manum hoc factum est; 
Fréter Bureilos tune temporis eiusdem domus preceplor; Frater Beniardus 
ecclesie Hospitalis Sancti Joannis prior; Frater Petrus de Vallis tune temporis 
casteUanus Crati ; Frater Henricus touc temporis castellanus Mai^gati ; Frater 
Rogerius de Liro tune temporis Antiochie baiulos. De miHUbus vero Margati 
qui iuramento prestito hominium et ligiantiam cum multis aliis promiseront 
isti sunt testes : Dominus Stephanus Ralliant domini Bertrandi de Maiyat 
consanguineus et dominus Ameliuus eiusdem castri casteUanus; Dominus 
Zacarias; Dominus Reinerus; Dominus Joscellinus; et Dnus Johannes Tempfa*. 

Factum est hoc anno Incarnationis Dominice m®,c®.l''.xxx^vj% kalend. 
Februarii, indictione iij, epacta jx, existente et résidente in sancta et 
apostolica sede Antiochie domino Aimerico reverentissimo patriarcha, 
(4 notandum quod huic actioni interfuit dominus Stephanus Rotomagi, 
domini Boamundi principis Antiochie super hoc negotio nuntius. Da- 
tum Margati, per manum predicti domini Bertrandi, kalendis Februarii 
féliciter. Ego vero Boamundus Dei gratia princeps Antiochie, Raimundi 
principis bone memoriefilius, consilio domini Aimerici venerabilis An- 
tiochie patriarche, assensu etiam et concessione domine Sybille uxoris 
inee, egregie Antiochie principesse, et (iliorum meorum Raimundi 
et Boamundi iam militum, et aliorum quam plurium clericorum, mi- 
titum et burgensium, prefatam donationem domini Bertrandi laudo, 
approbo et confirmo, ut scilicetfra très domus Hospitalis prefatam civi- 
tatem Valenie et castellum Margati et omnia alia tenementa , cum villanis 
et casalibus et guastinis et cum omnibus divisis et pertinentiis suis et 
cum omni iure suo sicut supra dictuni est,plene, intègre , libère et quiète 
absque calumpnia et contradictione teneant et possideant, cum mili- 



DES CROISÉS EN SYRIE. 261 

tibus et hominibus ibidem manentibus vel mansuris, feodis et feodatis, 
prout ipse Bertrandus et pater suus Rainaldus plenius, utilius et per- 
fectius tenuerunt vel tenere debuerunt. Prêter tamen casale Âsseneni 
quod dominus Rainaldus donavit mihi pro novesimo de se et homini- 
bus suis, et prêter domos suas Antiochie, quas vendidit vel donavit, et 
prêter fumum unum quem dédit Vibino, et prêter terram Gereneis 
quam retinui in manu mea ego et heredes mei quamdiu eam tenere 
voluerimus. Si tamen eam dare voluerimus Religioni, reddemus eam 
domui Hospitalis. Si vero homini seculari dederimus eam, ille qui ter- 
ram habebit illam de domo Hospitali tenebit. 

Goncedo etiam prefatis fratribus de pertinentiis predicti castelli sci- 
licet Margati, Gademois^ Laicas^ Malaicas cum divisis et pertinentiis 
suis. Goncedo etiam eis in principatu Ântiochie casale Fassia' cum 
guastinis et divisis et pertinentiis suis in terra et in mari, casale Gimas, 
abbatiam Montis Parlerii, viliam que dicitur Ruffa, casale Farangi, 
casale Gome, castellum Popos cum casali suo et divisis et pertinentiis 
suis, casale Kaynon, casale Alus, abbatiam Sancti Georgii que est in 
niontana Nigra cum casalibus et guastinis et divisis et pertinentiis suis, 
Rogiam cum guastinis et divisis et pertinentiis suis, casale Besmesyn, 
casale Besselemon, casale Luzïn, caveam Belmys, casale Gasnapor, ca- 
sale Golcas, casale Gorconai et Meunsarac que sunt in montana Montis 
Parlerii, Potama et Pangeregan que sunt in valle Ruffe Andesin, 
abbatiam de Sancta Maria, casale Bodoleie, medietatem casalis quod 
dicitur Gorrosie% casale Mastabe. Hec itaque omnia prenominata, vide- 

* Sous ce nom nous retrouvons celui du ^ Celle localilë parail devoir se retrouver 
village moderne de Kadmous, que dominait dans les ruines nommées Kharbet-Kasêia , 
autrefois un château dont les Francs s*étaient qui se trouvent au bord de TOuad-Djabar, 
rendus maitres en Tannëe 1199. entre Margat et Aleïka. 

* Cest, je crois, le château d' Aleïka, si- * Aujourd'hui Geresieh? 
tué à Test de Margat, dont il est ici question. 



Û6Û MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

iicet Valeniam.Margatum et omnia alla castella, abbatias sive casalia 
iibicunque sint in principatu meo, ad feodum Margati perlinenlia et 
omnia etiam acquisita, sive acquirenda cum omnibus guastinis et divisis 
et pertinentiis suis, planis et montanis, cuitis et incultis, nemoribus, 
(luminibus, piscariis terra mari, portubus, cum miiitibus ethominibus 
et villanis suis et cum omnibus juribus suis et quicquid in eis iuris et 
dominii ipse Bertrandus habebat vel habere debebat, et quicquid in 
eis iuris vel dominii ego et heredes mei habebamus vei habere debe- 
bamus, dono et concedo in elemosinam ego Boamundus princeps, 
assensu filiorum meorum Raimundi et Boamundi et uxoris mee do- 
mine Sybiile, ob redemptionem anime mee et patris mei Raimundi bone 
memorie et parentum meorum, sacre domui Hospitalis et capitulo et 
fratribus libère et quiète, absque uHo servitio et aliqua contradictione , 
sine exactione vel revocatione habenda et perpetuo possidenda. Concedo 
etiam eis balnea que dominus Rainaldus habebat apud Antiochiam, 
et quicquid de iure suo apud Antiochiam sive extra habuit vel habere 
debuit. Concedo etiam eis omnes milites qui sunt de Castro Margati 
cum servitiis et feodis eorum, que habent vel habere debent in terra 
Margati et in terra Antiochie, sicut habuerunt a domino Rainaldo Mas- 
soerio et a domino Bertrando filio suo, vel habere debuerunt. Con- 
cedo etiam quod si aliquid in presenti privilegio oblitum vel preter- 
missum sit de iure et possessione domini Bertrandi et Dni Rainaldi, 
nullam pro hoc ipso fratres Hospitalis suscipiant diminutionem, nullum 
sustineant detrimentum, sed omnia jura sua plene récupèrent, libère 
sicut alia prenominata habeant et quiète possideant. Concedo etiam eis 
quod si aliquid lucrati fuerint super inimicos Crucis Christi, sive nobis 
presentibus sive absentibus, cum nullo lucrum partiantur, sed omne 
Incrum sit proprium eorum. 

Si vero, quod absit, eis inconsultis treviam faciemus cum Saracenis, 



DES CROISÉS EN SYRIE. â63 

treviam tenebunt si voluerint, ve) guerram facieiit curn eis. Si veio 
ipsi facient treviam cum inimicis Crucis Christi, <|ui sunt in leodo Bu- 
kebeis' et a Gabulo. in aiitea treviam nobis notilicabunt, et nos eatii 
teiiebinius et homines nostros tenere facienius. Concedo etiam eis 
libertatem de propriis rebuK suis per totam tei-ram meam et per totuiii 
jKisîii' iiipuni, Icri'ii cl maii iiiti'auilo cl e%eiindo, veiideiidit el fiiieiifid. 
siiip alii]tiii coiisueludine et omni rufi« exactiune. Si vcni liomiiicf' 
onrurii aliquiii vendiderint vp! emeiint ([iiod iioii sit propniun Hos|)i- 
IhMs, dabiinl curie solitani cunsuetudiiieni. rjonredo etiam, qiHid si Im- 
iiiiiies inei i[m suiit IVaiiri dedci'inl aiiijuid duitiui HusjiilJilis. sinil liiii- 
gt'siam vet ;ilii|iiid idiud de imr|![esia, licite jiotermit îiccipere.el ciiiii 
pi-r iiniiudi iiinim et dieiii iiiiufii teiiuerint. poteiunt vendere noiitri.'- 
Iinniinilxi.s vel aMiK [iiTlei' snos qui iiosiruui exinde itt-i'vitititii iHciaiil. 
Di' leodo vero niililis ve] dieutis non jioterunt aliquid ii(xi|ii>rc sim- 
uosti'o assensu et ccuicessioiie. Hoc autem nd ulliniuiii notUMi i's?e \"- 
iuiiius <|Uiid si villani niei qui ^int Sarareiii. vel liuuiiuurii ui<;oi'tiiij 
siiil, vei l'orlc vi'in'iint iii ferritorio Vaietiie el Mai^ali seu in predicli^ 
idirs leiienii'iilis, fratres Hospitalis leddent iiobis luxla assisiani et mu- 
sijpliidiuem leiTe. Si vero fueriiit clii'iMtiaui, vel eos iiilra quiiulecint 
dies iiobiscuin pariricabiilil . vel eis de terra sua liceiitiani dabuut. Si 
etiaui villani eoi'uni siut , vel forte venerint iu terra niea vel lidniiiiuin 
nieuiiiru. similiter homines suos Iratribiis Htispitali» i'eddeinn>>. Hik 
etiam iiutum esse volo. quod niaf;iMter ilonius Hospitalis el fralres i\r- 
deriinl iiiilii caritative, jiro cou^-essione el doiio et eleinocitia im-u , nclo 
inillia bisanlios saracenatos. et tiliis uieis Haîniinido el lloeiuutido ]>i« 
ifiiireMsionibus suis uiiirnique milli- hisiuiciiiK saracenatos. l I itiiipie 
piclata <lniiiilio doniiiii Hericanili et nuicessin uK'ii ''t domine Sibille 

' Li-licfilp llokclieis l*"lilTnil, je (T'ils, iui siul île \1jirj;n( iiii Imrrl ilr Mluiiil i (* 

4'id(>nlili^r aven lp villn^ île Tlokb^is sitm- \i"iiii. 



26A MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

uxoris mee et Gliorum meorum et etiam donatio mea assensu et conces- 
sione filiorum meorum facta Grmum et inviolabile robur obtineat, hanc 
paginam auctoritatis nostre prefatis fratribus fieri feci et principaiis si- 
gilli mei impressione muniri et subscriptis testibus roborari. Testes 
vero sunt : 

Dnus Aimericufl Antiochie venerabiiis patriarcha; Dnus Barlholomeus archyepi- 
scopus Mamistrensis; Dnus Aimericus Tripolis episcopas; Dominas Anterius 
Valenie episcopus. 

DB FRATRIBUS H08PITALIS : 

Frater Beraaixlus prior eiusdeni ecclesie; Frater Bureiius magnus preceptor; 
Frater Rogerius de Lirone Antiochie baiulus; Frater Bartholomeus baiulus 
Emaus; Frater Rainaldus baiulus Spine. 

DE MILITIBCS : 

Baldoinus dTbeKn; Raimundus de Gibelet; Radulfus de Montibus conestabula- 
nus; Gervasius senescalcus; Oliverius camerarios; WilleLnus de Gava mare- 
scallus; Bartolomeus Tirel marescaHus; Gualteriusde Surdis Vallibus ; Robertus 
de Boloira; GaUerius Darchican; Bartholomeus filius comitis; Richerius de Ler- 
minati; Bastardus de Molins; Petnis de Hasart; Petrus; Helias; Guitardus de 
Bomo; Odo de Maire; Bemardus Suberan; Wiflelmus de Sancto Paulo tune 
dux Antiochie. 

DE MIUTIBl'S MARGATl : 

Dominus Zacarias; Amelinus; Dominus Baldoinus de Run; Dominus Georgius; 
Dominus Theodorus. 

Datum apud Antiochiam, per manum Aiberti, Dei gratia Tarsensis 
archiepiscopi et domini principis canceiiarii, anno ab Incarnatione Do- 
mini ii^.c°.L**.xxxvj** féliciter. Amen. 

Au bas de cette charte se voit ie sceau en plomb du prince d'An- 
tioche. 

Ce sceau porte d'un côté les figures nimbées des apôtres saint Pierre 
et saint Paul et au revers se voit un cavalier, armé de toutes pièces, 
passant à droite sa lance appuyée sur l'épaule, et autour de cette face 
se lit la devise : 

Sigillum Boamundi principis Antioclieni. 



CHARTE DE RAIMOND II, 



COMTB DE TRIPOLI, 



AliTOBISAM ET RÉGLANT LA CESSION A L'aÛI'ITAL DU CHÂTEAU DU KBjVK 



ET DE SES DËPE!<in4!«CES. 



In Dei noQiiiie. Notum sJt omnibus honiinihus tain preseiitibu.s ijuatri 
Idturis, quod ego Raimundus, divina supgerenle gratia Ti'ipolilatius 
coines. in fratrem et sociuni et orationum participem dedi, concessi et 
l'pddidi me sanclc doniuî pauponim Hospitalis Iherusalem, et anteres- 
sorum mcorum salutc anîmariiin iiieorumque reniissioiic peccatorum , 
ronluli, concessi, orf et corde laudavi, eidem domui saiicli Hospitalis 
llierusaiem , Raplianiam ' ef Moiitem Ferrandum cum omnibus sibi per- 
tinentiis tam meis propriis, quam ex omnibus feodalibus, absquR ulla 
federis obHgatione atque retenlu, omni remota calunipnia, quiète et 
libère, in liclemosinam et donationem et ligietalem omnium hominuni 
Inm niilituni quam bui'fjentium ibi terras habenlium et possessiones , 
pniut meliiis predecessores inei et ego tenui et habui, et Mardabecli 
ciim omnibus suis pertinentlis, et quicquid babeo juris vel dominii iii 

' Aujourd'hui ltD|ihBiiicL eL kalnnt-Dnarin. 



6!26 



MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 



piscaria Gymele ^ a Gades usque ad Resciausam , et castella et villas 
(jue ex pertinentiis Raphanie et Montis Ferrandi coniprobari poterint 
esse, que nunc a me ignorantur. Similiter concessi et laudavi et Cratum 
c't castellum Bochee^ cuin omnibus suis pertinentiis Dni propriis et 
>irorum feodalibus, et felicium et lacum, cum omnibus eorum perti- 
nentiis propriis, ut supra dictum est, et feodalibus. Deinde vero, con- 
cilio et voluntate W. de Crato et uxoris sue Adelasie eiusque 61ii Bel- 
trandi Hugonis,predicta castella Xenodochii Iherosolimitani pauperibus 
tribui, concessi et laudavi, quibus videlicet Gralo et castello Bochee 
scambium eis dedi et in perpetuum habere concessi, que castella sci- 
licet domui sancti Hospitalis ipsi sponle dederunt atque obtulerunt 
et ex omni calumpnia quietaverunt. Quodautem hoc sit scambium per 
singula enucleari atque patefieri volo atque iubeo; nunc igitur osten- 
dam feriatim scambium quod W. de Grato coram universa curia feci, 
videlicet, caveam Davidis Syri cum omni raisagio' montanee quomodo- 
cumque melius unquam habui et tenui, et feodum Pontis Willelmi, id 
est, duas terre caballarias ^, et sexcentos bisantios, ce** ego Raimundus 



^ Pendant toute la durée de la domina- 
lion franqueen Syrie, nous trouvons Emesse 
désignée par les chroniques et les chartes 
latines sous le nom de la Chamelle, et bien 
que cette ville n*ait jamais été prise par les 
croisés, elle était cependant considérée 
comme appartenant au comté de Tripoli. 
(6W. DipL n' a6, p. yS.) 

Le lac nommé aujourd'hui lac de Honis, 
et que domine le Krak des Chevaliers, s'ap- 
|)elait alors le lac de Kadès. 

Quant au point appelé Resclausa, peut- 
<^tre devrions- nous le chercher sur la roule 
de Honis h Hamah, dans le site de YAre- 
tluisa antique, nommé aujourirhui Er- 
Rustan. 



* Les ruines de ce château, qui parait 
avoir été peu considérable , se voyaient en- 
core il y a peu d'années dans la plaine nom- 
mée aujourd'hui Boukeiah el-Hosn. 

' Dépendances. (Gloës, de la langue ro- 
mane, par de Roquefort , t. Il, p. ^70.) 

* On nommait au moyen âge chevalée 
une possession territoriale sujette au ser- 
vice militaire, et qui en temps de guerre 
devait fournir au suzerain un nombre dé- 
terminé de cavaliers. 

L'historien vénitien Sabellico nous ap- 
prend (I. IX, p. a 48) qu'à Candie on don- 
nait le nom de caballarias aux concessions 
de terres faites à titre de récompense aux 
soldats vétérans. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 267 

Dei gratia Tripolis cornes et alios ducenlos barones et ce episcopus 
Tripolitanus , et super omnes caballarias predicte montanee in una- 
quaque divisi m bisantiis ab hoc mense Augusti usque ad decem annos, 
pretaxato Willelmo dedi, concessi atque penitus laudavi. Simililer qui- 
dem, assensu et concilio Gisleberti de Podio Laurent! et uxoris sue que 
Yocatur Dne Dagolth, prelibate domui pauperum dedi, concessi atque 
laudavi feiicium et latum cum omnibus eorum pertinentiis , que mille bi- 
santiis emi et hab eis ex omni calumpnia recepi quieta, queve scilicet 
castella sancto Iherusalem Hospitali sponte contulerunt et omnimodam 
ipsi calumpniam quietaverunt. Hoc ergo donum , prout melius , verius et 
sanius ab omnibus hominibus intelligi valet, bona Gde, absque pravo 
ingenio , sicut superius scriptum est, ego Raimundus, per Deum Tripolis 
comes, feci et ex toto reri fategi, nutu et consilio pariter Cecilie comi- 
tisse matrismee, régis Francorum filie\ et Hodierne uxoris mee, Tri- 
polis comitisse, régis Iherusalem filie, et filii mei Raimundi et Filippi 
fratris mei , pauperibus Hospitalis Iherusalem sine ulla convenientia et 
alicuius conditionis tenore , excepto quod in omnibus militaribus nego- 
tiis et expeditionibus quibus ego presens personaliter adero, totius lucri 
medietatem partiri mecum atque dividere debent. Me siquidem ab- 
sente, neque constabulario , nec marescalco, nec etiam alii cuiquam ex 
hoc respondeant, nec lucrum cum eis partiantur, nisi quod unicuique 
in negotio existent! forte devenerit. Preterea si forte deficerem obitu , 
magistro atque provisori comitatus meique filii, quocumque presens 
ipse corpore adfuerit, eamdem convenientiam idemque pactum partis 
tueri quam mecum habent et habere promittuut; procul dubio tenue- 
rint et observaverint usque quo filius meus ad etatem militie perve- 

^ La princesse Cécile était fille nalurelle noces Tancrède, prince de Galilée; étant 
de Philippe I", roi de France , et de Berlrade devenue veuve en ma, elle épousa alors 
de Monlfort. Elle avait épousé en premières Pons, comte de Tripoli. 

34. 



268 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE 

nerit [predic]ta fédéra custodierint et fîrmiter habnerint. De cetero 
quicquid ex hoc dono concessi consilio et communi auctoritate feci : 

Giraldi Tripolitanî episcopi; Willelmi Tortose episcopi; Rainierii constabularii; 
Fulcrandi marescalci; Willelmi Ebriaci; W. Rainuardi; Gaucelini de Cavo- 

monte; Silvii Robert! ; W. Porcelleti; Ra Fontanellis; Raimundi de 

Fonte Erecto; Radulfi Viridis; Pipini; W. Aurei; W. Pandulfi; Bernardi de 
Rocfaa et aliorum onmiom quorum nequeunt describi per omnia. 

81MILITER HOC IDEM FECI NUTD ET GOHSOIO BDRGBNSIOM : 

Pontii de Sura ; Baronis auriGcis ; Geraldi bnelli ; Pontii Geraldi ; Stefani Monachi ; 
R. Lamberti; W. Rollendi; P. Gerbaldi; Philippi Burgensis; Pétri Andrée; 
Pétri de Sancto Germano; Raimundi Guasconis et ceterorum omnium. 

Si luitu nécessitas mihi vei meis heredibus denium insur- 

rexerit vel supervenerit quod predictorum castrorum refugium sal- 
vandis corporibus necesse sit; nec in ingressu neque in exitu per me vel 
per homines meos ullum christianis prelium vel malum fieri vel în- 
surgere débet, nec arte vel ingenio meo quicquam facere aut inquirere, 
ut hec predicta loca pauperibus sancti Hospitalis, quibus in helemo- 
sinam concessi et sponte fundavi, subtrahantur atque auferantur. 
Denique velut muro circumcluditur ortum, qui fuit Gualterii de Mar- 
gato et uxoris sue Gesle, ipsa etiam adhuc in vita superstite concedente , 
et illa spacia locorum ad trahendos lapides apta que inter utrainque 
viam concluduntur exterius illinc a capite; nutu et consilio Hodierne 
uxoris mee, Tripolis comitisse, et filii mei Raimundi, pauperibus sancti 
Hospitalis Iherusalem in helemosinam dedi libère et absque calumpnia 
concessi iureque perpetuo collaudavi. Hoc itaque donum se primum et 
pauperibus Sancti Joannis Hospitalis Iherusalem in manum Raimundi 
sepedicti Hospitalis magistri et seduli procuratoris et Roberti comitis 
Alvernensis et Gisleberti Malemanus et Pétri Montis Peregrini prioris 
et aliorum fratrum in helemosinam antecessorum meorum sainte meo- 



DES CROISÉS EN SYRIE. 269 

rumque peccatorum venia, ego Raimundus, Dei gratia Tripoiis cornes, 
coram universa curia mea, tam clericorum quam laîcorum, sponte 
obtuli, ore et corde inperpetuum laudavi. Gui vero dono cuicumque 
calumpniam vel ullam controversiam facere presumpserit, nisi resl- 
puerit^pars eius sitcum Dathan et Abyron, quos terra, pro sua super- 
bia , vivos absorbuit et cum luda proditore qui Dnum precio vendidit. 
Sitque maledictus comedens atque bibens, vigilans atque dormiens, 
in mane et in vespere, in omni tempore in presenti et in future. 
Percutiat eum Dnus famé et siti, egestate, frigore, pessimo ulcère , scabie 
quoque et prorigine, amentia et cecitate donec pereat. Hujus quidein 
doni et laudationis existunt testes : 

G. Tripoiis episcopus cum omoi conventu suo; W. Tortose episcopus; R. con- 
stabularius; D. marescalcus; W. Ebriaci; W. Rainoardi; G. de Cavomonte; 
J. Roberti; W. Porcelleti; VV. de Crato; G. de Podio Laurenti; M. de Bocco- 
seilo; R. de Fontanellis; R. de Fonte Erecto; R. Viridis; Pipinus; W. Aurei; 
W. Pandulû; I. de Bechestino; F. de Tolooe; R. de Monte Siguo; H. de Lidi- 
mano; B. de Rocca; R. Fortis; B. Romanus; R. de Valle Aurea; W. de Cor- 
neiione; Sijpireddus; P. de Neren; P. de Sancto Justo; 0. de Monte OHvo; 
Guiringisisis; Tancredus de Valriaco; P. Humberti; A. de Saurra; W. Tripoiis 
vicecomes; A. Tripoiis raisins; P. de Gafaraca; B. de Busarra; Hugo Senza- 
verz; P. de Cavomonte; B. de Trallo; W. deLunello; B. Pétri de Iherusalem; 
R. Crispini régis pincema; Humfredos de Toroni; Philippus Neapoiis; 

De burgensibus : 

P. de Sura; G. Isnelii; P. Geraldi; S. Monachus; Firminus; R. Catalanus; 
R. Niger; A. Trun; P. Andrée; P. de Sancto Germano; P. de Monte Ferra- 
rio; R. Lamberti; W. Rollendi; P. Gerbaldi; R. Amaldi; Philippus Bomia; 
A. de Lambesco; R. Guasco; P. de Castro Novo; G. Tinionerius; Gilbertus, 
et P. qui banc cartam dictavit tune temporis comitis cancellarius. 

Hoc autem donum feci ego Raimundus, per Deum Tripoiis cornes, 
pauperibus Hospitalis , nulu régis R[alduini] * et regine M[elissende] ^ 
Sancte Iherusalem et R[aimundi] ' Antiocheni principis et C[onstantie] * 

* B. — • M. — » R. — • C. 



270 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

principesse. Hoc autem similiter dicte domui pauperum concessi el 
laudavi ul in omni terra niea hoinines eiusdem donms nec etiam Su- 
riani de Crato, usas, nec consuetudines reddant nec tribuant, et abs- 
que consilio fratrum eiusdem Hospitalis trevias non accipiam cuni 
Saracenis nec faciam. Anno ab IncarnalioneM®.C*.XL**.V". indictione vni 
fuit facta bec carta , luna lerlia. 



INSCRIPTIONS ARABES 

DU KALAAT-EL-HOSIV. 



.lai dit. ilaiis le roiirs de cet ouvrage, en parlant du krak des Clie- 
valiers. qui' je publierais dans les notes le texte des inscriptions arabes 
relatives aux l'estaii rations exécutées dans cette fortere.sse par les sul- 
tans Malek-ed-Daher-Bybars, Kelaoun et Malet-es-Said-Bereke-Khan 
à la suite de sa prise par les Sarrasins. 

C'est à la bienveillance de M. Ciiarles Scbeiler, direclcur de l'École 
des lani;ues oiientales, ipii visila en i 8fio le Kalaat-el-Hosn, que je 
suis redevable du liate el de \n Iradiiclion îles trois insci'iptions ipii 
suivent, 

Sur la tour carri'e A : 

jy^\ ^iX^ jJiàV ji\S;X\ ■XJ>U\ JsUJi ^Ull.J^^i UMr^l j^Jl IJ^ aOvs- 
...■j-NsJj *JL« M\ jJuà. ;j>j_*jji j-L*t j^UiJi ij))'^ trï^lj W-JJl ^J^*- 

Au nmii de Dieu tl^rnenl et ruismfonlii'iu. 

'>l(e noble iDur a i^t^ reniise h iwat par\i'. mgneur saviiiil K jiiattt , câlui qui sf uoriKHcrr 

A la gu^rn' suitile el ù In dércnsc des rroiiLièira. le vicloriRux, li> roi ttasialf. de Dieu. S^'ïr- 

Kildminiii OiiPiMînKjiliinun.aucienMumloiikdeMelik KsBnIiltel >-u qiiili-jiritire'lf^crDyniila 

n riii<^ ■■n nmlinna' : i]ii? Dieu perpi!riie son règne et lui ncronic Imijonrs -i'Mi mh. . 



272 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

Sur la tour ronde, à Tangle occidental, entre deux lions rampants : 

yftUâJi jjai ^ikJUt 4141 ij*^ lô^ Js>*>-^^i 



Le sultan Ei-Malek ed-Daher Bvbars a ordonne ia restauration de oe château. 



Sur celle de l'angle oriental se lit : 



Le sultan Melik Essaïd Nassir Eddouiiia Oueddin Aboul Mealy Mohammed Bereke Khan 
a ordonne la reconstruction de ces remparts en Tan 677. 



NOTE 
SUR LA TERRE DE MONT-RÉAL 



ou D'OULTRE-JOURDAIN. 



La partie du royaume de Jérusalem nommée terre de Mout-Réai ou 
d'Oultre-Jourdain, et qui se composait de la région située à l'est de 
la mer Morte et du Ouady-Araba, est une de celles sur lesquelles nous 
possédons le moins de documents contemporains. Nous savons seule- 
ment, par les historiens des croisades, que cette contrée se nommait 
alors la Syrie-Sobale et quelle comprenait la terre de Moab et 
ridumée. 

Une précieuse charte datée du 3 1 juillet 1161, relative à un échange 
entre Baudouin III, roi de Jérusalem, et Philippe de Milly, vicomte 
de Naplouse, vient d'être publiée dans le cartulaire de l'ordre Teuto- 
nique , et nous fournit des renseignements intéressants sur cette pro- 
vince. Elle nous apprend que la terre dite d'Oultre-Jourdain s'étendait 
depuis le Ouady-Zerka, au nord, jusqu'à la mer Rouge, au sud, et 
comprenait quatre fiefs principaux, qui étaient : le Crac ou la Pierre 
du Désert, Mont-Réal, Ahamant et le château de la vallée de Moïse. 

Je vais donc essayer, à l'aide des divers passages des historiens 
chrétiens et musulmans des croisades, ainsi que des relations des 
voyageurs modernes, de compléter un peu ces renseignements. 

t® Le Crac, ou Petra Deserti^ forteresse importante, était en même 
temps la résidence de l'archevêque de Rabbah^ 

* Familles d'oultre-mer, Syrie Sainte, p; 7 55. 

35 



WOMME.MS DE LlR^HlTECTLBE MILITAIRE 

Parmi Ifr? diier* ra*au\ d#- «a drpen»lance rîlé* daos on* J** 
rhaiies de roij^ra;;e de Paoli-, s'en trouve un nomm*^ CanZà'r, que je 
rro« pouvoir identiG^r avec le village moderne de EM^anxirieh , situé 
a «il heures au Mjd de Karak, au bord du Ouady-eii-Nemaireh. 

2^ Sfhaubak, ou le Krak de Mont-RéaJ, château dont noieraient 

d»*» dépendance» considérables, notamment les cantons de Beni-Salem 
et d*» Ouady-Gerba. La position de ce lieu parait se retrouver dans 

|p Djebel-Shera , au sud-ouest du Ouad y-Muusa, où s^ voit une loca- 
lité ruinée nommée Djerba. \ou5 savons* par la charte ^ mentionnée 
plus haut, que cette seigneurie comptait un grand nombre de Bé- 
douins parmi ses hommes liges. 

Nous lisons au XX1\*^ livre, chapitre n, du continuateur de Guil- 
laume de Tyr, le passage suivant relatif aux deux forteresses dont je 
viens de parler : ?Mont-Réal est loin du Crac 36 milles. Mont-Réal 
e siet en Ydumée et le Crac en Moab. r Les seigneurs de la tem» de 
Mont-Réal dont nous connaissons les noms' paraissent avoir eu leur 
résidence à Karak, pendant que des châtelains gouvernaient à leur 
place la forteresse de Mont-Réal et ses dépendances. 

Voici les noms qui nous sont parvenus de quelques-uu'* de ces 

châtelains : 

Jean 1 1 5^ 

Erald 1 1 53 

Evpnas • * 77 

Le pèlerin Thetmar*, qui visita cette partie de la Syrie en se ren- 
dant au mont Sinaî, en isiy, dit que la bourgade qui sVlevaît au 
pied du château était habitée par des chrétiens et des musulmans. Il 

' Cod, Dipl. t. I, n* 49. p. 3i. * Pèlfrinage de Tkeimar eu f !t 1 7, piibii*' 

' /</. ihid. |>arl^ baron Joies de SainMienois. p. Si. 

Familles d'oulire-mer, p. Aoi. 



DES CROISÉS EN SYRIE. 275 

cite particulièrement une veuve française chez laquelle il reçut Thos- 
pitalité. 

Je crois qu il a été fort rarement question du troisième fief, nommé 
Ahamant par les historiens latins du moyen âge > mais pourtant il me 
semble que Ton peut, sans témérité, identifier cette localité avec la 
bourgade de Maan-esch-Ghamieh, dans laquelle M. Léon de Laborde' 
croit retrouver le site de la Theman de l'antiquité. Elle est sur la route 
du Hadj, à six heures au sud-est de Schaubak, et fut décrite il y a 
vingt ans environ par le voyageur anglais Wallin ^. 

On y voit deux châteaux élevés Tun en face de l'autre, dont le plus 
récent a été construit par le sultan Soliman. Les jardins qui entourent 
la ville abondent en arbres fruitiers, et au temps des croisades cette 
région était très-fertile, comme le prouve le passage suivant du con- 
tinuateur' de Guillaume de Tyr : 

(fGelle terre entour qui estoit toute couverte d'arbres portanz fruiz 
(fde figuiers, d'oliviers et d'autres arbres de bonne manière, si que ce 
fr sembloit une forest. -n 

PalgraveS qui s'y arrêta en 1863, au commencement de son voyage 
en Arabie, signale aussi un vieux château, et dit que la ville est en- 
tourée d'anciens remparts. 

Le quatrième enfin, le château de la vallée de Moïse, que la charte 
du roi Baudouin dit être alors en la possession d'un certain Pelrocii 
comitis, avait été enlevé par surprise aux Francs, en l'année 116/i. 
Voici en quels termes Guillaume de Tyr* raconte cet événement : 

(rEt pristrentun nostre chastel qui a nom H vaux Moyse et siet en 



• Livre de V Exode et des Nombres, par Bianchi. — * Narrative of ayear's joumey, 
L. de Laborde, p. i34. through Arabia, 



* Wallin's travels in the norlh Arabia. » p. nt^^ nt'S, 

' Katab Menarnk el-Hadji, traduit par 



35. 



28-2 MONUMENTS DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE, ETC. 

deux châteaux de Ghorigos, construits, l'un en 1 206 par le roi Léon II, 
et l'autre par le roi Hethoum I** en Tannée 1 26 1 , fourniront une série 
d'études du plus grand intérêt et qui viendront compléter l'ensemble 
de nos connaissances sur l'architecture militaire du moyen âge dans 
los provinces occupées par les croisés. 

Je m'estimerai donc heureux si la lecture de ce livre peut inspirer 
à cpielqu'un le désir d'arracher à l'oubli, pendant qu'il en est temps 
encore, cette page peu connue qui fait partie intégrante de notre 
histoire nationale. 



FIN. 



TABLE DES NOMS PROPRES. 



ACBE, p. 979. 

Adb^har de Pbyrd^za , châtelain de Torlose , 

p. 81. 
Adrib^t IV, pape, p. tlid. 
Agridi, village de Chypre célèbre par la 

bataille qui s'y livra en isiBsi, p. 9^3, 

«2/18, qSq. 
Ah AMANT, château d* Arabie, p. ayS, âyS. 
AiGUEs-MoRTEs (murailles), p. /la. 
AiHAR DE LA RocHE , châtelain du Krak , 

p. 60. 
AiHARD (Frère), châtelain de Tortose. 

p. 81. 
Akaba-es-Schanieh, p. 977. 
Akkar ou Gibel-Akkar, château du comte 

de Tripoli, p. Sg, 6g, 99. 
Albara, ville ëpiscopale de la principauté 

d'Antioche, p. 6. 
Aleîka, château voisin de Margat, possédé 

par les Ismaéliens et considéré comme 

une dépendance de cette forteresse, p. 6 , 

961. 
Alep, ville de Syrie, p. 3, 6, 16, 169. 
Alexandre IV, pape, p. 66. 
Alexandrettb, ville maritime de la princi- 
pauté d'Antioche, p. 6. 
Amia, casai dont le site se retrouve dans le 

village moderne du même nom, p. 979. 



Amazarbe, \ilie du rovaume de la Petite- 

\nnénie, p. 186. 
Alfred, châtelain de Margat, p. 33. 
Antiocue, capitale de la principauté de ce 

nom , p. 9,3, 11, 17, 91, 63 , 1 1 ^j , 

179, 180. 
Antoine Fldvian, grand mattre de Rhodes, 

p. 937. 
Arabia , casai de Galilée possédé par les che- 
valiers Teutoniques , aujourd'hui Arra- 

BEH, p. 979. 
Aradds, île voisine de Tortose, p. 83. 
Ardblle , casai des chevaliers Teutoniques 

près de Bethsan, p. 979. 
Areyneh , château du comté de Tripoli pos- 
sédé par les Templiers, p. 6, 16, ^jo. 

69, 81, 87,90, 99. 
Arias , château du comté de Tripoli possédé 

par les Templiers, p. 5, 60, 69. 
Armand de Périgord, mattre du Temple. 

p. 63. 
Arnadt de Montbrun, châtelain du Krak. 

p. 60. 
Artésie, ville du comté de Tripoli, p. 6. 

69. 
AscALON, ville du royaume latin, p. 3. ^. 

16, 17. 
Athlit ou château Pèlerin, p. 87. 
Avignon (murailles et château) , p. 56 , 9 1 3, 

995. 



28& 



TABLE DES NOMS PROPRES. 



B 

IUderen , casai dépendant du fief du Schouf 
donné aux Teu toniques en ia6i, au- 
jourd'hui BÂADRAN, p. 980. 

Ralatnods , château de ia principauté d'An- 
lioche, p. 11/1. 

Ranus, ville et château de Syrie, p. 3, 5. 

Bardt, ville de Syrie, p. 4, 5. 

Basse (La), casai dans le territoire d'Acre, 
aujourd'hui El-Bassa, p. 979. 

Baddodot m, roi de Jérusalem, p. 909, 
978. 

Beaufort, château de Syrie, p. 4, 17. 

Beauvoir, p. à. 

Beit-el-Ma, village voisin d'Antioche, 
p. 198. 

Beit-Gibrîn, château des Hospitaliers de 
Saint-Jean , nommé au moyen âge Gibe- 
lin, p. 81. 

Beiteg^ne, casai près d'Acre, qui s'identifie 
avec le village moderne de Beit-Jenn, 

P- ^79- 

Bekodm-ibn-Abdallah-el-Ascherafieh ( L'é- 
mir) , gouverneur musulman du Hosn , 
p. 4i. 

Beni-Salem, p. 97a. 

Bertrand de Margat, p. 39. 

Berzieh, château de la principauté d'An- 
tioche, p. 6. 

Blanche-Garde, château de Syrie, p. &, 17, 

117, 193. 

Bohkmond IV, p. 19, 20, 39, 83, iii5. 
BOB^MOND V, p. 83. 
BoHiMOND VII, p. 169. 

BoEEBEis, casai dépendant de Margat et qui 
paraît s'identiGer avec le village de Bok- 
beis, p. 903. 

BoLDO (voir Paltos), p. 20. 

BONAGUIL, p. l3l. 

BoRBONNEL, villc de Syrie, aujourd'hui Bo- 

RODNLI, p. 6. 



Bordj-Anaz, p. 69. 
BoDTRON (Le), ville de Syrie, p. 5. 
BoppAVENT, château de Chypre, p. 17, 9^9. 
BusNEN, casai près d'Acre; s'identifie avec 
le village d'Abou-Senan , p. 979. 



Gabegie, casai donné à l'ordre Teutonique, 

aujourd'hui El-Gabsteh, près du Ras- 

Mefscherfieh, p. 980. 
Cademois, château dépendant de Mai^at, 

aujourd'hui Kadmous, p. 961. 
Cafaraca, château de Syrie, p. 6. 
Cafrenebrah, casai du fief du Schouf cédé 

aux Teutoniques, aujourd'hui Kefernb- 

BRAK, p. 980. 

CaHORS, p. 995. 

Cahdare (La), château de Chypre, p. 17. 
Canzir, casai dépendant de Karak, p. 97 4. 
Carcassonne (dté et château), p. 157. 
Carmel, montagne de Syrie, p. A. 
Casal Blanc (Le) ou Coket, aujourd'hui 
KocEKAT , non loin d'Acre , au nord , 

P- 279- 
Casal Ymbert, village célèbre par la bataille 

à laquelle il a donné son nom, aujour- 
d'hui El-Hamsi, p. 979. 

Catphas, ville de Syrie, p. &, 93. 

C^LESTiN II, pape, p. 1&&. 

CiaiNES, ville de l'île de Chypre, p. 93o. 

CisAR^E, ville de Syrie, p. 3, 4, 17, 93, 
181. 

Chastel-Blanc , p. 60, 63, 69. 

CniTifp. 93 1. 

CoL^E (La), château de Syrie, p. &o, 69. 

CoLossi, p. 933. 

Conrad, châtelain de Montfort, p. 1^9. 

CoRFiE, casal voisin de Tibériade, position 
incertaine, p. 979. 

CuRSAT, château de la principauté d'An- 
tioche, p. 6. 



TABLE DES NOMS PROPRES. 



285 



D 

Dira, ville d^Asie Mmeure, p. i3, i8/i. 
Dar-Bbssak , château de la principautë d'An- 

tioche, p. 6. 
Dbir-Bebb, casai du Schouf, aujourd'hui 

même nom, p. a 80. 
Deir-Elgamar , aujourd'hui même nom, 

p. 280. 
Diarbbur, p. 18&. 
Djebaîl (voir Giblbt), p. 918. 
Djbblbh (voir ZiBBL),p. 19, 90, 91, 166, 

175, 180, 9l5, 993. 

Djbnah'-ed-Daulbh , Soudan de Hamah, 

p. 58. 
Djorah, p. 908. 

E 

ËDBSSB, p. 179, 180. 

Ela, p. 976. 

Éleuthàre, p. 981. 

Erald, châtelain de Mont-Rëal, p. 97 &. 

Ermands , châtelain du Krak , p. 60. 

Escbive db MoNTBiLURD, femme de Balian 

d'Ibelin, p. 959. 
Etzion-Gabbr, ville de TArabie Pëtrëe, p. 3. 
EvENos, châtelain de Mont-Rëal, p. 97^. 



Famieh, p. 11/1. 

FiBRGE (Le), casai voisin d'Acre, position 

inconnue, p. 979. 
FiRODz, p. 197, 198. 
FRioiRic II, p. 99, 1&9, 1&5, i5&, 976. 



Gauthier, comte de Brienne, p. 6^. 
Gbderde, casai du Schouf, p. 980. 
GiLiN , aujourd'hui Ialocn , à Test de Saint- 
Jean-d'Acre, p. 979. 



Gboffroi, châtelain du Krak, p. 60. 

Gerrosie, casai dépendant de Margat, au- 
jourd'hui Gerbsieh, p. 961. 

Gezin , fief cëdë aux Teutoniques par Julien 
de Sagette, aujourd'hui DjBZZÎif, p. i46, 
980. 

Giblet, ville et château de Syrie, p. 5 , 17, 

991. 

Grave (L'Ile de), sur le golfe Élanitique, 

p. 3, 976. 
GaiGoiRB IK, pape, p. 63. 
Guillaume de Fores, châtelain de Margat, 

p. 33. 
Guillaume II, roi de Sicile, p. 33. 
Guy de Giblet, p. 918. 

H 

Hadous, casai du Schouf, p. 980. 
Hahah, ville de Syrie, p. 9, 3, &9, 59, 

1&9. 
Hanno de Sangerhausbn , grand maître de 

l'ordre Teutonique, p. 1&6. 
Harrenc, château de la principauté d'An- 

tioche, p. 6. 
Hassan-ed-dîn Torontaï , ëmir de Sahyoun , 

p. 178. 
Hatab, ville de la principauté d'Édesse, 

p. 6. 
Hazart, château de la principauté d'Edesse . 

p. 7. 
Helmerigh, châtelain de Montfort, p. 1&9. 
Henri Walpot, premier grand maître de 

l'ordre Teutonique , p. 1/1 4. 
Herman de Salza, grand maître de l'ordre 

Teutonique, p. i45. 
HoMS, ville de Syrie, p. 59. 
Hugues III, de Giblet, p. 191. 
Hugues de Lambriag, premier seigneur de 

Giblet, p. 116. 
Hugues de Revel, châtelain du Krak, p. 60, 

92. 



280 



TABLE DES NOMS PROPRES. 



Hi'GiES DE Saiht-Omei. piiDce de Tabarie, Limcbh, village de Syrie, p. 61. 
p. i&i, i/i9. LiMAssoL, ville de Chypre, p. 93o« 93V 



I 



Urli^t, p. iâ3. 



J4(:qce$ de Ml lu, grand maître de Rhodes, 

p. 337. 
Jeatt, châtelain de Mont-RéaK p. 37/1. 
Jeaiv de Bomb, châtelain de Mai*gat, p. 33. 
JsAïf DE BuBiB , châtelain de Margat « p. 33, 

60. 
Jek^ dIbeli^, sire de Banit, p. 63, qAo, 

îj46, ahj. 
Jea?i de Lastic, grand maître de Rhodes, 

p. Q37. 
Jeaii de Nifland , châlelain de Montfort , 

p. 1A9. 
Jea!i de Saxe, châtelain de Montfort, p. 1 Ag. 
Jebha , casai du SchooT, aujourd'hui Djebâa- 

ESCU-SCHOUP, p. a 80. 
JéRlSALEM, p. 180. 

Jdlie!!, prince de Sagette, p. 1&6. 



Kadmous, p. 6. 

Kafabtab, p. 1 1/1. 

Kalaat-Schounaïmis . château de Syrie, 
p. 16. 

kAPHARsîif, casai près d*Acre, aujourdliiii 
Kefer-Jasift, p. 379. 

Karak ou LA PiEBRE DU D^SEBT, ville d'Ara- 
bie , p. 3 , 17, 1 3 i , 1 3*î , 1 33 , Î173 . 
274. 

K ARMEL, p. /|, 10a, 10/j. 

L 

Lanahie, casai voisin d'Acre, position in- 
connue, p. 279. 
Lattakieh ou L\odicke, p. 178. 



M 

MiHALU (dit le Château du roi), fief voisin 
d'Acre, acheté par Tordre Teutonique; ce 
lieu porte encore le même nom de nos 
jours, p. 980. 

Malbk-ed-Daheb-Bybar8, p. 46, 64, 65. 
i3a, i38, 139, i5o, 151,919,995,979. 

MALEK-EL-MANsoiTB-LAGrif , Bultau égyptien, 
p. 83. 

Maleb-bs-Saïd-Bebeke-Khapi, sultan égy(>- 
tien, p. 979. 

Malbk-Khaul-el-Aschbap, sultan, p. 100. 

995. 

Malek-Mansocb-Kelaod!!, p. 36, 38. 81 . 
100, 169, 166, 971 , 979. 

Malek-Mohadam, sultan, p. 99, 991. 

Malek-Salbu-Aly, p. 100. 

Maracl^e, p. 81. 

Marcab ou Margat, p. 4o, 5o, 5i. 

Mares, p. 88, 179, i84. 

Margarit, amiral de Sicile, p. 33. 36. 

Margat, p. i4, 63, 88, i34. 

Massada, p. 93 1. 

Massiad, château de Syrie, p. 6. 62. 

Massob, casai dans le territoire d'Acre, au- 
jourd'hui Mossoul, p. 979. 

Melitène, ville de la principauté d'Édesse . 
p. 7. 

Merdjcolon , casai situé h Test d'Acre, au- 
jourd'hui Medjel-Korocn, p. 979. 

Merdjmïn, p. 64. 

Mescherefie (La), casai dans le lerriloire 
d'Acre, aujourd'hui El-Mbscherfybh . 

P- «79- 
Moab, p. 973. 

MoGAR , casai de Galilée appartenant n 

l'ordre Teutonique, aujoiu^'hui El-Mo- 

GAR, p. 979. 



TABLE DES NOMS PROPRES. 



287 



MoHUTARA, aujourd'hui Mouktara, casai dé- 
pendant du fief de Gezzïn donné aux 
Teutonîques en 1961 par Julien de Sa- 
gette, p. 980. 

Mons-Fjsrrandos , château de Syrie , p. 5, 6^. 

MoNTFORT, château de Syrie, aujourd'hui 
Kalaat-Kodrein, p. 17. 

MONTPAZIBR, p. 995. 

MoNT-RiLiL, château d'Arabie, p. 3, 17, 
i3û, i/ii, 973, 974, 975. , 



Philippe de Milly, p. 973. 

Philippe de Navarre, p. 9/17. 

Philippe I", roi de France, p. 967. 

Pierre (Frère), châtelain de Mai^at, p. 33. 

Pierre d*A vallon, p. 64. 

Pierre de Mirusande, châtelain du Krak, 

p. 60. 
Pierre de Vallis , châtelain de Margat , 

p. 60. 
Pierre Scotaï, châtelain de Margat, p. 33. 



N 
Naplodsb, ville de Syrie, p. 4 , 9 93. 

NaRRONNE, p. 995. 

Nazareth, ville de Syrie, p. 3. 
Nbdjem-ed-din , prince des Ismaéliens, p. 66. 
Nef, casai des Teutoniques non loin d*Acre, 

aujourd'hui Nahp, p. 979. 
Nephin, p. 5. 
NicéE, p. i84. 

Nicolas Lorgue, châtelain de Margat, p. 33. 
NiHA, casai dépendant du fief du Schouf, 

donné à Tordre Teutonique par Julien 

de Sagette , même nom de nos jours , 

p. 980. 
NoDREDDiN, Soudan d'Alep, p. 60, 61. 



Othon, comte de Hennebrek, p. 980. 
Odady-Araba (L'), p. 973. 
Odady-en-Nbmaïreh , p. 974. 
Odady-Gerba, p. 974. 

OUADY-MOUSA, p. 976. 

Ouady-Zbrka, p. 973. 
OoLTRE-JoDRDAiN (La terre d'), p. 973. 



R 

Rabbah, archevêché de Syrie, p. 973. 
Raimond de Mandago, châtelain de Margat, 

p. 33. 
Rainold de Clamgodrt, châtelain de Tor- 

tose, p. 81, 99. 
Raphanieb , casai dépendant au moyen âge 

de Mons-Ferrandus , aujourd'hui Kalaat- 

Baarîn, p. 965. 
Raverdan, ville de la principauté d'Ldesse, 

p. 7. 
Rehob, casai de Galilée voisin de Bethsan et 

possédé par Tordre Teutonique, aujour- 
d'hui Rehab, p. 979. 
Romane, casai de Galilée possédé par les 

chevaliers Teutoniques, aujourd'hui Ro- 

MANEH,p. 979. 
RooiA, ville de la principauté d'Antioche, 

p. 6. 
Rum-Kalah , ville de la principauté d'Edesse , 

p. 7. 
RusTAN (Er-), TArethusa des auteurs an- 
ciens, village situé h moitié route entre 

Homs et Hamah, p. 9G6. 



Paphos, ville de Chypre, p. 93o. 
Paven , bouteilier du royaume de Jérusalem, 
p. i33. 



Safita, château de Syrie, p. 6, 16, 81. 87. 

117, i34. 
Sahioun , château de la principauté dWu- 

tioche, p. 6, 17, io5. 



288 



TABLE DES NOMS PROPRES. 



SALAH-ED-DlN,p. 33, 69 , 8o , 8l, 111, 119, 
195, l37, 908, 910. 

Saleh-Ismaêl , prince de Damas, p. iSy. 

Samaqcie, casai voisin de Mons-Ferrandus, 
p. 6^. 

Samosate, ville de la principauté d'Ëdesse, 
p. 7. 

Saphet, p. 980. 

Sabc (Le), château de Syrie, p. 6, Uo. 

SAREM-BD-Dm-EL-KAPBouRi (L'émir), gouver- 
neur musulman du Hosn, p. /ii, 67. 

SCHAUBAK ou MoNT-R^AL, p. 97^, 978. 
SCHEAB-ED-DIN-MOHAMHED (L'émir), p. 61. 

Schbkif-Arnoun, p. 197, i38. 

ScHODF (Le), fief considérable de la sei- 
gneurie de Sagette, p. 166. 

ScHouMAÎHis (Le château de), p. 1/19. 

Sedinuh, p. 980. 

Sbif-ed-din ( L'émir ) , prince de Sahioun , 
p. 66. 

Seif-ed-din-Balban (L'émir), p. 35 , 67. 

Sblleh , casai de Galilée possédé par les 
Teutoniques, situation inconnue, p. 979. 

SoRORGiE, ville de la principauté d'Édesse, 

P-7- 
SouDÏN, port de Syrie, aujourd'hui Sode- 

DIEH, p. 6. 

SvMON DE MoNTCBUABT, châtelalu de Sa- 
gette, p. i58. 

Syrie-Sobalb, p. 973, 975. 

SzALKHAD. château dans le Hauran, p. 1^9. 



Tell-e&-Saphieh , nom moderne du château 
de Blanche-Garde, p. 19/ii. 

ToKL^, p. 91, 109. 

ToBON (Le), p. 198. 

ToBTosE, ville de Syrie, p. i4, 96, 97, 33, 

39, 60, 58, 59, 63, 67, 69, 993. 
TuLDPE, ville de la principauté d'Édesse, 

P-7- . 
TuRBEssBL , ville de la principauté d'Edesse , 

p. 7. 



Valenie , ville épiscopale de Syrie , p. 6 , 9 1 . 
Vallée de Moyse (Le château de la), p. 373, 
975. 



Yamoor, château de Syrie, p. ho. 
Ydumée, p. 973. 



ZaRA, p. 91, 109. 

Zbkkanîn , casai de Galilée possédé par 
l'ordre Teutonique, aujourd'hui Sakh^ïn, 
p.. 979. 

ZiBEL, ville de Syrie, p. 6, 19. 

Zoueîba, \îllage de Syrie, p. /i, 10/i. 



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APR 26 1913 




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